Désormais à la tête de l'Union, Orso comprend vite que la bonne volonté qu'il réussit à mobiliser se heurte aux objections de son Conseil restreint, le Premier mage Bayaz en particulier, et qu'il n'a guère d'alliés. Savine, désireuse de redevenir la reine des affaires qu'elle était avant les émeutes de Valbeck, trouve une solution inattendue pour restaurer sa position tandis que Leo, héros de guerre, ne maîtrise pas les arcanes de la politique et de la diplomatie et la paix revenue peut se révéler aussi dangereuse qu'un champs de bataille. Dans l'Union et à ses frontières, l'insatisfaction est à son comble et tout le monde va devoir surveiller ses arrières.

Dans Un Soupçon de Haine, premier volet d'une trilogie faisant suite à celle de La Première loi et à un trio de romans indépendants, on retrouvait quelques vieux amis, désormais vraiment vieux, mais on faisait également connaissance de la nouvelle génération, qui n'avait chacun dans leur genre rien à envier à la précédente. Après des scènes de guerre et de révolte, ce deuxième tome débute dans un climat de paix retrouvée mais dont la précarité saute aux yeux de tout le monde. Orso, de prince héritier impopulaire devient un roi qui l'est autant, Rikke maitrise de moins en moins son don de "vue longue" tandis que Stour Ténèbres est désormais roi des Nordiques et mijote déjà de mauvais coups, Savine est au plus bas mais ne s'avoue pas vaincue et Leo est quant à lui sorti grand vainqueur du conflit contre le Nord mais se fait manipuler avec une facilité déconcertante.

Les premiers chapitres remettent tout le monde en place et pendant un moment, il y a lieu de craindre un simple tome de transition avant le final mais les événements s'emballent. Orso, pas mauvais mais faible et débauché, ne promettait pas vraiment de faire des étincelles une fois sur le trône mais malgré sa marge de manœuvre étroite, il fait au moins preuve d'une certaine habileté quand sa couronne est menacée. Arrivera-t-il à finasser pour améliorer le sort de son peuple, c'est moins sûr. À l'inverse, hors de son élément, le pauvre Leo se laisse embarquer dans une intrigue qui le dépasse et sa popularité, sa vieille amitié avec Rikke et le soutien de Savine qui voit un moyen de remonter la pente par son entremise ne seront pas de trop pour l'empêcher de courir à la catastrophe. Mais peut-être pas suffisants... Encore une fois, les rebondissements ne manquent pas, les coups fourrés se multiplient et pour paraphraser un grand penseur, la routourne n'en finit pas de tourner. Aux renversements de situation et aux coups de couteaux dans le dos qui font que l'on ne peut tout anticiper quand bien même on a compris qu'on ne pouvait se fier à personne se greffe toujours un propos social avec une critique ouverte du capitalisme sans cacher la difficulté à opérer des changements significatifs. Il faudra attendre d'ailleurs le prochain tome pour voir ce qu'il adviendra de l'Union, de la royauté, de Bayaz et de sa banque. Voir le mage enfin vaincu serait une satisfaction profonde mais pour mettre quoi à la place? Les dialogues et les réflexions intérieures des personnages sont toujours aussi vifs mais il est décidément dommage qu'ils semblent tous avoir la même voix malgré leurs différences de caractère, d'origine et de milieu.

Loin de ronronner, ce tome central de L'Âge de la Folie s'ingénie à rebattre une nouvelle fois les cartes, laissant certains protagonistes dans une situation peu enviable tandis que ceux qui en ressortent gagnants risquent de chuter avant même de comprendre ce qui leur arrive. Le dernier volume aura la lourde tâche de débrouiller tout cela et tout le monde risque d'y laisser des plumes. Quant à ceux qui ont déjà été plumés, pas sûre que ça repousse.