Philip Marlowe est engagé par Mrs Murdock, une riche veuve, pour retrouver un précieux doublon ayant appartenu à son défunt mari, qu'elle soupçonne sa bru de lui avoir volé. Le détective accepte l'affaire qui se complique rapidement alors que les cadavres s'accumulent.

La grande fenêtre n'est pas le titre le plus évocateur quand on aborde les enquêtes de Philip Marlowe. Peut-être faute d'une adaptation cinématographique connue. Il s'agit d'ailleurs d'un roman qui n'a pas été réédité en France depuis longtemps, sauf au sein d'une intégrale. Pourtant, il serait hâtif de le ranger dans les fonds de tiroir ou de croire qu'il s'agit d'un opus médiocre. Les aventures de Marlowe peuvent se lire de manière indépendante, il n'y a aucun lien entre elles et pas vraiment de personnages récurrents. Aussi si je m'y attelle dans l'ordre de publication, c'est davantage pour percevoir une évolution éventuelle du personnage et par maniaquerie que par une quelconque obligation.

En dehors du fait que Chandler adopte un présent de narration, ce qui n'était pas le cas du Grand Sommeil et d'Adieu ma jolie, si je ne m'abuse, on est en terrain tout à fait connu: Marlowe croise des gens de la haute décavés, des flics qui le regardent d'un mauvais œil et peuvent faire obstacle mais ne lui plombent pas trop son enquête, des mauvais sujets et des naïfs trop tendres pour ce monde. Ainsi que des cadavres. Ce pauvre Marlowe ne peut pas rendre une seule visite sans tomber sur un macchabée décédé de mort violente, ce qui rend cette enquête étrangement comique. Le portrait des Murdock, en particulier de la matriarche, vaut aussi le détour et si comme d'habitude on semble se perdre un peu et changer de direction en chemin (il s'agit encore de deux nouvelles retravaillées et réutilisées pour faire un roman), Chandler retombe sur ses pattes pour nous livrer le fin mot de l'histoire. Aucune victime n'est oubliée en chemin ce coup-ci. Marlowe semble toujours aussi détaché mais protecteur malgré tout comme il le prouve avec Merle bien que la conduite de l'ancien patron de celle-ci soit tempérée par le détective et on met pas mal du trouble de la secrétaire sur le fait qu'elle est hyper-sensible.

Il ne s'agit pas d'une enquête incontournable, les précédents tomes étaient plus tordus, plus intrigants, mais La grande fenêtre est un roman rythmé, ou l'on s'amuse bien à se laisser mener encore une fois par le bout du nez.