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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Le Prodige
Bobby Fischer, génie précoce des échecs, ambitionne de devenir champion du monde dans une discipline dominée par les Russes. Pour se faire, il va devoir affronter Boris Spassky, le tenant du titre. En pleine Guerre Froide, cet affrontement devient un enjeu national et tant pis si la santé mentale déjà fragile de Fischer en fait les frais.

La vie de Bobby Fischer, petit génie des échecs devenu champion du monde puis tombé en disgrâce est tout à fait le genre d'histoire propice à un biopic, encore faut-il être inspiré pour se montrer à la hauteur du sujet. Edward Zwick, bon faiseur pour les uns, tâcheron pour les autres mais grand réalisateur pour personne n'est pas vraiment de ceux dont on attend qu'il transcende un scénario classique signé Steven Knight, et il ne le fait pas. Amateur d'échecs mais aussi producteur exécutif, Tobey Maguire avait entre les mains un projet qui lui tenait à cœur mais difficile de ne pas le soupçonner de viser dans la foulée une nomination aux Oscars, vainement. Pour autant, faut-il bouder le film?

Tous les ingrédients habituels sont là: une personnalité hors du commun, comme le titre français l'indique, mais tourmentée, qui va devoir vaincre ses démons pour l'emporter. Un entourage qui le soutient, et va suivre la compétition en retenant son souffle et explosant de joie au moment de la victoire finale. Un adversaire impressionnant boosté par une force implacable mais qui individuellement n'est pas présenté comme un mauvais bougre. Un petit résumé et quelques images d'archives à la fin en mode "qu'est-il devenu"... et c'est un peu là que le bat blesse. Le titre américain, Pawn Sacrifice affiche mieux la note d'intention, plus intéressante que le parcours d'un surdoué jusqu'au bout d'une compétition: Fischer a ses ambitions mais se retrouve pris dans une lutte qui va au-delà de sa personne et sa santé mentale sera sacrifiée sur l'autel d'une victoire symbolique contre l'URSS avant qu'il ne devienne encombrant et cette partie-là n'est pas explorée, juste effleurée, puisqu'on se concentre sur la compétition elle-même, comme un film de sport conventionnel.

On ne fait rien, il faut le souligner, pour rendre Fischer sympathique tout en donnant une origine à ses obsessions: paranoïaque, antisémite (en dépit d'être juif lui-même), avec des caprices de diva, il ne facilite guère la vie d'un entourage qui croit en lui. Tobey Maguire arrive à tenir ce rôle délicat, qu'on a envie de suivre et que l'on plaint tout de même malgré l'énervement qu'il suscite. Néanmoins, les personnages qui gravitent autour de lui sont plus intéressants. Dans le rôle de Spassky, Liev Schreiber est longtemps impénétrable, en apparence le contrepoids de Fischer, un champion équilibré qui gère la pression et qui a un côté rock-star qui manque à Fischer mais l'on sent petit à petit qu'il est tout aussi utilisé par sa nation que son adversaire par la sienne et la paranoïa de Bobby déteint sur lui.

Paul Marshall et le père Lombardy, qui gèrent la carrière de Fischer et le rassurent, ne sont pas sans ambiguïté: le premier se définit comme patriote et peu intéressé par l'argent, le second est un amateur éclairé des échecs et leur fonction est de protéger Fischer mais en fin de compte, ne se servent-ils pas eux-même en ne l'éloignant pas d'une compétition qui le fait craquer? Dans leurs rôles respectifs, Michael Stuhlbarg et Peter Sarsgaard apportent un peu d'humour et de légèreté (surtout le premier) tout en rendant bien le caractère ambivalent de managers qui veillent aux intérêts du champion tout en le remettant sans cesse sur le ring. Lily Rabe en sœur inquiète et la trop rare Robin Weigert en mère rejetée n'ont malheureusement pas assez à faire, vite cantonnées à regarder Bobby aller et venir à la télévision avec des mines de circonstance.

Le Prodige est donc un biopic extrêmement balisé, servi par de très bons acteurs et emballé soigneusement mais sans génie (on a droit à la pièce de la victoire déplacée au ralenti, c'est pour vous dire l'imagination dont Zwick fait preuve). Il remplit son office (on s'intéresse suffisamment pour aller dans la foulée sur internet distinguer le vrai du faux) mais on se prend à rêver de ce qu'un réalisateur plus inspiré aurait tiré de la même histoire.
potion préparée par Zakath Nath, le Lundi 24 Janvier 2022, 10:18bouillonnant dans le chaudron "Films".