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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Dopesick
Dans les années 90, Richard Sackler, à la tête de Purdue Pharma, lance un anti-douleur révolutionnaire par son efficacité et surtout son faible effet d'accoutumance, l"OxyContin. Mais l'opiacé est en réalité très addictif. Dix ans plus tard, deux assistants du procureur de la Virginie et une enquêtrice de la DEA se penchent sur les ravages causés par l'antalgique.

La crise des opioïdes est quelque chose dont j'avais entendu parler aux infos sans trop y accorder attention mais elle a fait plusieurs dizaines de milliers de morts outre-atlantique. Il n'est donc pas surprenant que des livres y soient consacrés, des documentaires et plus récemment des fictions télévisées puisqu'alors que Painkiller, mini-série en six épisodes, vient d'arriver sur Netflix, elle avait été précédée deux ans plus tôt par Dopesick une autre mini-série, de huit épisodes celle-ci, sur Hulu (ou Disney +) sur le même sujet: les ravages de l'OxyContin commercialisé par Purdue Pharma. Aux jeux des comparaisons elle a l'air de remporter la plupart des suffrages. C'est donc à celle-ci que j'ai donné la priorité, d'autant que le casting m'attirait également davantage.

La mini-série se base sur le livre de Beth Macy Dopesick: Dealers, Doctors and the Drug Company that Addicted America et elle est scénarisée par Danny Strong, surtout connu pour avoir joué Jonathan dans Buffy mais qui n'en est pas à son coup d'essai en matière d'écriture de scénario. Il aborde une histoire complexe, se déroulant sur plus de vingt ans et impliquant plusieurs intervenants et organismes provenant de diverses strates de la société. Un effort de simplification et de synthèse pour rendre l'intrigue plus digeste est donc nécessaire. On croise des personnalités réelles comme les membres de la famille Sackler, le procureur John Brownley ou encore Rudy Giuliani décidément toujours dans les bons coups, et des personnages fictifs mélangeant plusieurs figures-types: une agente de la DEA alertée par l'augmentation de consommation de drogue et le profil différent des toxicomanes, une mineure d'une petite ville des Appalaches blessée dans un accident de travail qui va devenir accro, son médecin de famille qui va lui aussi tomber dans une spirale infernale en réalisant ce qu'il a prescrit tout en ne pouvant lui-même se sevrer, un représentant qui fait fortune en ressortant aux médecins le boniment de Purdue Pharma mais réalise petit à petit les dégâts causés...

La pluralité de points de vue permet d'avoir un panorama assez complet des personnes impliquées dans la crise: les décideurs, les victimes et leur entourage, ceux déterminés à mener l'enquête et révéler l'ampleur du scandale. Pour ne perdre personne de vue trop longtemps ou ne faire arriver que tardivement certains intervenants importants, on adopte une structure non-linéaire, les sauts dans le temps étant toujours soigneusement indiqués: on ne retient pas forcément toutes les dates malgré tout mais on ne se perd pas trop pour autant dans l'ordre des événements et sans forcément pouvoir tout mettre bien tout dans l'ordre sur une frise, il n'y a pas de grosse confusion. La réalisation (quelques épisodes ont été tournés par Barry Levinson) est sobre, sans effets de manches et on adopte une tonalité froide et grise, que l'on passe d'une ville de mineurs dans les Appalaches aux ailes de célèbres musées où les Sackler se réunissent. Le sujet ne prête guère à la gaudriole et si les épisodes d'environ 1h chacun sont bien rythmés, ce n'est pas vraiment une série qui se binge. Au-delà des manigances de la famille Sackler, on aperçoit tout un système mis en cause, avec les manques de la FDA ou de la réglementation en cours aux États-Unis. Il est dommage d'ailleurs que ce ne soit pas davantage fouillé car on sent bien que la crise ne se limite pas à une seule vilaine famille riche et leur produit-vedette.

Le casting est remarquable, à commencer par Michael Keaton, très impliqué dans la conception de la série et qui incarne Sam Finnix, docteur qui suite à une blessure devient lui-même dépendant à l'OxyContin et qui doit à la fois faire face à son addiction et à la culpabilité d'avoir drogué des patients qu'il connaissait parfois depuis leur naissance. Kaitlyn Dever est touchante en jeune mineure dont la vie est détruite par la drogue, tout comme Mare Winningham dans le rôle de sa mère et leurs personnages montrent une complexité au-delà de leur simple fonction pour illustrer les ravages de la drogue dans une famille. Will Poulter est efficace en représentant aux dents longues mais naïf et qui va devoir se secouer une fois qu'il est face à ses responsabilités, personnage dont on ne fait pas pour autant un héros avec une spectaculaire rédemption tandis que Rosario Dawson, Peter Sarsgaard et John Hoogenakker sont solides dans des rôles plus classiques d'enquêteurs droits dans leurs bottes qui vont au fond des choses quoi qu'il en coûte. J'avais entendu des retours contrastés sur la performance de Michael Stuhlbarg en Richard Sackler, entre des spectateurs qui la trouvaient terrifiante et géniale et d'autres au contraire trop caricaturale et outrancière pour être crédible, sans juste milieu. Je peux comprendre les critiques même si jeter un œil à un bout de la déposition du vrai Sackler en ligne sur Youtube permet de voir que la voix et les mimiques ne sont pas pure invention et apparemment le bonhomme est vraiment particulier. Je n'ai cependant pas trouvé de surjeu même s'il y a un aspect perturbant volontairement poussé qui met le personnage en porte-à-faux même avec ses proches (qui ne sont pas plus moraux que lui, et il a une motivation un peu plus ambiguë). J'ai lu des reproches similaires à l'égard de la prestation de Matthew Broderick dans Painkiller par des gens qui trouvait la version de Sackler dans Dopesick plus nuancée, ça doit donc être gratiné mais si deux acteurs d'affilée ont une approche similaire, ce n'est peut-être pas un problème de choix d'interprétation et de direction d'acteurs. Quoiqu'il en soit, ce n'est certainement pas le rôle de Stuhlbarg que je préfère, ni même dans le top 5, mais je ne trouve pas cette interprétation à côté de la plaque.

Dopesick n'apprendra probablement pas grand chose à quelqu'un qui a suivi attentivement la crise des opioïdes mais la minisérie est suffisamment fouillée et didactique pour y intéresser les autres, en explorant à la fois les mécanismes au plus haut qui l'ont rendue possible et les effets sur la population exposée et trop longtemps négligée.
potion préparée par Zakath Nath, le Jeudi 31 Août 2023, 23:04bouillonnant dans le chaudron "Séries tv".