L'architecte Harald Berger est engagé par Chandra, maharadjah d'Eschnapour, pour faire des travaux dans son palais. En chemin, Harald sauve des griffes d'un tigre la danseuse Seetha. Les deux jeunes gens tombent amoureux mais Chandra compte également épouser Seetha. Il ignore par ailleurs que son frère complote contre lui.

La première période allemande de Fritz Lang est considérée comme sa plus belle. Ses années à Hollywood où il avait moins de pouvoir de décision ont même parfois tendance à être sous-estimées malgré de belles réussites, que ce soit ses films noirs ou un film d'aventures comme Moonfleet qu'il mésestimait lui-même. Son retour en Europe à la fin des années 50 est moins riche et l'on peut y voir une volonté de reprendre où il s'en était arrêté ou à revenir à ses années de gloire, avec un dernier opus sur le Docteur Mabuse et ce diptyque, projet de longue date adapté d'un roman de son ex-épouse et scénariste Thea von Harbou, qui avait déjà été porté à l'écran en 1921 et en 1938.

Tournage au Rajasthan pour les extérieurs, en particulier à Udaipur et son Lake Palace, en studio en Allemagne pour les intérieurs, notamment les décors du temple et des souterrains sous le palais, les moyens sont là pour offrir une grande fresque exotique. Il n'est pas question ici de faire preuve d'une grande rigueur historique et culturelle, la vision de l'hindouisme est par exemple très fantaisiste, mais d'offrir au spectateur occidental de l'époque du dépaysement en suivant des personnages facilement identifiables: les gentils sont très gentils, Harald est courageux, Seetha vertueuse, Asagara loyal et les méchants tout aussi facilement identifiables et fourbes. Seul Chandra échappe un peu à cette binarité car au premier abord présenté comme un monarque éclairé (l'influence européenne) mais vite maladivement jaloux et implacable dans sa soif de vengeance (le poids des traditions locales, que voulez-vous) avant de chercher la rédemption.

Tout cela est très naïf et pour un spectateur du XXIe siècle, peut sembler un simple empilement de clichés. On peut rire devant un cobra toc à souhait (en même temps dans cette scène, ce n'est pas lui qui mobilise les regards!). Le héros sans peur et sans reproche peut agacer et naturellement, hors figurants dans les scènes d'extérieur, les acteurs jouant des Indiens ont l'air de ce qu'ils sont, c'est-à-dire des Teutons badigeonnés de fond de teint. Après presque trois heures à voir la cour de Chandra conspirer contre lui, le coup d'état est expédié, tout comme sa résolution qui se fait presque sans la participation des protagonistes (Harald est d'ailleurs hors course pendant une bonne partie du Tombeau hindou tandis que sa sœur et son beau-frère binoclard se démènent).

Néanmoins, à partir du moment où l'on accepte d'assister à un spectacle qui ne prétend pas être autre chose qu'une invitation à l'aventure dans un décor fantasmé, il n'y a pas lieu de bouder son plaisir car certes, c'est extrêmement stéréotypé mais justement, tout y est ou presque (ça manque tout de même de Thugs): des tigres, des lépreux, un serpent, des conseillers fourbes, un maharadjah ombrageux, un vieux sage... Le casting est correct sans faite d'étincelles, Walther Reyer est probablement celui qui a le plus à faire avec un personnage tour à tour noble ou détestable tandis que Debra Paget s'offre un morceau de bravoure par volet, chacun la voyant exécuter une danse qui, si elle n'a rien d'authentique, est mémorable et franchement osée.

Un des derniers chefs-d’œuvre signés Fritz Lang? Peut-être pas car au cours de sa longue carrière, le réalisateur s'est montré plus innovant, avec des films au propos plus intéressant. Néanmoins, le diptyque n'est pas sans avoir conservé un charme suranné ajouté aux superbes vues d'Udaipur qui emporte toujours.