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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Aguirre, la Colère de Dieu
En 1560, un groupe de conquistadors envoyés en reconnaissance par Pizarro affrontent les dangers de la forêt péruvienne. Pedro de Ursua, le chef de l'expédition, est d'avis de faire demi-tour mais son second, Lope de Aguirre, se mutine et prend le contrôle de la troupe. Nommant à leur tête un noble fantoche, Fernando de Guzman, il décide de partir à la recherche de la mythique Eldorado.

Impossible sans doute d'aborder Aguirre, la colère de Dieu sans parler de ses conditions de tournage hors du commun dans le Pérou du début des années 70. Le danger du terrain, notamment lors de la scène où les radeaux affrontent des rapides. Les conditions climatiques, la brume notamment rendant difficile les prises de vue de la première scène dans laquelle l'expédition descend un relief escarpé. Et naturellement, l'acteur principal, Klaus Kinski, complètement allumé au point que Werner Herzog ait du le calmer à coup de menaces de mort suffisamment crédibles pour être efficaces. Ces paramètres en tête, les passages où les conquistadors et leurs esclaves avancent péniblement se parent d'un réalisme brut, accentué par une caméra parfois portée et une photo qui si elle ne rend pas toujours justice à la beauté de l'environnement donne une patine quasi-documentaire au récit. Le récit, alors, risquerait de passer au second plan, éclipsé par la performance qu'a été la fabrication épique de ce film. Pourtant, malgré des thèmes déjà abordés (mégalomanie, soif de l'or, ravages de la conquête et de la colonisation, descente dans la folie...), il n'en demeure pas moins fascinant.

On assiste à la déliquescence du groupe de conquérants dont Aguirre est présenté très tôt comme l'électron-libre et le fauteur de troubles, une brute sans scrupule qui trahit à la première occasion. Face à lui, Ursua pourrait être une figure raisonnable mais est vite diminué, son épouse lucide mais toute aussi impuissante. Le reste de la troupe se laisse séduire par la perspective de l'Eldorado, à commencer par Don Guzman qu'Aguirre sacre empereur de la cité mythique et qui, d'abord contraint et forcé, y croit ensuite complètement. Son esclave Okello s'imagine déjà qu'il y sera libre tandis que les soldats ne songent qu'à l'or et le moine de service, narrateur peu fiable du groupe, ne voit dans le périple, quelle qu'en soit la destination, qu'un moyen de convertir les Indiens, ce qu'il essaiera de faire en une occasion de la manière la plus stupide qui soit. Attaques d'autochtones, tentatives de révoltes mais surtout incapacité à trouver son chemin vers un endroit qui n'existe probablement pas, tout ce beau monde va être amené à périr l'un après l'autre (le film fait une entorse à la réalité car Aguirre et une partie de ses hommes sont arrivés jusqu'à l'Océan atlantique et ont pris plusieurs villes d'assaut avant d'être matés).

Malgré les dangers et les morts violentes, le film adopte un rythme lent, souvent contemplatif, la musique de Popol Vuh est utilisée parcimonieusement. Si l'ennui guette, c'est surtout au début, le tempo particulier et la déchéance des personnages finissent par donner au long-métrage un aspect hypnotique et hallucinatoire. Ainsi, les dernières minutes sur un radeau qui se délite ressemblent à un rêve fiévreux où les ultimes aventuriers meurent parfois sans que l'on sache parfois trop comment, voire disparaissent purement et simplement, à peine conscients de ce qu'ils leur arrivent. De fait, alors que certains points sentent le bricolé comme les nuées de flèches qui s'abattent sur les conquistadors, la chute d'Aguirre et de ses compagnons semblent étonnamment maîtrisée par Herzog malgré la folie ambiante.

Naturellement, lorsqu'on en vient à l'interprétation, Kinski ne laisse guère de place aux autres acteurs, qu'ils soient professionnels ou amateurs comme les Indiens recrutés sur place. Avec lui, cependant, il est difficile de juger ce qui tient de la performance ou de sa personnalité, d'à quel point il se laissait diriger ou y allait à sa façon. Il aurait certainement pu être bien davantage en roue libre que ce qu'il montre ici. Le mystère reste entier mais c'était en tout cas certainement l'homme de la situation pour le rôle.

Cinquante ans après, Aguirre, la Colère de Dieu reste fascinant, par son propos autant que par ses conditions de fabrication. On se dit qu'une telle entreprise serait aujourd'hui trop délirante pour être en œuvre. Heureusement par certains côtés vu les risques encourus par l'équipe de tournage mais le film détonne toujours malgré le poids des ans.
potion préparée par Zakath Nath, le Vendredi 21 Avril 2023, 23:55bouillonnant dans le chaudron "Films".