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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Coups de feu dans la Sierra
Steve Judd, marshall vieillissant, accepte de convoyer de l'or appartenant à des mineurs pour le compte d'une banque. Il engage pour l'aider Gil Westrum, qu'il connait de longue date, et Heck, un jeune collègue de ce dernier. Les deux hommes ont en réalité pour projet de s'emparer de la cargaison.

Coups de feu dans la Sierra est sorti la même année que L'Homme qui tua Liberty Valance et ces deux westerns arrivent à la fois à être totalement différents et au fond sur la même longueur d'onde. Différents car le film de John Ford est en noir et blanc, filmé en grande partie en studio avec une action circonscrite à une petite ville là où celui de Peckinpah, en couleur, privilégie les chevauchées dans de grands espaces. John Ford ne réalisait pas son dernier western ni son dernier long-métrage, mais c'était assurément son chant du cygne et un regard sur l'ensemble d'une carrière qui aura défini plus qu'aucune autre le genre. Sam Peckinpah, pour sa part, y avait déjà fait une incursion mais avait surtout travaillé pour la télévision, et Coups de feu dans la Sierra va en faire un des nouveaux grands noms du western, un western nouvelle manière qu'il va faire atteindre son apothéose quelques années plus tard avec La Horde Sauvage.

Pourtant, les deux œuvres ne manquent pas de points communs: de même que Ford réunissait pour la première fois à l'écran James Stewart et John Wayne, Peckinpah convie deux westerners en fin de carrière, Joel McCrea et Randolph Scott. On nous dépeint également la fin d'une époque, avec des héros dont la période de gloire, si elle a existé, est derrière eux (on découvre Gil exploiter ses talents de tireur dans une foire, affublé de postiches à la Buffalo Bill et se faisant passer pour un "kid" légendaire). On annonce aussi un tournant dans la manière de représenter la violence: Liberty Valance armé de son fouet faisait preuve d'un sadisme inattendu dans le film de Ford, et son interprète ainsi que ceux de ses deux complices allaient chacun à leur manière faire date dans les années à venir à travers des films mémorables à ce niveau. Lee Marvin avait déjà pris une certaine avance dans ce domaine, notamment avec Règlement de Comptes dont j'ai parlé dans mon précédent article), mais Lee Van Cleef n'allait pas tarder à être mis au premier plan par Sergio Leone et Strother Martin serait un des chasseurs de primes crétins de... La Horde Sauvage de Peckinpah, on y revient. Dans Coups de Feu dans la Sierra, on fait une incursion dans le glauque le plus total avec le mariage entre Elsa et Billy Hammond, la jeune femme découvrant trop tard que ce dernier entend la partager avec ses dégénérés de frères (dont Warren Oates).

L'héroïsme des protagonistes va également moins de soi: Heck est au départ un jeune homme sans scrupules qui mérite les corrections qu'il reçoit mais il va évoluer pour sauver Elsa, ses compères plus âgés semblent faire preuve d'un sens de l'honneur qui lui échappe mais même le très droit-dans-ses-bottes Judd doit se faire prier pour sortir la jeune femme de son pétrin. Pourtant chacun va se rattraper. Il est en revanche dommage qu'Elsa, dont les premières apparitions et son désir d'échapper à son intégriste de père (il faut voir l'épitaphe gratinée sur la tombe de sa femme!) étaient prometteurs soit finalement si passive bien qu'on comprenne comment elle a pu espérer mieux en allant retrouver Billy pour vite déchanter ensuite.

Le casting est aux petits oignons et la fin inverse le sort attendu (et prévu au départ) de ses deux personnages principaux, ce qui est intéressant. D'abord envisagé pour jouer Judd, Randolph Scott sort de ses habitudes en incarnant le "truand" Gil et fait preuve d'un humour pince-sans-rire qui affleurait parfois, mais trop rarement, dans les Boetticher. Je reste toujours dubitative quant à ses capacités d'acteur (même s'il laisse entrevoir qu'il était probablement capable de plus que ce qu'il faisait) mais on ne peut lui retirer un flair parfois plus utile que le simple talent: chez Boetticher, sa volonté de laisser poliment la vedette aux acteurs jouant les vilains (il a notamment demandé à ce qu'on donne davantage à faire à Marvin dans Sept Hommes à Abattre et on peut dire que ça a payé) ici, la sage décision de prendre sa retraite après avoir vu le film et réalisé qu'il ne ferait probablement pas mieux donc autant finir sur une bonne note.

En dépit d'un personnage féminin décevant, Coups de feu dans la Sierra est un beau film qui contribue à annoncer un tournant dans le traitement du Far West à l'écran, et un des premiers coups d'éclat dun réalisateur qui en connaîtra d'autres.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 1 Décembre 2019, 14:01bouillonnant dans le chaudron "Films".