Dans les années 60, Jesse Still a inauguré au milieu du Montana un cimetière de voitures. Lui et ses compagnons conducteurs y enterrent leurs fidèles moyens de transport à bout de course. Un autre conducteur est passé au rang de mythe: Road Dog, que personne n'a vu mais qui laisse son emprunte dans les stations-service et les restaurants routiers. Lors d'un voyage, Jesse et un de ses amis croisent les fantômes de la route. Road Dog serait-il l'un d'eux?

Ma première incursion dans l’œuvre du prolifique Jack Cady avait été The Well, récit dans lequel un homme s'enfonçait avec sa compagne dans la vaste demeure très spéciale où il avait passé son enfance, maison bardée de pièges censés empêcher le Mal de s'échapper. Il ne m'a laissé qu'un souvenir diffus, celui d'un roman court, avec une bonne ambiance mais qui restait un peu nébuleux. La nuit où nous avons enterré Road Dog est une courte histoire de fantômes plus classique, encore que le milieu dans lequel elle se déroule ne l'est pas tant que ça. Le narrateur et son ami Jesse Still sont des fanas de voitures, de conduite, et les longues routes du Montana et des États voisins sont l'occasion de longues virées, qui tournent à la poursuite du mythique Road Dog, conducteur insaisissable, connu seulement par l'intermédiaire des messages énigmatiques qu'il laisse sur les arrêts en bord de route ou par sa studebaker que ses rivaux peuvent entrevoir occasionnellement alors qu'elle file vers le lointain.

Le fantastique apparait de manière presque naturelle pour le personnage principal, un élément de son quotidien, qui n'est pas susceptible de l'émouvoir durablement. Tout baigne dans une ambiance étrange, à commencer par le cimetière de Jesse qui ne cesse de croître, et pourtant pour son entourage, il n'y a pas de quoi s'interroger. Jusqu'à un certain point car alors que le narrateur doit s'éloigner après s'être enrôlé dans la Marine, la conduite de Jesse, comme obsédé par Road Dog, devient plus inquiétante, et quand son ami revient enfin pour en savoir plus il ne sait guère sur quel pied danser. Il sait que les fantômes existent, certes, mais il a encore quelques éléments étonnants à découvrir... et on ne sait finalement plus trop qui hante qui et si le mot hanté doit n'avoir qu'un seul sens.

Trop court pour être vraiment un roman, longue nouvelle plutôt, La nuit où nous avons enterré Road Dog fait vivre un univers de routes interminables, de conducteurs filant dessus au volant de voitures aux noms évocateurs, baigné dans une atmosphère lugubre où la frontière entre vivants et morts devient de plus en plus mince.