Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Parking
Orphée, chanteur adulé, file le parfait amour avec son épouse Eurydice. Après s'être électrocuté avec sa guitare, il a un aperçu des Enfers, situés au septième niveau d'un parking souterrain, avant d'être ramené dans le monde des vivants. Quand Eurydice meurt d'une overdose, il décide d'y retourner pour la chercher, quoi qu'il en coûte.

Décidément, le site d'Arte va devenir mon pourvoyeur de nanars. En effet, après y avoir découvert l'incroyable White Fire, le Vertigo pour Targaryens bourrés, voilà qu'on y trouve un autre film chaudement recommandé par Nanarland, Parking de Jacques Demy. Réalisateur autrement plus estimé que Jean-Marie Pallardy et qui a donné quelques classiques de la comédie musicale à la française. Qui me laissent personnellement perplexe mais c'est une autre histoire. Quoiqu'il en soit, Demy a eu du mal à passer le cap des années 80, son Lady Oscar ayant aussi attiré les regards du site des mauvais films sympathiques (Arte, tu sais ce qu'il te reste à faire) et donc ce Parking, accouché dans la douleur et vite renié, en témoigne aussi. Pourtant, l'idée de départ n'était pas plus absurde qu'une autre. Le propre des grands mythes est leur caractère universel et immortel et ils sont donc transposables à différentes époques, avec différentes variations pour s'accorder au moment de leurs recréations, bref, un Orphée pop-rock et des Enfers administratifs, pourquoi pas ma foi.

Heureusement pour les nanardeurs, hélas pour les esthètes, tout part de travers. La toute première scène annonce la couleur: Orphée chante une chanson niaise, accompagné de sa guitare, à sa douce dans le salon d'une gentilhommière glaciale, après quoi ils se désapent pour faire l'amour sur des peaux de bêtes. Précisons qu'Orphée, c'est aussi le plus fameux bandeau rouge du cinéma des années 80. Coucouche panier Rambo. La suite ne démentira pas ce départ prometteur. Michel Legrand et Jacques Demy ne sont absolument pas inspirés, Francis Huster bêle plus qu'il ne chante. Le réalisateur avait envisagé rien moins que David Bowie puis Johnny Halliday pour le rôle. Leur voix aurait été nettement plus séduisante mais même eux n'auraient pu sauver des paroles aussi mièvres et une musique aussi monotone, et si leur look et celui des concerts avaient été les mêmes que dans le produit fini, ils n'auraient pas échappé au ridicule.

Dans une lumière d'hiver de région parisienne, la relecture du mythe se déroule platement: on ne croit pas au couple formé par Orphée et Eurydice, ni à leur brusque scène de ménage qui tranche avec leur relation jusque-là gnangnan. La volonté de faire des Enfers un hall administratif avait un potentiel humoristique certain, on voit d'ailleurs que Demy tend vers cette direction par moment mais hors quelques timides idées esthétiques, il n'en tire finalement pas grand chose: c'est triste et fade. Deux adjectifs que l'on accole plus volontiers au navet qu'au nanar. Ce qui contribue à classer le film dans la seconde catégorie, en plus des chansons accablantes, c'est l'interprétation.

Francis Huster, donc, qui a reconnu des années après que le film, ou en tout cas le 45 tours des titres qu'il y chantait, était une casserole, est lénifiant la plupart du temps dans son rôle d'idole des jeunes. Puis surjoue lors de la dispute avec Eurydice. Puis surjoue quand il découvre son corps. Puis... le prend plutôt calmement alors qu'à deux doigts de la tirer des Enfers, un regard de trop l'y renvoie. Un sentiment de contretemps systématique entoure sa performance. Keïko Ito était peut-être bonne actrice quand on la laissait s'exprimer dans sa langue maternelle. Ici, elle rame avec des répliques visiblement apprises phonétiquement, ce qui n'aide pas à installer une relation fusionnelle avec Orphée. Demy se réclamant de Cocteau, on croise Jean Marais dans le rôle d'Hadès. Sa voix un brin rocailleuse en impose mais il ne peut sauver les meubles, surtout quand le meuble est une garde-robe gênante. Mentionnons aussi Gérard Klein qui limite les dégâts en manager moustachu en adoptant un jeu totalement atone, comme s'il avait saisi d'emblée le naufrage et choisi de s'en désintéresser complètement. Tout le monde adopte une diction théâtrale qui renforce l'artificialité de cette histoire, qui rend caduque la volonté de la mettre au goût du jour.

Parking se regarde avec un mélange d'incrédulité et d'amusement, son côté très années 80 ne parvenant même pas à titiller la fibre nostalgique mais davantage à nous dire que non, ce n'était pas forcément mieux avant. Un film raté donc mais un ratage suffisamment fascinant pour marquer l'esprit.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 10 Novembre 2024, 11:29bouillonnant dans le chaudron "Films".