Un tueur en série laisse auprès des cadavres mutilés de ses victimes une carte à jouer. Pour Michael, Harry, Tina et Conor, vétérans de la guerre du Vietnam, cela ne fait aucun doute: le coupable est l'un de leur ancien compagnon d'armes. Persuadés de pouvoir le retrouver avant la police, les quatre hommes se lancent dans un dangereux périple.

Avec Koko, Peter Straub entame ce qui sera appelé La trilogie de la Rose Bleue, complétée par Mystery et La Gorge. Trois romans presque indépendants mais reliés par certains éléments ou personnages récurrents. L'histoire débute dans les années 80, alors que Michael Poole, pédiatre dont le mariage court sur sa fin, retrouve d'anciens camarades de régiments autour d'un monuments aux morts lors de la guerre du Vietnam. L'occasion pour Harry, ancien lieutenant là où les autres étaient simples soldats, de leur annoncer que plusieurs meurtres ont été commis en Asie et qu'il est certain que le coupable est Tim Underhill, frère d'armes devenu écrivain avec un certain succès avant de disparaitre dans la nature. Très vite, on s'aperçoit que Harry est différent de Michael, Tina et Conor, pas seulement de part son grade durant la guerre. Là où eux veulent retrouver Tim avec dans l'idée de l'empêcher de nuire, de le sauver peut-être mais en tout cas de comprendre ses actes, Harry voit dans son arrestation par leurs soins matière à gloire, une gloire qu'il estime lui échapper depuis que ce qu'il estime comme un prestigieux fait d'armes lui a valu de passer en cour martiale.

Alors que Tina reste à New-York régler ses problèmes de restaurant et de petite amie, les autres partent pour Singapour et nous voilà partis pour une quête sordide. On se doute assez vite que la vérité n'est pas aussi simple qu'elle le semble et on n'est pas surpris d'un retournement de situation (les personnages non plus, à part Harry, trop centré sur lui-même pour être un aussi brillant enquêteur qu'il ne se l'imagine). Néanmoins, le suspense est maintenu jusqu'à la fin tandis que de Singapour à Milwaukee en passant par Bangkok, on plonge dans les pires bas-fonds de l'humanité (je doute que le roman soit recommandé par l'Office du Tourisme des différentes villes citées). Les personnages sont intéressants, à l'exception de Harry qui émerge rapidement comme le sale type de la bande et son cas s'aggrave de pages en pages ou encore de Judy, l'épouse de Michael, dont on sent que Straub veut offrir un portrait un peu nuancé sans vraiment y parvenir. Michael, Conor et Tina, ainsi que Maggie Lah, sont plus fouillés et réussis, encore que le deuxième est un peu en retrait excepté lors d'un passage cauchemardesque à Bangkok. Vietnam oblige, il est question de crime de guerre et de syndrome post-traumatique mais on n'y voit pas une explication à tout et si le passé des vétérans à une importance dans l'intrigue, le mal est plus ancien. Une certaine confusion règne par moment, entretenue généralement par l'état psychologique des protagonistes et de "Koko" mais elle ne semble pas toujours volontaire et maîtrisée sans que je sache que pointer du doigt: le style de l'auteur, la traduction ou peut-être même des coupes éditoriales?

Pas de fantastique ici (Pocket a d'ailleurs réédité la trilogie dans sa collection Thriller quelques années après) bien que certaines scènes flirtent avec le genre tant l'on ne sait pas ce qui tient de la réalité ou du mauvais trip halluciné des personnages, notamment tout ce qui tourne autour de Tina, de l'invasion de cafard de son restaurant et d'une partie de jambes en l'air qui tourne mal.

Koko est un roman poisseux dont la tension, malgré la taille conséquente du bouquin, ne faiblit pas même quand l'on comprend certaines choses avant les personnages ou peut-être justement car on a un temps d'avance sur eux. La fin peut être source de frustration (surtout si les deux romans suivants n'y apportent pas un nouvel éclairage) mais il s'agit d'un excellent thriller, probablement ce que j'ai lu de plus convaincant de la part de Straub jusqu'ici.