Trurl et Clapaucius, deux constructeurs cosmiques amis et rivaux, parcourent l'univers pour se mettre au service des puissants, leur proposant des machines de leur invention. Malgré leur ingéniosité, les résultats ne correspondent pas toujours aux attentes. Certaines machines ne marchent pas comme il faut, d'autres au contraire trop bien et leurs commanditaires ne sont pas toujours honnêtes. Heureusement, les deux compères sont aussi doués pour se sortir des ennuis que pour s'y fourrer.

Dans les années 60, Stanislas Lem, l'auteur du célèbre Solaris, a écrit une série de nouvelles mettant en scène deux constructeurs dans un futur cybernétique: Trurl et Clapaucius voyagent et proposent leurs inventions à différents rois plus ou moins bien disposés, croisent des dragons et des sorcières... Leurs aventures ressemblent à des contes qui pourraient se passer il y a très très longtemps si ce n'est qu'ils évoluent de planètes en planètes dans un monde dominé par les robots. Ils en sont d'ailleurs eux-même ce qui n'est pas immédiatement perceptible. En effet, tous ces robots que l'on croise ont beau être faits de métal, de vis et de boulons, ils sont tout ce qu'il y a de plus humains dans leur caractère: ils portent des vêtements, ont une libido parfois débridée et tous les défauts et quelques qualités que l'on peut trouver dans notre espèce. Celle-ci n'a pas entièrement disparu mais on ne peut pas dire que les machines soient très tendres envers elle, appelant les humains blafards ou visqueux et doutant pour la plupart avoir été créés par des mollusques gélatineux pareils.

Turl est le plus ingénieux des deux en matière de construction de machines bien que leur fonctionnement ne soit pas toujours adéquat. Clapaucius est davantage sarcastique et cynique, intéressé par le profit que pourrait rapporter ses constructions ou celles de son ami. Leurs aventures sont indépendantes bien que certaines soient rassemblées sous le titre de croisades, qui n'en sont pas vraiment. Ils se fondent parfois à l'arrière-plan lors de certains récits enchâssés. Leur univers est délirant, rempli de technobabble et de mots-valises, Lem se montre à ce niveau inventif et il faut saluer le travail du traducteur Dominique Sila. Cependant, les tournures archaïques peuvent parfois lasser bien qu'elles participent à l'aspect de contes et tous les récits ne sont pas mémorables.

La Cybériade est une suite d'histoires déjantées dans lesquelles on se perd volontiers en compagnie des grincheux mais plein de ressources Trurl et Clapaucius, jamais à cours d'idées catastrophiques ou remarquables, où les bonnes intentions ne sont pas toujours bienvenues.