Natalie Waite se réjouit à l'idée d'entrer à l'université et de s'arracher à l'ambiance familiale étouffante qu'elle fuit dans son imagination. Une fois sur le campus néanmoins elle peine à se faire une place au milieu d'étudiantes qui semblent s'intégrer bien plus facilement qu'elles.

Une maison hantée, les survivantes d'une riche famille recluses dans leur demeure, une apocalypse programmée, une jeune étudiante déphasée... Les points de départ des romans de Shirley Jackson ne se ressemblent pas et pourtant on y retrouve souvent des thèmes, des motifs et une ambiances bien reconnaissables. Sans même parler de ses nouvelles, dont on retrouve certains éléments ici (l'envie de fuguer, les vols dans l'internat qui rappellent Trésors de Famille...).

L'existence de Natalie au sein de la famille n'a rien de réjouissant sans que quoique ce soit arrive frontalement: sa mère est malheureuse et ne le lui cache pas, son père est un critique littéraire qui est à la fois exigeant sur le style de sa fille et fier de ses efforts d'écriture tout en affirmant qu'il ne l'envoie pas à l'université pour qu'elle y reçoive une haute éducation... La première partie du roman se concentre sur une garden party préparée par les Waite à laquelle Natalie participe tout en s'imaginant au sein d'une intrigue policière où elle est accusée de meurtre, ce qui se déroule réellement et ses pensées s'entrecroisant sans cesse. Après un événement que l'héroïne va soigneusement éviter de mentionner et que l'on devine seulement, on enchaîne sur son séjour à l'université où là encore on plonge dans une sorte d'hostilité ouatée, entre des condisciples médisantes, un professeur trop entreprenant et son épouse elle-même ancienne étudiante. Natalie ne trouve pas vraiment d'alliées, en cherche sans en chercher et finalement elle se lie avec Tony, une étudiante mystérieuse qui la pousse à partir avec elle.

Vaguement inspirée d'un fait divers, la disparition d'une jeune femme, Hangsaman se révèle particulièrement mystérieux, bourré d'ellipses, de non-dits, et la frontière entre la réalité et l'imagination de Natalie est tellement poreuse qu'on doute même de la véritable existence de Tony.

Il ne s'agit pas du roman le plus accessible de Shirley Jackson, en particulier comparé à Maison hantée où elle emmène les lecteurs dans un territoire plus familier, on y trouve cependant le même aspect oppressant agrémenté de petites pointes d'humour féroces qui rend son univers si fascinant.