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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Le Dernier Duel
Jean de Carrouges et Jacques Le Gris, deux écuyers vassaux du comte d'Alençon, se vouent une amitié qui tourne à la haine lorsque le second, favori de son suzerain, hérite des honneurs et des terres que le premier lui estime dûs par sa naissance, son mariage et ses services. Lorsque Marguerite, épouse de Jean, accuse Jacques de viol, son mari en appelle à un duel judiciaire à mort pour prouver la culpabilité de son ennemi. En cas de défaite, Marguerite finira sur le bûcher pour faux témoignage.

Ridley Scott est un réalisateur capable du meilleur, du pire et de tout entre les deux. Son premier film les Duellistes faisait partie du meilleur et montrait déjà deux hommes s'affronter leur vie durant sur un fond de reconstitution historique. De là à se dire que ce nouveau film serait pour Scott une belle manière de boucler la boucle, il n'y a qu'un pas mais il n'est pas du genre à prendre sa retraite et a déjà House of Gucci sur les fourneaux. Scott n'en est pas non plus à son coup d'essai en matière de Moyen Âge: le director's cut de Kingdom of Heaven est une fresque éblouissante, son Robin Hood en revanche peinait à savoir sous quel angle attaquer le mythe. Heureusement, en qualité, Le Dernier Duel rappelle le premier (on retrouve aussi, entre autres, Harry Gregson-Williams à la musique et Marton Csokas dans un second rôle). Malgré quelques rapides batailles et évidemment ce duel furieux qu'on nous promet d'entrée et qui tient ses promesses, il ne s'agit pas d'un film épique mais intimiste, centré sur trois personnages, Jean, Jacques et Marguerite, dont on découvrira les points de vue respectifs l'un après l'autre.

Cette structure à la Râshomon s'éloigne de celle du livre d'Eric Jager qui présentait d'abord la version de Marguerite avant de livrer la défense de Le Gris, instillant un temps un doute même si pour lui, tout en étudiant les diverses hypothèses, la version de Marguerite est la plus probable. La décision ici des scénaristes (Damon et Affleck réunis à l'écriture après Will Hunting qui lança leur carrière, cette fois assistés de Nicole Holofcener) n'est pas de dire que tout est vrai d'un certain point de vue, que toutes les "vérités" se valent. Marguerite passe en dernier et à ce stade, on a un panorama complet des événements et on se rend compte que le chapitre de Jean était le plus parcellaire et c'est surtout sur sa personnalité que le regard va évoluer (valeureux guerrier et mari affectueux qui n'a pour seul défaut que d'être trop droit pour ce monde d'intrigue, puis sous l’œil de Le Gris rustre impulsif et enfin, brute qui considère sa femme comme sa propriété et le viol de celle-ci comme une attaque contre lui-même seul).

Il faut noter que si l'on voit le viol sous deux angles différents, d'abord dans le chapitre consacré à Le Gris et ensuite dans celui de Marguerite, et bien que la deuxième fois soit beaucoup plus brutale, la première ne laisse pas vraiment planer le doute. On comprend juste pourquoi Le Gris, lui, s'estime innocent bien qu'il ne le soit pas, en se croyant forcément irrésistible auprès d'une femme qui était juste polie avec lui précédemment et en s'imaginant une romance où il n'y en a pas. Le but n'est donc pas de jouer sur l’ambiguïté mais de parler de la condition de la femme à l'époque et de montrer comment les affaires de viol étaient traitées et les victimes considérées (on réalise d'ailleurs que Marguerite a également été violée par son mari mais le concept de viol conjugal n'entre pas en considération, pour aucun des personnages). Toute la dernière partie du film, des réactions de l'entourage de Marguerite à la scène du procès, est donc éprouvante, d'autant qu'elle renvoie à des sujets qui sont toujours d'actualité.

Les scénaristes/acteurs ne se donnent pas le beau rôle: Matt Damon joue de la sympathie initiale que l'on peut avoir en général à l'égard de ses personnages pour la retourner progressivement tandis que Ben Affleck s'amuse en suzerain partouzeur et peroxydé. Adam Driver est plus attendu en personnage complexe, à la fois comptable rigoureux des finances de son maître et compagnon de débauche de celui-ci, cultivé mais brutal, et son chapitre ne cherche pas à le rendre plus sympathique. Jodie Comer est lumineuse en noble dame qui entend obtenir justice plutôt que de s'écraser, réalisant trop tard que son mari va l'utiliser dans sa lutte contre son rival. On croise également un Adam Nagaitis presque aussi sournois que dans The Terror, Harriet Walter en belle-mère peu commode, Alex Lawther en Charles VI qui laisse entrevoir l'araignée qu'il a au plafond ou encore Michael McElhatton, qui ne complote bizarrement pas. Esthétiquement, c'est sans surprise un plaisir pour l’œil avec de beaux paysages de Dordogne, notamment.

En dépit de quelques maladresses (le mulet de Matt Damon, la manie d'appeler le comte par son prénom ce qui donne au début un côté un peu ridicule aux dialogues à base de "Pierre a décidé ceci, Pierre a fait cela"... comme s'il était le voisin de pallier et pas le suzerain des personnages ou encore les visières des casques où on sacrifie à l'esthétique le pratique pour ne pas dire la raison pour un motif nébuleux), Le Dernier Duel est un beau film qui expose son propos de manière claire, voire pédagogique, mais sans lourdeur. Certains films de Scott ont beau accabler, il prouve qu'il est encore capable du meilleur.
potion préparée par Zakath Nath, le Mercredi 20 Octobre 2021, 22:31bouillonnant dans le chaudron "Films".