Une vengeance savamment élaborée, un vampire pilote d'avion, un quartier de Londres qui glisse dans une autre dimension... Une vingtaine de nouvelles différentes laissant entrevoir un univers souvent cauchemardesque, mais qui parfois vient en aide à des gens qui ont bien besoin d'un petit coup de pouce.
J'avais déjà lu ce recueil de nouvelles il y a bien longtemps, quand je devais encore être au lycée, mais contrairement aux deux premiers recueils de Stephen King,
Danse Macabre et
Brume, il ne m'avait pas spécialement marquée, à l'exception d'une petite poignée d'histoire. À la relecture, certains souvenirs supplémentaires me sont revenus en cours de route mais dans d'autres cas, c'est comme si je les lisais pour la première fois. Petit tour d'horizon:
La Cadillac de Dolan: un instituteur chercher à se venger d'un mafieux qui a fait assassiner sa femme et concocte un plan ingénieux. Cette longue nouvelle faisait partie de celle dont je me souvenais plutôt bien. Pas fana de ce type d'histoires en général, et ici King est obligé de donner des détails techniques pour qu'on y croie un temps soit peu, donc un peu longuet même s'il faut avouer que le sort de Dolan est délicieusement cruel.
Le Grand Bazar: Finale: le frère d'un petit génie raconte comment ce dernier a réussi à mettre fin à la violence alors que l'Humanité, à force de se faire la guerre, est à deux doigts de l'extinction totale... mais les conséquences sont inattendues. Un peu d'humour très noir, et parfois involontaire (la mention de Waco), même si King vend la mèche très tôt.
Laissez venir à moi les petits enfants: une institutrice proche de la retraite découvre qu'un élève de sa classe est un monstre, et qu'il contamine son entourage. Le gros des nouvelles a été écrit dans les années 80 ou au début des années 90 mais celle-ci date de 1972. Elle est courte, simple, mais très efficace.
Le Rapace nocturne: un journaliste travaillant pour un torchon tient le scoop de sa vie quand il pense pouvoir prendre la main dans le sac un
serial killer qui a l'air de se prendre pour un vampire. J'avais un assez bon souvenir de cette histoire qui met en scène un personnage croisé dans
Dead Zone. Allez savoir pourquoi, l'image du vampire pissant du sang dans un urinoir alors que le journaliste regarde dans une glace et ne voit donc que le liquide m'était restée en tête...
Popsy: un homme endetté enlève un gamin pour se refaire, mais s'en prend au mauvais. Celle-là en revanche, ne m'avait pas laissé de souvenir mais elle est amusante.
Ça vous pousse dessus: aucun souvenir de cette histoire également, qui se passe à
Castle Rock et où des habitants évoquent une vieille maison et ses propriétaires, ladite baraque s'étant agrandie au fur et à mesure des tragédies qui ont frappé ses habitants. Une évocation du passé d'une petite ville comme King les aime, avec un aspect réalisme magique pas déplaisant.
Le Dentier claqueur: celle-ci, c'est un peu différent, puisque je ne m'en souvenais pas du tout jusqu'à ce que je lise le titre, et là, ça m'est revenu dans les grandes lignes: un homme achète un dentier de farces et attrapes cassé avant de prendre en stop un petit voyou. Son achat va se révéler salutaire. Donc oui, à peine l'histoire commencée, je me rappelais comment ça allait tourner, donc pas de surprise, elle est un peu dans la lignée de
Popsy, d'ailleurs.
Dédicaces: une femme de ménage dont le fils a vu son premier roman publié raconte la conception très particulière de celui-ci. Encore une nouvelle qui ne m'évoquait rien jusqu'à ce que j'arrive un peu avant un certain passage où je me suis dit que ah oui, tiens, ça me dit quelque chose, elle va devoir... bref, du coup ça m'a un peu parasité une histoire de mère-courage qui se voulait touchante.
Le Doigt télescopique: elle faisait en revanche partie des histoire qui m'avait fortement marquée: un homme voit un doigt apparaitre dans le trou de son lavabo et n'arrive pas à s'en débarrasser. C'est à la fois totalement incongru, grotesque et en même temps horrible (car à quoi peut ressembler la créature qui possède un tel doigt?).
Pompes de basket: un homme qui travaille dans l'industrie du disque découvre que les toilettes du studio sont hantées. Là encore, ça ne m'évoquais rien jusqu'à ce que j'en entame la relecture, et l'apparition du fantôme a réveillé en moi des souvenirs diffus. Je pouvais presque entendre Les McQueen de
The League of Gentlemen dire: "
it's a shit business". Rien d’extraordinaire avec une conclusion qui tombe un peu à plat.
