Demeure cossue au milieu d'un quartier ouvrier, Slade House devrait attirer l'attention des passants. Pourtant, elle passe inaperçue et seuls quelques individus triés sur le volet s'en voient offrir l'accès. Alors, il est déjà trop tard, le piège s'est refermé sur eux.

Comment renouveler le thème éculé de la maison hantée? Peut-être en ne l'utilisant que de manière périphérique, pour attirer le chaland comme les visiteurs de la maison en question qui ne réalisent qu'après y être entrés que les apparences sont trompeuses. C'est la stratégie de David Mitchell dans ce court roman: il se passe de drôles de choses dans Slade House, ses locataires semblent d'un autre temps et chaque malheureux dont on suit le point de vue dans les différentes parties qui composent le récit vont naviguer entre hallucinations et une terrible vérité. Néanmoins, la nature de la menace ne consiste pas en spectres de ce qui fut autrefois des êtres vivants, bien que l'on traite d'esprits liés à un lieu précis. On pense au mot avant qu'il ne soit prononcé ouvertement par l'un des personnages: on est sur une autre sorte de créature horrifique mais là encore, avec une variation sur le thème et même une petite pincée de SF.

Pendant les deux ou trois premiers chapitres, on craint toutefois que le roman ne soit bâti que selon un système qui pourrait être répétitif: on fait la connaissance d'un personnage, souvent malheureux pour une raison ou une autre (un garçon probablement autiste flanqué d'une mère snob et dépressive, un flic divorcé, ce qui ne nous étonne pas, une étudiante complexée...), ils sont invités dans la maison, au départ tout se passe bien et puis pas tant que cela. Heureusement, petit à petit, on en découvre plus sur la nature des hôtes (l'un est très serviable quand il s'agit de faire de l'exposition, c'est pratique) et surtout, les victimes deviennent plus difficiles à coincer. On devine un univers plus vaste avec une hiérarchie parmi les individus conscients d'avoir des capacités particulières, sans en dévoiler trop pour ne pas gâcher le mystère.

C'est en cultivant ce mystère et en prenant son temps, chapitre par chapitre, pour dévoiler quelques secrets de la terrible bâtisse que David Mitchell tient en haleine. Slade House est un roman qui injecte habilement un peu de nouveauté dans ce qui semblait une intrigue éprouvée et tout en utilisant des éléments familiers, l'auteur les accommode avec fraîcheur.