Fool n'a pas le cœur à fêter ses treize ans: sa mère malade et lui sont sur le point d'être expulsés de leurs misérable appartement. Le compagnon de sa sœur le convainc de l'aider à cambrioler le couple de propriétaires des immeubles du quartier, dont la gigantesque maison renfermerait un impressionnant magot. L'effraction tourne mal et Fool est coincé dans la vaste demeure qui abrite des occupants pour le moins étranges.

Il n'est pas donné à tout le monde de créer un croque-mitaine majeur, encore moins deux. Freddy Krueger et Ghostface éclipsent cependant les vilains propriétaires qui servent d'antagonistes dans ce film de Wes Craven réalisé au début des années 90. Des monstres qui pouvaient difficilement être exploités au sein d'une franchise mais qui n'en sont pas moins inoubliables. Je vais néanmoins un peu vite en besogne. Le sous-sol de la peur est un peu le pendant horrifique des Goonies: de jeunes héros, une menace d'expulsion, un trésor, un parcours semé de pièges, une famille criminelle et l'aide d'un "monstre" sympathique. On plonge pourtant très tôt dans une réalité sociale peu reluisante, celle qui forme le quotidien de Fool, habitant un ghetto noir défavorisé dont les loyers excessifs exigés par les propriétaires poussent la population à la rue. Le jeune garçon est brave, intelligent mais malgré lui entraîné à cambrioler la maison des propriétaires en question. À partir du moment où il s'introduit avec le compagnon de sa sœur, Leroy, dans la demeure censée dissimuler un trésor, on embarque dans le train fantôme.

Le ton peut paraître déconcertant dans un premier temps. On commence calmement avec des attaques d'un chien de garde qui ne laissent guère de marques et une première victime juste morte de peur pour ensuite enchaîner avec des passages plus graphiques, du cannibalisme et une bonne dose de cruauté. Les personnages campés par Everett McGill et Wendy Robie sont inquiétants dans leurs premières apparitions puis de plus en plus cartoonesques et grotesques. Le premier en particulier quand il commence sa traque des enfants réfugiés dans les murs de la maison revêtu d'une combinaison en cuir et grimace de manière outrancière quand il se prend un coup dans la tête. Ils affichent la plupart du temps une allure de couple modèle des années 50, apparemment modelée sur les Reagan (on sortait tout juste de la présidence de Ronald) mais McGill évoque aussi par moment un Jean-Pierre de Ma sorcière bien-aimée qui aurait tourné psychotique. Le maquillage de Robie peut paraître très traditionnel par instant pour ressembler à un masque à d'autres. Craven détourne ainsi complètement l'image du riche couple WASP, surtout quand il révèle la vraie nature de leur relation.

La maison est à leur image. C'est le cadre oppressant d'une bonne partie du film: gigantesque et dotée d'un appareil de protection sophistiquée, elle comporte des pièces principales richement meublées tandis que d'autres sont dans un état de total délabrement. Fool se perd dans un véritable labyrinthe qu'il va apprendre à maîtriser avec l'aide d'Alice, une jeune fille qui a le droit de circuler dans la maison mais pas au-delà et Roach, un adolescent qui a réussi à s'échapper du sous-sol où le couple retient ses victimes et depuis vit entre les murs. Les trois personnages sont vite attachants et dégourdis. Le dernier acte est néanmoins un petit peu plus laborieux que le reste, l'évasion de Fool avant son retour pour sauver Alice entraînant une petite rupture de rythme avant que les péripéties ne s'enchaînent pas toujours gracieusement, notamment l'arrivée des habitants du quartier qui restent trop passifs.

Le film est ancré dans son époque, fustigeant à travers ses antagonistes le capitalisme sauvage hérité de l'ère Reagan, se penchant sur le sort d'un quartier noir défavorisé, évoquant en passant la diffusion en boucle des images de la Première Guerre du Golfe. Pourtant, le propos reste actuel et si les images ont un cachet très fin des années 80/début des années 90, il n'a pas vieilli et on ne voit pas trop ce que le remake que Jordan Peele envisage apparemment de produire pourrait ajouter de pertinent (à part rendre l'histoire encore plus glauque en allant jusqu'au bout quant à l'origine des enfants enfermés mais est-ce bien nécessaire de faire tout un film pour cela?). Le casting est en tout cas fort correct. Brandon Quintin Adams se dépatouille bien de son rôle principal de gamin futé sans être insupportable tandis qu'Allison Joy Ranger et Sean Whalen sont touchants. On remarque Ving Rhames en cambrioleur par qui les ennuis arrivent mais ce sont évidemment Everett McGill et Wendy Robie qui se détachent du lot en cabotinant joyeusement dans leur rôle de monstres particulièrement gratinés.

La confrontation entre une situation réaliste glauque et des antagonistes délirants est parfois déroutante mais Le sous-sol de la peur fait partie des réussites de Wes Craven, un quasi-huis-clos horrifique qui offre un jeu du chat et de la souris haletant tout en disant quelque chose sur les États-Unis au tournant du siècle.