Alors que la famille royale accepte de tourner dans un documentaire de la BBC, la princesse Alice, mère du Duc d’Édimbourg, doit quitter la Grèce et s'installe à Buckingham Palace.
Jusqu'ici, la Princesse Alice de Battenberg avait été cantonnée à des apparitions-éclairs: présente pour les photos de mariage dans le premier épisode afin d'illustrer que Philip avait un background qui détonnait chez les Windsor, également là pour les funérailles de sa fille dans l'épisode
Pater Familias, sans jamais une ligne de dialogue. Il était temps que la série se penche sur un membre de la smala des plus atypiques et intéressants.
On découvre Alice en 1937, à Athènes, peu de temps avant que les Colonels ne prennent le pouvoir. Pour l'heure, la princesse qui s'est faite nonne reçoit un visiteur lui annonçant que son couvent a de telles difficultés financières qu'il va falloir songer à le fermer. Jusqu'ici, Alice avait toujours trouvé de l'argent pour sauver l'institution mais il commence à se tarir. Il manque également de quoi payer des médicaments aux malades dont elle et les sœurs s'occupent, bref, c'est la dèche mais Alice a peut-être encore un moyen de s'en sortir. On verra lequel plus tard.
Cette saison, Alice est incarnée par Jane Lapotaire, qui a plus jeune que Rosalind Knight qui tenait le rôle en saison 1 mais qu'importe. Toutes les deux ne sont pas malentendantes comme leur modèle, contrairement à Sophie Leigh Stone qui la jouait en saison 2.
Pendant que maman doit trouver de quoi renflouer son couvent, fiston a plus ou moins les mêmes tracas. Si l'on peut dire.
En effet, le bon duc, en tournée aux Amériques, est interviewé par la télévision US et se livre à un exercice familier: dire des énormités. On commence sur un ton badin en lui faisant remarquer que ce n'est tout de même pas juste que sa femme soit reine et lui prince alors que quand le Royaume-Uni a un roi, son épouse est reine. C'est vraiment trop injuste! acquiesce-t-il en riant. De fait, c'est sexiste mais pas de la manière dont Philip et les journalistes ont l'air de l'entendre: comme un roi est jugé supérieur à une reine du seul fait qu'il est un homme, quand une femme règne, son consort ne peut pas être au-dessus d'elle et doit donc se contenter d'être un prince. Dans une société moins misogyne Philip aurait pu être roi-consort mais ça leur passe un peu au-dessus et on le présente comme la victime.
Toujours sur le ton de la blague, un journaliste fait remarquer qu'en quinze ans, la Reine n'a pas été augmentée. Oh, oui, renchérit le duc, contrairement au coût de la vie! Si ça continue comme ça, ils vont devoir se serrer la ceinture, emménager dans un palais plus petit, il devra peut-être même abandonner le polo, rendez-vous compte ma bonne dame! La vie est une chienne.
Devant sa télé, John Armstrong, journaliste au Manchester Guardian, n'en perd pas une miette. Il était venu à Washington pour couvrir un sujet de politique américaine mais là il sent qu'il tient quelque chose avec les plaintes de Philip. Il va avoir un boulevard pour se payer les Windsor. Accessoirement, le bougre est joué par Colin Morgan, ce qui ne gâche rien.
Sans surprise, Wilson doit prévenir la reine que la performance de son mari n'a pas vraiment marqué les esprits dans le bon sens, y compris au sein de son gouvernement où même ceux qui ne sont pas républicains n'ont pas fait mine de prendre la défense de la famille royale sur le thème de ce qu'elle coûte aux contribuables en échange d'on se demande bien quoi.
Lorsque Elizabeth rapporte les inquiétudes de Wilson, Philip ronchonne un peu sur l'ingratitude des gueux mais ne s'émeut pas trop non plus en apparence: il a déjà une idée pour rattraper le coup, elle va voir ce qu'elle va voir. Notons qu'Elizabeth n'a pas l'air du tout rassurée, on se demande bien pourquoi.
