Moiraine a perdu ses pouvoirs, Egwene et Nynaeve commencent leur dur apprentissage pour devenir des Aes Sedaï, Mat et Perrin sont séparés et sans nouvelles du reste du groupe tandis que Rand sait désormais qu'il est le Dragon réincarné et que le Réprouvé Ishamael est de retour. La situation n'est guère brillante et pour couronner le tout, une armée venue d'un autre continent débarque.

Est-ce que l'on vit une période faste en matière de séries de fantasy? Depuis les débuts du phénomène Game of Thrones chaque chaîne ou plate-forme de streaming y va de son adaptation de cycles difficilement adaptables au cinéma mais avec quel degré de réussite? Quoiqu'il en soit, avant de lancer Les Anneaux de Pouvoirs, Amazon Prime s'était fait la main sur un autre projet ambitieux, porter à l'écran La Roue du Temps, saga créée par Robert Jordan et complétée par Brandon Sanderson après le décès du premier. Je n'ai pas caché mon manque d'atomes crochus avec cette œuvre, abandonnée après trois tomes. Je n'attendais donc pas d'être enthousiasmée par cette série, dont la première saison peinait à décoller mais proposait quelques décors de cités qui me séduisaient (avec une certaine science du recyclage) et l'avantage de n'avoir rien à faire des romans d'origine est que je n'allais pas être contrariée par les infidélités au texte, judicieuses ou non. Je n'attendais donc pas plus la deuxième saison dont j'avais presque oublié la confirmation jusqu'à ce qu'elle arrive.

Elle ne commence pas sous les meilleurs auspices. Déjà, exit le générique alors qu'il était plutôt réussi et qui ne reviendra que pour le final. Pourquoi autant de séries en font l'impasse, j'ai déjà du mal à le comprendre à part pour une économie d'argent et un gain de temps, mais quand le générique existe? Bref. Nos héros sont séparés et on passera une bonne partie de la saison à suivre leurs parcours respectifs sans avoir avant un moment une ligne directrice (qui arrive, pas de panique) et... c'est très barbant. Heureusement que les Seanchans sont là pour mobiliser l'attention, avec leur brutalité et surtout l'esthétique de leurs costumes. La saison commence d'ailleurs à décoller quand Egwene va tomber entre leurs mains et que les différents personnages vont converger vers Flame. C'est néanmoins un peu tard pour vraiment se soucier du sort des protagonistes. Rien à cirer par exemple de Moiraine malgré tous ses problèmes, impossible de vraiment sentir un quelconque danger potentiel émanant de Rand.

Si on est loin de l'écriture confuse de la saison 3 de The Witcher, difficile pour une profane de se repérer dans cet univers. Le manque de maîtrise de la géographie n'est pas gênante quand les protagonistes ont un parcours linéaire (comme dans le film Willow par exemple qui ne nécessite jamais de carte malgré les pérégrinations du héros) mais on est ici plus proche d'un Game of Thrones où l'action est divisée en plusieurs lieux clés que l'on peine à situer les uns par rapport aux autres. Ardu donc de voir l'impact de l'invasion au-delà d'une ville, de qui pourrait tomber sous la coupe des Seanchans ensuite, d'où pourrait venir une contre-attaque, combien de temps les personnages vont mettre pour se rejoindre. La sauce commence toutefois à prendre dans la deuxième moitié alors qu'Egwene est captive et doit lutter pour conserver sa volonté, que Nynaeve s'emploie à la sauver, que Rand fait connaissance d'une adversaire redoutable qui pourrait se faire alliée de circonstances... Les décors sont encore une fois plaisants, avec des inspirations moins européennes que dans la plupart des cycles de grosse fantasy médiévale, et le final, tout en frisant le grand n'importe quoi, se lâche suffisamment dans le spectaculaire pour sortir une bonne fois de la torpeur... Enfin, jusqu'à la reprise.

Côté casting, ce n'est pas folichon en général avec de jeunes héros qui ne brillent pas par leur charisme (mention spéciale à Marcus Rutherford monolithique à souhait) même si Madeleine Madden tire son épingle du jeu pour montrer à quel point son personnage en bave. Rosamund Pike ne s'illustre pas plus qu'en saison 1 mais Natasha O'Keeffe est un bon apport malgré des costumes guère heureux une fois sa vraie nature révélée. Après avoir été très en retrait en début de saison, rendant difficile de se faire une idée, Dónal Finn se montre un bon remplacement à Barney Harris dans le rôle de Mat Cauthon.

La Roue du Temps peine toujours à être à la hauteur de ses ambitions vue l'ampleur du cycle adapté. Il y a tout de même quelques bonnes choses, graphiquement ou au niveau d'un personnage par-ci, d'une sous-intrigue par là et on avance dans la dernière ligne droite, pour une saison 3 qui n'est plus seulement confirmée mais bien avancée. Au-delà, suspense, difficile de savoir si cette série mobilise suffisamment pour faire long feu (comme elle le nécessiterait à en juger par le nombre et la taille des livres), surtout quand Amazon doit aussi maintenir à flot Les Anneaux de Pouvoir.