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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Les Affranchis
Depuis sa plus tendre enfance passée à Brooklyn, Henry Hill a voulu être un gangster. L'un d'eux, Paul Cicero, le prend sous son aile et Henry commence son ascension, en compagnie de Tommy, avec qui il est associé dès son adolescence, et Jim Conway, braqueur et tueur plus âgé. L'argent afflue, Henry mène la belle vie mais sa chance tourne.

Les œuvres consacrées à la Mafia ou plus largement aux gangsters ne doivent pas composer le quart de la filmographie de Martin Scorsese et pourtant il reste associé à ce genre comme John Ford aux westerns. Probablement parce qu'il en a signé des longs-métrages suffisamment emblématiques pour que, sans éclipser d'autres de ses films tout aussi fameux, ce soit souvent à quoi l'on pense en premier. Les années 90 l'ont ainsi vu réaliser Les Affranchis et Casino, les plus remarquables. Les Affranchis donc, s'inspire de la vie de Henry Hill, gangster puis informateur pour le FBI, racontée dans le livre Wiseguy de Nicolas Pileggi. Un personnage qui n'a qu'une ambition, être un mafieux, depuis qu'il les observe enfant faire la loi dans son quartier, ne se laisser dicter leurs règles par personne et surtout ne pas mener une vie besogneuse, ordinaire et anonyme comme son père et ses voisins. Henry est suffisamment dégourdi pour attirer l'attention du parrain local, Paulie Cicero et faire preuve de loyauté à sa première arrestation pour un petit trafic de cigarettes. De quoi lui ouvrir des portes et le faire monter dans la hiérarchie bien que ses origines à moitié irlandaises l'empêchent d'accéder au cercle le plus fermé.

Ascension/chute classique? Oui et non. Contrairement à Scarface, en particulier la version de De Palma, une fois que son étoile pâlit, Henry Hill ne va pas partir en luttant contre un dernier assaut, et ne montre même pas avoir une limite à ne pas franchir histoire de montrer que malgré sa vilénie, il a des valeurs. Il va devenir pour sauver sa peau ce que ses camarades détestent le plus, une balance, et pire, finir sa vie comme ce que lui déteste le plus: un type ordinaire vivant dans un petit pavillon, qui fait profil bas, bref, un plouc. Cette conclusion aussi féroce que lapidaire ferme un film qui tout en montrant les coulisses de la Mafia de manière renseignée et réaliste, ne manque pas d'humour noie: dès la scène d'ouverture, plus tard lors du dîner chez la mère de Tommy, le plus sanguinaire et incontrôlable du groupe, Jim Conway découvrant l'un après l'autre ses complices incapables de se faire discrets après un braquage spectaculaire... Un équilibre qui annonce Les Soprano, d'autant qu'il y a quelques acteurs en commun entre le film et la série.

La peinture du milieu fréquenté par Hill et Hill lui-même est portée par une réalisation particulièrement dynamique: les débuts de Henry, la présentation en plan-séquence des différents gangsters dans leur bar de prédilection, le suspense dans la dernière partie avec cette journée infernale où Hill se sait suivi jusqu'à ce que le couperet tombe, le tout bercé par une bande-son du plus bel effet, et en même temps sans tape-à-l’œil, capable de présenter des personnages vulgaires sans l'être pour autant. Si le film se rapproche sur bien des points de Casino (générique - plus sobre - de Saul Bass, Joe Pesci en allumé trop complet pour ne pas devenir encombrant...), il est également la prolongation d'un des premiers films de Scorsese, Mean Streets: certes, Hill et ses compagnons se retrouvent vite à un échelon bien plus élevé que les personnages de Mean Streets n'atteindront jamais, mais les personnages sont les mêmes, plus riches et flambeurs mais finalement tout aussi minables malgré les rêves de grandeur et les passe-droits.

Dans le rôle principal, Ray Liotta trouve sans aucun doute son plus beau rôle, à la fois séduisant et veule, débrouillard et limité. Robert De Niro a beau tenir le centre de l'affiche et être le nom le plus connu au générique, il se montre discret, surtout dans la dernière partie, avant de devenir plus présent et inquiétant (notamment lors de la scène tendue où il invite la femme de Hill à choisir des robes au coin de la rue). Comme dit plus haut Pesci a un rôle voisin de celui de Casino tandis que Lorraine Bracco s'illustre particulièrement en femme de gangster, entretenant au départ une confortable ignorance de ses activités avant de jouer les épouses bafouées ou d'en être complice, tout d'abord hors de son élément au milieu des autres femmes de mafieux qu'elle trouve moches et vulgaires avant d'intégrer leurs rangs.

Succès au box-office en son temps, Les Affranchis reste trente ans plus tard l'un des films les plus révérés de son réalisateur, plongée fascinante dans un milieu de multiples fois exploré mais qui n'a ici rien de magnifié, portrait d'un wiseguy regrettant moins sa trahison que le fait d'être devenu un plouc sans réaliser qu'il l'était depuis le départ.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 2 Juillet 2023, 19:11bouillonnant dans le chaudron "Films".