On n'a pas le temps de chômer quand on travaille pour la Continental Op. Le détective doit ainsi élucider la mort de l'homme qui lui avait donné un rendez-vous, se retrouve coincé dans un appartement avec une bande de malfrats quand il ne cherchait qu'un jeune fugueur, croise des femmes fatales et des tueurs à gages.

S'il est surtout connu pour ses romans, au premier desquels Le Faucon maltais, Dashiell Hammett gagnait surtout sa vie d'écrivain comme beaucoup de ses contemporains œuvrant dans le genre policier ou fantastique, en plaçant des nouvelles dans les magazines spécialisés, Black Mask notamment. Ses romans sont d'ailleurs souvent publiés là sous forme de feuilleton quand ils ne sont pas des développements ou un mélange de courts récits. Le présent recueil propose six enquêtes du Continental Op, ce détective anonyme qui nettoyait "Poisonville" dans Moisson rouge d'une manière qui sera l'inspiration notamment de Yojimbo et Pour une poignée de dollars.

C'est avec plaisir que l'on retrouve le personnage, toujours aussi fin malgré un physique ventripotent qui n'impressionne guère ses adversaires. Il croisera notamment une certaine Elvira, femme fatale qui lui échappera une fois, pas deux, une autre pas vraiment fatale mais qui essaie de l'être, va traquer un jeune tueur pour se retrouver dans une véritable sourcière dans laquelle tout le monde se tire dans les pattes, et démasquer les meurtriers de riches hommes d'affaire qui l'on peut-être parfois un peu cherché... Hammett a travaillé pour l'agence Pinkerton avant d'être romancier et il montre le métier de détective sans sentimentalisme: le Continental Op peut avoir de la sympathie pour quelques antagonistes (cela rehausse d'ailleurs les portraits de Tai et Marcus qui seraient sans cela simplement racistes mais ces deux personnages parviennent malgré les qualificatifs utilisés à leur égard à être bien plus malins et sympathiques que certains de leurs complices) mais s'ils doivent aller en prison ou être pendu eh bien ce sera le mot de la fin. Hormis La fille aux yeux d'argent qui fait suite à La Maison de Tusk Street mais qui peut se comprendre sans avoir lu la précédebte, les nouvelles sont parfaitement indépendantes: le personnage principal anonyme n'évolue pas, est déjà formé avant de commencer ses aventures et n'y apprend rien sur la nature humaine qu'il ne savait déjà, bref, l'archétype du privé expérimenté dont le seul risque, à force d'avoir tout vu, est d'y laisser son humanité.

Bien que l'on n'atteigne pas les sommets de Moisson rouge et La clé de verre, ces six enquêtes sans fioritures sont prenantes à souhait, menées par un personnage qui s'il n'a pas de nom ne manque pas d'esprit pour amuser même quand il est dans le pétrin.