Après plusieurs années passées aux États-Unis, Ifemelu s'apprête à repartir pour le Nigeria. Alors que le moment du départ approche, elle se remémore son adolescence à Lagos, son arrivée aux USA pour ses études, le choc des cultures, et Obinze, son premier amour qui a fait fortune au pays et qui est désormais marié et père de famille.

Nommé à plusieurs prix, le troisième roman de Chimamanda Ngozi Adichie fait partie de cette catégorie de luxe: les pavés qui se lisent d'une traite. Pendant près de 700 pages, on suit les parcours d'Ifemelu et Obinze (surtout d'Ifemelu en fait) de manière non-linéaire au départ: alors qu'Ifemelu est devenue conférencière et a tenu un blog à succès aux USA donnant le point de vue d'une Noire non-américaine sur la question de la race dans son pays d'accueil et les différences de perception par rapport à son propre pays où elle ne s'est jamais considérée comme noire, Obinze a tenté infructueusement sa chance en Angleterre avant d'en être expulsé, pour finalement faire fortune grâce au coup de pouce d'un homme très riche et très louche. Tous les deux ont grandi dans le Nigéria des années 80/90 avant d'aller faire leurs études à l'étranger, de s'éloigner l'un de l'autre sans vraiment pouvoir s'oublier.

Americanah est un roman foisonnant, qui traite de bien des choses à la fois: on y trouve une histoire d'amour contrariée, de la satire, un commentaire sociologique avec une héroïne partagée entre plusieurs mondes... Et le tout se mêle de manière parfaitement fluide. Toutes les considérations et les débats entre Ifemelu et son entourage sur les questions de racisme, d'immigration, de différences culturelles pourraient courir le risque de sentir trop l'exposé édifiant mais Chimamanda Ngozi Adichie évite ce travers: elle amène souvent cela au travers des articles du blog d'Ifemelu qui ponctuent le récit, ou de débats entre universitaires, ce qui fait que les idées ne sont pas amenées de manières trop artificielles comme si l'on balançait un essai (intéressant au demeurant) au milieu d'un roman.

Autour d'Ifemelu, on découvre également toute une galerie de personnages: ses amies qui l'accueillent à Lagos à son retour des États-Unis et la considèrent comme une "americanah", une nigériane américanisée, sa tante Uju, entretenue par un militaire haut-placé qui la comble matériellement mais ne lui laisse rien en son nom propre et qui va devoir refaire sa vie, Kimberly, une américaine blanche dont Ifemelu va garder les enfants à son arrivée en Amérique, ses divers petits-amis, les employées du salon de coiffure où elle se rend avant son retour au Nigeria, des personnages qui chacun à leur manière permettent d'aborder un aspect de la vie au Nigeria, aux États-Unis et dans une moindre mesure en Angleterre sans que là encore cela fasse jamais forcé.

Americanah mêle donc habilement émotion, humour et réflexion sans jamais faiblir tout en offrant avec Ifemelu une héroïne imparfaite et attachante.