Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Détour
--> It's Noirvember!
Al Roberts, modeste pianiste new-yorkais, traverse les États-Unis en stop pour rejoindre sa compagne partie tenter sa chance à Hollywood. Un certain Haskell l'invite à faire un bout de chemin avec lui mais décède brusquement peu après, alors que lui et Al se trouvent en rase campagne. Craignant d'être accusé de meurtre, Al décide d'endosser l'identité du défunt.

C'est novembre et en novembre, c'est Noirvember! Je m'en tiens toujours à mon objectif de dix films noirs que je n'ai encore jamais vu (et une lecture éventuelle), encore que dans la pile de DVD que j'ai mis en réserve ces derniers mois comme un écureuil, il y en a deux qui sont peut-être plus des films de gangsters que des films noirs à proprement parler. On y reviendra. Pour ouvrir le bal cette année, j'ai choisi Détour d'Edgar G. Ulmer. Un film qui a tout de la petite série B fauchée, à peine 67 minutes, casting réduit sans stars, décors limités... Sorti aux États-Unis en 1945, il a fallu attendre 1990 pour le découvrir en France. Il aurait pu disparaitre dans la masse de la production de l'époque mais un peu à l'instar du plus tardif The Big Combo, il a bénéficié d'une reconnaissance quelques décennies plus tard.

Adapté d'un roman de Martin Goldsmith, le scénario comporte les éléments typiques du genre: un protagoniste pris dans un engrenage infernal (on en a rarement croisé d'aussi poissard, d'autant que contrairement à d'autres, il ne cherche pas les ennuis), partageant ses tourments à travers une narration aussi détachée après-coup que ses décisions sur le moment sont prises dans la panique, et bien sûr une femme fatale qui va l'entrainer vers sa perte. Cette dernière est pourtant atypique car il ne s'agit pas d'une séductrice qui va le tenir sous sa coupe et le pousser au mal e jouant sur l'attraction qu'elle exerce sur le pauvre et faible mâle, loin s'en faut. Vera est d'emblée un véritable poison qui ne cherche pas à plaire et lui annonce vite ses intentions et Al n'a donc aucune raison de succomber à un charme absent. Il est piégé et alterne entre devoir la suivre pour un temps malgré lui et tenter de la contenir autant que possible avant que leurs chemins ne se séparent. Naturellement rien ne se passe comme prévu.

Même si la modestie des moyens a pu être exagérée avec le temps (le tournage aurait duré six jours mais l'actrice Ann Savage a plus tard parlé d'un bon mois, les 20 000 dollars du budget auraient plutôt dépassé les 100 000), Détour est un exemple de ce qu'un réalisateur peut tirer d'un petit budget. La caméra reste centrée sur son personnage maudit, hormis pour s'attarder sur ses visions oniriques concernant son épouse hors de portée, utilisant parfois les même séquences en miroir pour traduire ses voyages vers l'ouest ou l'est. Ce qui pourrait paraître un cache-misère procure une sensation d'isolement du protagoniste, séparé des autres par le pétrin dans lequel il s'est fourré et pour qui ne reste que l'errance de diner en diner sur des routes désolées jusqu'à ce que le destin ne le rattrape. L'exigence d'une fin morale par les studios de l'époque passe alors ici pour une fatalité plutôt qu'un passage contraint.

Pas de célébrité au casting mais l'acteur principal, Tom Neal, porte bien le film en pianiste tristounet qui tombe toujours mal. La carrière de Neal n'aura jamais décollé en dehors des séries B et stoppera après qu'il ait tué sa femme, un meurtre totalement volontaire et prémédité, cette fois-ci. Ann Savage y va à fond, elle surjoue même en roulant des yeux et en serrant les dents pour bien montrer qu'elle est une dure et n'a pas un atome de bonté mais on ne peut nier une certaine abnégation à incarner un personnage avec aussi peu de charme, qui ne provoque aucune sympathie ou admiration, contrairement aux vamps que l'on peut croiser dans ce type de film. Un personnage détestable mais dont la mort ne marquera pas une libération, bien au contraire.

Détour, avec sa concision et sa simplicité apparente qui embarque sans lâcher le spectateur dans une descente aux enfers implacable, est un exemple parfait de ces séries B où le savoir-faire et l'habileté du réalisateur et de son équipe permettaient de faire mouche sans plan inutile et, ironiquement, sans détour.
potion préparée par Zakath Nath, le Mercredi 8 Novembre 2023, 21:51bouillonnant dans le chaudron "Films".