Après un nouvel exploit, Harry Houdini est contacté par le millionnaire Cyrus Vandergraaf pour retrouver son fils et héritier disparu. Les talents du roi de l'évasion sont sollicités pour s'introduire dans une structure élaborée qui détiendrait la clé du mystère. Houdini reçoit l'assistance inattendue de Sigmund Freud, aux États-Unis pour une tournée de conférences.

Hors pures fictions historiques, mêler des personnalités réelles à des événements inventés n'est pas neuf. Leur faire mener une enquête policière pourrait même être un sous-genre en soi. Parfois, pour les intégrer à une intrigue qu'ils auraient pu écrire eux-même dans le cas où ils sont auteurs: Poe se colletant à un cas qui ne déparerait pas dans ses nouvelles, Jane Austen démasquant des meurtriers dans le milieu qu'elle avait l'habitude de dépeindre dans ses romans, etc. Parfois, pas du tout: ainsi, on a pu voir Elisabeth II résoudre des énigmes criminelles quand rien ne l'y prédisposait dans sa formation ou ses centres d'intérêts. Dans les deux cas, la difficulté tient au fait qu'il ne faut pas que le lecteur ait trop d'avance sur les limiers. C'est toujours un peu gênant mais encore plus quand l'enquêteur ou l'enquêtrice sont des gens connus pour leur esprit affuté.

Ici Xavier Mauméjean associe Harry Houdini, prestidigitateur spécialisé dans les évasions en tout genre: camisoles de force, menottes, pièces, et Freud, tout juste arrivé aux États-Unis pour y exposer ses théories. Les talents respectifs des deux hommes ne seront pas de trop pour retrouver un héritier disparu et dont ils comprennent vite qu'il a pu organiser son propre escamotage... mais dans quel but? Cellules piégées et motivations obscures, voilà qui va mobiliser la cervelle des enquêteurs improvisés. Leur investigation est l'occasion de parler un peu de la vie des deux hommes mais également de leur faire croiser d'autres figures connues de l'époque et de peindre une vive image du New York du début du XXe siècle: grands industriels, vieilles et plus récentes familles riches qui veulent donner le ton (c'est amusant d'enchaîner ce roman avec la saison 2 de The Gilded Age pour y entendre parler de Caroline Astor), politiciens et gangsters qui leur sont liés de près, ici Monk Eastman et Arnold Rothstein... On ne peut pas dire que l'accomplissement de leur mission laissera Houdini satisfait mais la brève association avec Freud lui donnera au moins l'occasion de revenir sur son histoire personnelle.

Jeu de piste ludique mais surtout portrait d'une ville bouillonnante aussi mal famée à tous les niveaux de la société que fascinante, La Société des faux visages est un court roman mené tambour battant que l'on quitte en se disant qu'on en aurait bien repris encore.