Une adolescente trouve lors d'une promenade sur une plage du Norfolk une main tranchée. Aucun rapport avec Elizabeth II qui vient de prendre ses quartiers d'hiver dans le palais voisin de Sangrindham, jusqu'à ce qu'elle identifie la victime à sa chevalière: Ned St Cyr, parent d'un aristocrate de la région qui venait souvent jouer avec Charles dans sa jeunesse. Avec l'aide de sa secrétaire privée adjointe Rozie, la monarque va tirer au clair cette nouvelle affaire.

Cela fait déjà plusieurs mois qu'Elizabeth II sucre les fraises par la racine mais dans ce troisième roman de S.J. Bennett la réinventant en détective amatrice, elle a encore bon pied bon œil si l'on excepte un mauvais rhume et elle ne se doute pas qu'il ne lui reste que six ans à vivre. Ses vacances de Noël n'échappent cependant pas au morbide puisque la main d'une vieille connaissance est retrouvée sur une plage et l'espoir que le reste du corps soit encore vif s'évapore très tôt. Bien décidée à découvrir qui démembre des amis de la famille à deux pas de ses fenêtres, Sa Majesté mène donc une nouvelle fois l'enquête et si l'on a lu ses deux premières aventures, on sait à quoi s'en tenir, à quelques petites variations près.

On ne s'étonne plus donc de voir la reine être une fine observatrice et tenir des raisonnements logiques qui nous échappent tandis que sa fidèle Rozie lui apporte une aide cruciale dès que l'affaire demande d'aller sur le terrain... et de piquer une tête dans l'océan en plein hiver. Les réflexions d'Elizabeth et la peinture de sa famille sont teintées d'humour, mais Bennett ne cache pas son admiration pour Elizabeth II. Le fond n'est donc pas très grinçant, on baigne dans un environnement où l'on a le sens du devoir et une batterie de domestiques dévoués pour rendre le quotidien douillet et surtout, surtout, on évite les sujets qui fâchent. Ainsi, notre héroïne couronnée est-elle toute de compréhension et d'écoutes pour les femmes victimes d'agression sexuelle et le prince Andrew réduit à une réplique que personne ne daigne relever. Circulez, il n'y a rien à voir. En tant que cozy mystery en revanche, le contrat est rempli. La campagne anglaise cache quelques turpitudes mais la nature reste belle et apaisante (on parle beaucoup écologie et réensauvagement) et pour une fois, la reine est confrontée à la personne qu'elle a démasquée... On ne s'en fait pas trop pour elle puisqu'on sait qu'elle aura encore le temps de vivre Trump, le Covid et Boris Johnson...

Il faut être d'humeur à la bienveillance ou fan sans fard d'Elizabeth II pour lire cette série sans sourciller devant ce portrait très gentillet qui en est fait mais pour peu que l'on adhère à l'idée de base, l'enquête est une nouvelle fois bien menée et le rôle très particulier de son personnage principal pose des barrières ou des possibilités que l'on trouve rarement ailleurs.