Les Fables sont désemparés face à Mister Dark, dont ils ne savent à peu près rien. Réunis à la Ferme, ils sont conscients qu'ils n'ont pas beaucoup de répit. C'est le moment que choisit Jack pour revenir les alerter d'un autre danger, plus destructeur et plus étrange encore.

Dans le volume précédent, alors que l'on commençait à craindre que la série ne se mette à ronronner avec des héros remportant des victoires décisives contre un ennemi de moins en moins impressionnant, Bill Willingham avait su relancer la vapeur en concluant l'arc de l'Adversaire pour introduire une nouvelle menace. Il faudra patienter un peu pour que cela avance sur ce front car on entame sur tout à fait autre chose: un crossover montrant le retour de Jack qui après son escapade hollywoodienne avait eu sa propre série.

La Grande Alliance qui recouvre la première moitié de ce volume, est une histoire délirante, introduisant les Littéraux, des entités représentants différents concepts de la littérature et agissant donc sur les mondes de fiction... dont celui-ci. L'un des Littéraux, Kevin Thorn, a décidé de détruire le monde qu'il a créé et qui a pris son indépendance pour le réécrire en intégralité. Pour survivre, les Fables vont devoir contrer celui qui pourrait les effacer d'un trait de plume. On est dans du pur meta mais on évite l'aspect agaçant que ce type de parti-pris peut parfois occasionner. Peut-être parce que Bill Willingham ne se met pas directement en scène, ou parce que l'univers de Fables s'y prête car les personnages se sont déjà interrogés sur leur identité et leur existence liée aux croyances des Communs. Il y a de quoi s'amuser, notamment avec les Genres caricaturaux à souhait qui soutiennent Kevin, ou les malheurs de Bigby, un des protagonistes les plus impressionnants de la saga qui ici se fait ridiculiser plus souvent qu'à son tour. Il s'en remet.

On en revient ensuite au cours de l'intrigue, beaucoup plus sérieux. Rien de concret n'est encore fait contre Mister Dark dont on apprend comment il a été emprisonné mais on assiste surtout au début de luttes de pouvoir chez les Fables: Gepetto a déjà vaincu une fois Mister Dark, ou plutôt ses troupes au terme d'innombrables sacrifices l'ont fait, c'est son argument pour redevenir un tyran protégeant la populace d'autres dangers, tandis qu'Ozma sent que son temps est venu de diriger les sorcières. Comme Gobe-Mouche avant lui, Bufkin montre qu'il peut être un véritable héros, aussi improbable soit-il, et on conclut par une petite histoire à Haven montrant Gobe-Mouche, justement, au prise avec un cas compliqué, comme quoi être un roi bienveillant dans un havre de paix n'est pas chose aussi aisée qu'on l'annonce toujours sur le papier.

Un volume déconcertant dans sa première moitié avec une histoire déjantée qui pourrait être assimilée à un saut par-dessus le requin mais qui fonctionne avant de revenir à l'essentiel avec son lot de personnages qui se révèlent et un antagoniste toujours inébranlable. Ayant rejoint le rythme de publication, le suspense est plus difficilement supportable.