Col et Walter forment un couple uni menant une vie paisible dans un quartier cossu. Le terrain voisin de leur maison, réputé inconstructible, est acheté par un jeune couple qui y fait bâtir la demeure de leurs rêves. Très vite, les événements dramatiques s'enchaînent, les propriétaires se succèdent, tour à tour frappés par le malheur, et Col commence à soupçonner la maison d'être dotée d'un esprit maléfique.

Anne Rivers Siddons, romancière habituée à dépeindre la vie dans le Sud des États-Unis, ne s'est aventurée qu'une fois dans l'épouvante, avec ce livre-ci. Cela n'empêche pas la quatrième de couverture de l'édition Pocket Terreur, jamais réticente à survendre le contenu de son catalogue, de la présenter comme une "auteur-clé de la Terreur moderne" mais après tout pourquoi pas, la qualité importe plus que la quantité. De qualités, ce roman n'en manque pas, à commencer par une écriture fine et un milieu de quartier pavillonnaire BCBG admirablement mis en scène. Col, la narratrice, est élégante, cultivée, elle et ses voisines fréquentent le même club, on se dit que si elle avait vécu le confinement quelques décennies plus tard, elle aurait probablement tenu un journal de confinement s'extasiant de la rosée qui trempe son grand jardin, si loin de tout, si loin des gens, les réceptions lui manquent mais elle est dans un vrai petit coin de paradis...

Elle, son mari et ses amis ne sont pas fondamentalement déplaisants mais on éprouve un certain plaisir à voir leur petit monde propret mis à mal par les événements. Les différents propriétaires de la maison en revanche sont pour la plupart davantage à plaindre et le mécanisme qui les prend au piège est implacable, avec une bonne escalade dans la tragédie. Pour une fois, la bâtisse est neuve, point de vieille baraque où il s'est déjà passé nombre de meurtres avant que ne commence l'histoire, quant au terrain sur lequel elle est construite, il n'a jamais posé le moindre problème non plus, on ironise en passant sur les cimetières indiens mais rien de tout cela ici. On a une explication, en partie discernable avant la révélation d'ailleurs mais dans le genre de la maison hantée ou maléfique, ce roman se montre moins balisé que la moyenne.

"Auteur-clé de la Terreur moderne", ne rêvons pas mais la seule incursion dans le genre est loin de la sortie de route avec une maîtrise certaine des codes à laquelle s'ajoute une petite touche personnelle.