Le jeune d'Artagnan quitte sa Gascogne natale pour Paris afin d'y devenir mousquetaire. Provoqué en duel par trois d'entre eux, Athos, Porthos et Aramis, il se joint à eux contre les gardes du Cardinal Richelieu et devient leur ami. Alors qu'une nouvelle guerre de religion menace, les quatre compagnons vont se trouver malgré eux confrontés à un complot.
Casting de luxe, film divisé en deux parties, tournage dans certains des plus beaux châteaux de France:
Les Trois Mousquetaires était annoncé comme la grosse production qui allait redonner ses lettres de noblesse au cinéma populaire français. Une ambition qui se trouve dans les moyens déployés à défaut du sujet: une énième adaptation du roman d'Alexandre Dumas, alors que la décennie passée avait été marquée sur grand écran par le film de Paul W. Anderson, resté dans les mémoires pour ses navires volants, et la série de la BBC "basée sur les personnages de Dumas" plutôt que son livre. Encore, donc. En même temps, il y a eu tellement d'adaptations, et tellement d'adaptations qui mettaient le texte à leur sauce et construisaient des idées reçues reprises par les autres qu'il y avait moyen d’espérer. Espérer un retour aux sources, qui rendrait enfin justice aux différents personnages souvent caricaturés.
Disons le tout net, cette première partie, tout en gardant quelques éléments-phares, prend de grandes libertés avec l'intrigue et par ricochet les personnages et pour le retour aux sources, autant ne pas y compter, la seconde partie à venir en décembre ne risquant pas de changer la direction. Commençons toutefois par le positif, il y en a. Les deux heures sont bien rythmées, on voit les moyens à disposition, notamment le tournage en France dans des châteaux qui ont l'air meublé: j'aime beaucoup la série de la BBC mais voir Louis XIII ou Richelieu évoluer dans des pièces vides à part un bureau ou des chaises posées là pour l'occasion faisait vraiment cheap, rien de tout cela ici.
François Civil campe un bon d'Artagnan, Louis Garrel est excellent en Louis XIII, mais pour les mousquetaires si les acteurs sont bons dans ce qu'on leur fait faire il n'en va pas de même de leur caractérisation, j'y reviendrai. Finalement alors que c'est celle que j'appréhendais le plus tant je me suis lassée il y a longtemps de son numéro de femme mystérieuse, j'ai bien aimé Eva Green mais elle n'est pas si présente que cela. Globalement si toutes les interprétations ne sont pas d'un niveau égal il y avait une bonne homogénéité de ton que je trouve rare dans les films en costumes français où certains acteurs jouent très théâtralement, très cômédie françaiiiiise, face à d'autres en mode ultra-contemporain et familier. Là, à part une tendance à ne pas toujours très bien articuler chez certains, on évite cet écueil.
Le film est hélas perclus de gros défauts, en terme de scénario et de parti-pris esthétiques. Je m'en inquiétais en voyant les bandes annonces et elles n'étaient pas mensongères: la photo est brunâtre. Les scènes d'intérieur éclairées à la bougie sont plutôt jolies mais le reste est très terne, très triste sans justification (Aramis dit à un moment que le ciel est clair, tu parles il est sans arrêt grisâtre). Je veux bien que les trottoirs soient sales sans tout-à-l’égout ainsi que les héros après un combat ou une chevauchée mais il en est ainsi tout le temps, même quand ils sont reçus par le roi ils ne se débarbouillent pas le visage, sont dépoitraillés, chemises ouvertes, chaînes en or qui brillent. Ce ne sont pas des pirates mais les membres d'un corps d'élite, où est leur coquetterie? Mentionnons aussi les casaques bleues quasiment noires... C'est le passé, seul le Cardinal, ce privilégié, a la couleur, visiblement. Il ne s'agit pas de réalisme mais d'un cliché. Apparemment l'inspiration du réalisateur Martin Bourboulon était le western tendance spaghetti mais même là on y croise des personnages prenant des bains! Les duels sont filmés de très près, caméra portée, sur-découpés. Donner occasionnellement un aspect "cœur de la mêlée", pourquoi pas mais c'est tellement systématique qu'on ne peut apprécier la chorégraphie des combats.
La musique ressemble à du sous-sous-sous Hans Zimmer, dans le meilleur des cas (sur le premier duel, je me suis cru un moment en boite de nuit)
Le scénario pour sa part invente tout un tas de péripéties inédites et néglige finalement les points que la plupart des adaptations négligeaient aussi et que les deux parties auraient permis de développer. Porthos et Aramis disparaissent quasiment à mi-course et on leur colle des traits nouveaux pour les caractériser sans que cela les étoffe pour autant. Tout cela pour tisser toute une intrigue autour d'un Athos d'âge canonique alors que c'est déjà le mousquetaire qui a son propre arc relatif à Milady, il faudrait en laisser un peu pour les autres!
Quant à Rochefort... apparemment c'était le sbire au tricorne anachronique, encore une occasion manquée de rendre justice au Rochefort du livre (qui n'est pas le grand méchant juste là pour se faire tuer en duel par le héros comme la plupart des adaptations le laissent croire) mais il n'est même pas nommé (cela dit je ne me souviens même pas que Milady de Winter soit elle-même nommée...). Le Cardinal manque de charisme et là encore, les ferrets suffiraient à montrer son côté manipulateur, mais on se perd dans un complot dans le complot, avec encore une fois l'idée que Richelieu voudrait le pouvoir pour lui tout seul et que cela impliquerait la mort de Louis XIII... qui est pourtant garant de son pouvoir!
Je fais court car il y aurait encore à dire mais cette première partie laisse un sentiment de gâchis, non car elle est totalement déshonorante en terme de divertissement (le film se suit, Civil est capable de tenir ce genre de premier rôle) mais par des choix qui s'imaginent dépoussiérer un roman qui n'en avait pas besoin mais qui au contraire aurait besoin qu'on en rappelle quelques fondamentaux.