Lord Darcy, enquêteur au service du duc de Normandie, frère de John IV Plantagenêt, parcourt l'Europe avec pour mission de résoudre des mystères dont la solution peut relever de l'intérêt national. Il est aidé dans sa tâche par Sean O'Lochlainn, sorcier légiste de son état.

Contrairement à ce que le nom du protagoniste pourrait laisser penser, Randall Garrett n'est pas l'auteur d'une énième austenerie. Ce proche de Robert Silverberg, au travers de onze nouvelles et un roman, met son héros au centre d'un univers uchronique où Richard Coeur-de-Lion aurait vécu quelques années de plus, exilé définitivement son frère Jean avant de laisser le trône à son neveu Arthur pour que la lignée des Plantagenêt prospère et soit à la tête d'un immense empire huit siècles plus tard. Autre changement notable, la magie a pris l'ascendant sur la science et les années 60/70 que l'on découvre sont donc bien différentes des nôtres, évoquant un XIXe siècle qui comporterait encore des éléments médiévaux. Il n'y a guère que la réputation des Parisiens qui demeure.

Les récits sont pour la plupart policiers, Darcy et Maître Sean résolvant des enquêtes classiques à base de trucidés retrouvés dans des pièces fermées de l'intérieur, ou à bord de train où tout le monde a une raison de vouloir se débarrasser de la victime. Le tout est également mâtiné d'espionnage, l'empire anglo-français ayant pour principal rival le Royaume de Pologne, et son fameux agent 055.

Le résultat est particulièrement divertissant. Certaines informations paraissent répétitives, mais les nouvelles paraissant à intervalles espacées, ce ne devait pas être aussi gênant à l'époque de leur publication qu'en les lisant à la suite dans une intégrale. Si certaines répliques rappellent Sherlock Holmes ou Hercule Poirot, on peut regretter que Lord Darcy ne soit pas aussi mémorable que ces deux-là. Il n'a pas vraiment d’aspérité ou de traits particuliers, et son univers est plus intéressant que lui, bien que l'on aurait souhaité en découvrir davantage: puisque l'Afrique et l'Inde par exemple n'ont pas été colonisées, il aurait été sympathique d'y faire un saut pour découvrir comment leurs sociétés ont évoluées dans ce monde parallèle. Du côté des Amériques, qui elles sont devenues parties de l'empire anglo-français, il aurait été également bien d'en savoir un peu plus, car si l'on fait connaissance d'un personnage mexicain, on doit pour le reste se contenter deux ou trois répliques en passant qui donnent à penser qu'on en est plus ou moins à l'équivalent des Guerres indiennes du XIXe siècle. Doit-on en déduire que le gentil empire Plantagenêt va aussi commettre un génocide?

C'est un peu frustrant mais cela donne aussi une impression de n'effleurer que la partie émergée de l'iceberg, et donc que cet univers est plutôt riche. De plus, l'usage de la magie est suffisamment régulé pour que les coupables ne soient pas confondus d'un claquement de doigt. L'ensemble des enquêtes de Lord Darcy forme donc une série légère et idéale pour se détendre entre deux gros cycles épiques.