Un groupe d'enfer: un couple s'égare dans une petite ville peuplée de stars du rock décédées. Celle-là, je m'en souvenais bien, surtout parce que c'est à travers elle que j'ai appris comment Ricky Nelson, que je connaissais juste pour son rôle dans
Rio Bravo et sa chanson
Lonesome Town, était mort. King cite
The Twilight Zone au début et cela aurait aussi bien fonctionné sans qu'il le fasse, on avait saisi l'influence.
Accouchement à domicile: une femme est sur le point d'accoucher alors que l'île où elle vit résiste à l'invasion de zombie qui frappe la planète. Rien d'extraordinaire, mais sympathique, que ce soit l'évocation de l'origine du mal qui fait frissonner ou l'héroïne finalement plutôt touchante.
La Saison des pluies: encore un couple qui se retrouve dans une petite ville, qui voit s'abattre tous les sept ans une pluie de crapauds. Le couple en rit, il a tort. Celle-là, je m'en souvenais bien, elle va droit au but et fonctionne parfaitement.
Mon joli poney: un grand-père parle à son petit-fils de la manière dont le temps s'écoule différemment selon les âges. En fait, à l'origine il ne s'agissait pas d'une nouvelle indépendante mais d'un passage tiré d'un roman que King comptait publier sous le nom de Richard Bachman mais qu'il a jugé trop mauvais. Le passage lui plaisait, et ça tient bien tout seul, mais beaucoup de détours juste pour dire que le temps parait interminable quand on est gamin mais beaucoup plus court à l'âge adulte. Ce dont tout le monde s'est rendu compte, merci.
Désolé, bon numéro: un script rédigé pour une anthologie fantastique, mais qui n'a pas été retenu: une femme reçoit un appel paniqué de quelqu'un qu'elle est sûre de connaitre, mais tout le monde dans son entourage se porte bien. Il y a effectivement une bonne base pour un épisode de vingt minutes, même si le concept utilisé ici n'est pas franchement inédit, en tout cas de nos jours.
La Tribu des Dix Plombes: un fumeur se rend compte que certains membres de la société où il travaille sont de vilains aliens, mais pas tout le monde ne peut les voir sous leur vrai jour. Je me souvenais d'une histoire qui n'était pas sans évoquer
Invasion Los Angeles, mais où le tabagisme jouait un rôle plutôt que des lunettes spéciales. Donc c'est ça, voilà.
Crouch End: un jeune couple, encore un, s'égare dans le quartier londonien de
Crouch End et l'horreur commence. King avait déjà écrit un vrai pastiche de Lovecraft avec
Celui qui garde le ver, ici l'influence de son prédécesseur est palpable sans qu'on soit dans l'imitation. En fait, comme pour
Un groupe d'enfer, il eut sans doute été préférable de ne pas citer la source de son inspiration, suffisamment reconnaissable, mais le résultat est réussi.
La Maison de Maple Street: des gamins découvrent que leur maison se mute en vaisseau spatial. Tiens, pour le coup, la référence à
The Twilight Zone est bien là, mais King s'abstient de l'expliciter et c'est aussi bien comme ça.
Le Cinquième Quart: une histoire de gangsters et de magot enterré. Ni plus ni moins.
Le docteur résout l'énigme: King nous livre sa propre petite histoire de Sherlock Holmes, ce que j'avais totalement zappé. Pas vraiment un complet pastiche de Conan Doyle car tout le passage sur Wilde et Swinburne ne cadre pas franchement avec le langage qu'on publiait à l'époque, mais pas un total remaniement non plus, donc un entre-deux qui peut déplaire. L'histoire elle-même est honorable, cela dit.
La Dernière Affaire d'Umney: ça, en revanche, j'en gardais un bon souvenir, peut-être parce que ma première lecture date de l'époque où j'avais lu
Le Grand Sommeil et que j'avais vu quelques films avec Bogart en détective. Un privé remarque que son quotidien fiche le camp et la raison est pour le moins incroyable.
Le mendiant et le diamant: après quelques notes explicatives sur l'origine des nouvelles précédentes, King nous narre une parabole qu'il tient d'un ami indien mais où il a remplacé Shiva et Parvati par Dieu et Uriel. Pourquoi? Pourquoi pas, je suppose, mais quand même, qu'est-ce que ça vient faire là? Et pourquoi estimer que ses lecteurs avaient besoin de ce changement?
Voilà, voilà. Fondamentalement, il n'y a aucune mauvaise histoire dans ce recueil, mais en même temps, cela manque de nouvelles vraiment glaçantes ou indispensables pour les amateurs de l'auteur.