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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Le Grand Saut
Waring Hudsucker, président d'une prospère compagnie industrielle, se jette du haut de son building. Son conseil d'administration décide de racheter les actions de l'entreprise à bas prix avant qu'elles ne soient mises en vente publiquement et pour décourager actionnaires et acheteurs, nomme comme nouveau président Norville Barnes, jeune homme naïf tout juste arrivé de Muncie, Indiana. Une journaliste flaire l'entourloupe tandis que Norville lance une idée révolutionnaire.

En 1991, Les frères Coen remportent avec Barton Fink la prestigieuse Palme d'Or, accompagnée des prix de la mise en scène et d'interprétation pour John Turturro. Une accumulation de récompenses qui a d'ailleurs poussé le festival de Cannes à limiter par la suite celles-ci à une seule par film. La reconnaissance ne s'est pas arrêtée là puisque le film a glané encore quelques prix et nominations par-ci par-là. Après une telle consécration pour de jeunes réalisateurs et scénaristes qui n'en étaient qu'à leur quatrième film, le suivant était attendu au tournant. Pour celui-ci, Joel Silver à la production, un budget s'élevant à 40 millions de dollars... et un échec commercial cuisant à la sortie avec seulement 3 millions de recettes. Le Grand Saut est rarement cité dans les tops de l’œuvre des Coen voire ne vient pas spontanément à l'esprit quand on mentionne leur filmographie, éclipsé par des titres plus évidents ou plus récents. Pourtant, on est très loin d'une sortie de route, box-office ou non.

Il s'agit une fois encore de revisiter les grands genres de l'âge d'or de Hollywood, ici avec une comédie à la Frank Capra mâtinée d'Howard Hawks: unejeune provincial naïf aux prises avec des hommes d'affaires malintentionnés, une journaliste audacieuse au débit de mitraillette, une action située en 1958 mais qui prend place dans un univers à l'esthétique délibérément entre-deux-guerres... Tous les ingrédients sont présents et la première partie du film montrant les coulisses de l'immeuble Hudsucker est un vrai délice de rythme dans le montage, les personnages évoluent dans de splendides pièces art déco et on met en place un monde aussi délirant que terrifiant dans lequel les petites mains de l'entreprise n'ont pas le temps de souffler et pas le droit à l'erreur. Malgré le tempo effréné et le héros jovial plein de bon sentiment, il y a quelque chose de presque dystopique là-dedans tellement le curseur du travail déshumanisant est poussé au maximum. La suite est peut-être plus convenue, peut-être parce que les Coen respectent les règles du genre plutôt qu'ils ne les détournent. Même la pirouette finale, facilité avouée, n'est pas hors-sujet, grosse référence oblige.

Le casting est également sur la même longueur d'onde. Avec sa dégaine de grand dadais, Tim Robbins est parfait pour incarner ce jeune homme à la James Stewart, innocent mais pas si bête tandis que Jennifer Jason Leigh n'a rien à envier à une Rosalind Russell ou une Katherine Hepburn en journaliste ambitieuse qui a toujours une bonne réplique prête à fuser. Paul Newman en impose en antagoniste sans scrupules et on croise naturellement la galerie habituelle des seconds rôles hauts en couleur: John Mahoney et Bruce Campbell, Steve Buscemi en barman beatnik, John Goodman en présentateur, Bill Cobbs en homme à tout faire effectivement capable de tout faire et même la silhouette de Sam Raimi, accessoirement réalisateur de seconde équipe à qui l'on doit les séquences du suicide et du hula-hoop, pas des moindres donc. Tout ce beau monde a compris l'exercice et adopte un jeu d'acteur qui n'aurait pas déparé dans un film des années 30, avec un type de surjeu bien particulier qui peu fatiguer mais qui est cohérent avec le parti-pris général.

Peut-être est-ce justement en partie ce qui a coincé auprès du grand public que visaient Joel et Ethan Coen à l'époque? Tout en bénéficiant des moyens du moment, et tourné en couleur sur les conseils de Silver plutôt qu'en noir et blanc comme les frères l'envisageaient au départ, le film a un ton anachronique qui n'était probablement pas ce qui était recherché par les amateurs de comédie dans les années 90, et d'un autre côté, après un Barton Fink mystérieux et cruel, Le Grand Saut peut paraître trop direct, trop premier degré pour des gens qui espéraient voir quelque chose dans la veine de ce qui leur avait déjà plu? Difficile de refaire le match, d'autant que cet échec n'aura pas mis fin à la carrière des Coen, loin s'en faut.

Exercice de style réussi, visuellement splendide, Le Grand Saut revisite sans cynisme le cinéma de Capra et si l'hommage est peut-être trop littéral pour se détacher au milieu de films plus étranges et difficiles à cerner, et qui sont a priori plus propices aux analyses, il s'agit d'une belle pépite à redécouvrir.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 25 Juin 2023, 19:21bouillonnant dans le chaudron "Films".