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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Excalibur
Le roi Uther reçoit de Merlin l'épée Excalibur, destinée à l'aider à former un royaume uni. Le monarque compromet pourtant immédiatement son alliance avec Gorlois de Cornouailles dont il convoite la femme, Igraine. Des années après la mort d'Uther, son fils illégitime, Arthur, parvient à brandir Excalibur et avec l'appui de Merlin, apporte paix et prospérité à son peuple. Mais le Mal continue de rôder.

The Fabelmans laisse des traces. Ainsi, devant le superbe plan final, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que John Ford aurait apprécié. Plaisanterie à part, le centenaire de la Warner Bros donne l'occasion de (re)découvrir en salle des films de son catalogue et j'en ai profité pour voir sur grand écran Excalibur dont je n'avais visionné que certains passages dans lesquels je trouvais que le sublime le disputait au ridicule. Le film, sorti en 1981, est né de l'impossibilité de John Boorman à adapter Le Seigneur des Anneaux. Ce qui a filtré du projet promettait d'ailleurs autant une grande rigolade hallucinée qu'un geste artistique ambitieux. Ambitions revues à la baisse mais pas tant que cela avec Excalibur puisqu'en 2h20, Boorman adapte Le Morte d'Arthur de Thomas Malory, de la naissance du roi jusqu'à son départ pour Avalon là où d'autres films préfèrent raisonnablement se focaliser sur un personnage ou un épisode particulier du cycle. Le scénario se divise donc en grands actes, certains personnages sont fusionnés en un seul (Morgane/Morgause/Viviane ou Perceval/Galaad). Certaines ellipses sont élégamment amenées comme la croissance de Mordred, par moment c'est plus brutal: le Graal revêt ainsi une importance capitale dans le dernier tiers du film sans qu'on l'ait évoqué avant ou que l'on explique vraiment ce que c'est. Cela entraîne un rythme inégal, surtout au début.

Un des traits les plus frappants d'Excalibur est indubitablement son esthétique. Des costumes aux décors, John Boorman ne cherche pas à ancrer son film dans une quelconque historicité, contrairement à des adaptations plus récentes qui tendent à replacer les personnages dans une période de transition entre la fin de la domination romaine et les débuts de Moyen-Âge. Certes, on est dans un monde où les anciennes croyances laissent place au christianisme, où Merlin a conscience que l'on entre dans l'ère des Hommes (Le Seigneur des Anneaux plane toujours ici et là) mais Boorman dépeint avant tout un univers mythique, hors du temps, puisant son inspiration ici et là. Les armures rutilantes des grands jours des Chevaliers de la Table ronde évoquant les peintures de Waterhouse ou Butler, celle, dorée et baroque de Mordred, sont là pour le rappeler. Aux vieux châteaux déjà en ruine s'oppose un Camelot presque futuriste. On a pu moquer le kitsch de cette vision et si tout n'est pas heureux (le plastron de métal de Morgane dans sa dernière scène évoque désormais surtout des illustrations racoleuses d'une époque révolue, le Graal flottant...), on en prend généralement plein les mirettes et surtout, il y a une véritable cohérence dans ces choix.

Approche mythologique très premier degré oblige, le film arbore aussi un ton théâtral dans ses dialogues et sa direction d'acteurs. Le parti-pris demande un temps d'adaptation, les premières minutes durant lesquelles Uther et Merlin beuglent comme pour atteindre les durs de la feuille du dernier rang laissent craindre qu'on ne tiendra pas la longueur mais heureusement cela devient plus nuancé par la suite. Le casting laisse cependant le sentiment de performances inégales. Nicol Williamson campe un Merlin à la fois imposant, malicieux et inquiétant tandis qu'Helen Mirren est troublante en Morgane revancharde. De manière ironique, les personnages principaux sont généralement joués par des acteurs qui ne marqueront pas le grand écran de leur emprunte par la suite, contrairement à certains seconds rôles: le jeu de Nigel Terry fait peur dans ses premières scènes mais une fois roi et barbu il gagne en charisme et en émotion. Il en va de même pour Paul Geoffrey en Perceval. Malgré le côté tragique du personnage de Lancelot, Nicholas Clay peine en revanche à se défaire d'une image de bellâtre. Cherie Lunghi est pour sa part une Guenièvre plutôt piquante au début et avec peu de temps à l'écran Robert Addie est un Mordred magnétique. Pourtant, on s'amuse surtout au fil du film à identifier un Gabriel Byrne en Uther soudard à souhait, un jeune Liam Neeson en Gawain sous envoutement (et qui pousse beaucoup de borborygmes, ceci explique peut-être cela?), Ciaran Hinds (que le générique appelle Ciarin) en Lot tandis que Patrick Stewart à qui il restait encore quelques cheveux est Leodegrance.

Visuellement, et malgré des choix pas toujours heureux, Excalibur offre son lot de scènes inoubliables, il est vrai soutenu par une BO composée par Trevor Jones mais dont on retient surtout les emprunts à Wagner, avec notamment La Marche funèbre de Sieigfried qui magnifie autant la scène finale que la photographie crépusculaire d'Alex Thomson. O Fortuna de Carl Orff est sans doute indissociable du film et si le morceau a été sur-utilisé par la suite, il n'en reste pas moins efficace et dosé avec parcimonie, sa plus belle occurrence intervenant dans la dernière chevauchée d'Arthur et de ses chevaliers alors que le royaume renait de ses cendres en même temps que son roi.

Excalibur souffre du désir de Boorman de couvrir l'ensemble du cycle arthurien en un seul film, et l'on peut sourire devant quelques outrances esthétiques ou un jeu d'acteur maladroit pour certains. Néanmoins, il en reste tant de scènes atteignant au grandiose et à une véritable dimension épique, le sentiment d'être projeté dans un âge de légende dont on pleure la perte sans qu'il ait pourtant jamais existé que le spectacle est indéniablement fascinant, dans sa grandeur comme dans ses écarts.
potion préparée par Zakath Nath, le Vendredi 23 Juin 2023, 15:43bouillonnant dans le chaudron "Fantasy".