À Athènes, Alice n'en est plus à songer à renoncer au polo, elle écoule ce qu'il lui reste de bijoux pour sortir son couvent du rouge. En l'occurrence, un impressionnant saphir de Ceylan, ce qui ne manque pas d'interloquer le bijoutier. Une nonne ne peut pas avoir un joyaux authentique de ce calibre en sa possession, c'est forcément une imposteuresse! Il va donc de ce pas prévenir les flics qui se renseignent...
Et envoient promener le pauvre gars: non seulement c'est une vraie nonne mais elle est née au château de Windsor, c'est l'arrière-petite-fille de la reine Victoria et la belle-doche d'Elizabeth II. Qui après cela demande gentiment au bijoutier ahuri s'il a un bon prix à lui proposer pour le saphir.
Autre petit intermède comique, à Buckingham cette fois où Philip met les hauts-parleurs pour appeler "sa douce".
Appel retransmis dans toutes les pièces.
Jusqu'à ce qu'Adeane, n'en pouvant plus, vienne trouver la reine dans son bureau, qui lui signale que pour son mari elle est chérie ou mon chou. Sa douce doit donc être quelqu'un d'autre (elle se retient probablement d'ajouter qu'après vingt ans à bosser pour eux, il devrait déjà le savoir).
La douce, c'est la princesse Anne, jouée par Erin Doherty, qui fait une entrée fracassante dans la série et même si elle reste cantonnée à un rôle secondaire, elle gagne le titre de voleuse de vedette en chef cette saison. Philip veut la voir pour lui annoncer qu'avec l'accord d'Adeane et Charteris, il a décidé d'inviter la BBC à les filmer dans leur habitat naturel pendant quelques semaines. Ce qui ne ravit pas du tout Anne qui préfère rester dans l'ombre et faire du cheval sans être suivie par une armée de caméra, mais il faut bien s'y plier.
Philip annonce le programme à toute la famille, et seule la Queen Mum, qui affiche désormais un sourire quasi-ineffaçable, a l'air de prendre le projet avec bonne humeur. Elizabeth n'est pas ravie mais si ça peut aider la monarchie, elle fera son devoir, Margaret a davantage l'air de pressentir la cagade tellement cela tient du documentaire animalier où ils seraient l'espèce en voie d'extinction.
La BBC déboule et filme donc des moments passionnants, la reine signant des papiers, serrant la pince de champions olympiques, son oncle mangeant des petits fours ou éteignant sa clope dans un cendrier porté par un loufiat, ça s'annonce grandiose.
Wilson est un peu surpris de voir toutes ces caméras lors de sa visite suivante mais pour l'heure, il a autre chose en tête que la télé-réalité de la fabuleuse famille Windsor: ça commence à chauffer en Grèce et il craint que la princesse Alice soit en danger. Il conseille donc de la rapatrier et de l'installer à Buckingham.
Elizabeth annonce la nouvelle à Philip, qui ne veut rien entendre. Sans dire carrément le mot, il ne veut pas que sa foldingue de mère débarque en plein tournage. Elle est bizarre et les apparences sont tout ce qui compte pour le moment, il n'a vraiment pas besoin de ça! Heureusement, Elizabeth est la reine et c'est elle qui décide, elle envoie donc illico Charteris en Grèce récupérer belle-maman.
Celle-ci quitte donc son humble couvent pour retrouver les ors de Buckingham, accueillie par Elizabeth et Anne. Elle ne comprend rien aux explications de la reine quant au film en tournage, soit à cause de ses problèmes de surdité, soit parce que c'est à des lieues de la vie qu'elle vient de quitter. Surtout, ce qu'elle veut, c'est "Bubbikins" mais ce dernier est hélas occupé (évidemment Anne est morte de rire en entendant Bubbikins et on la comprend).
Quand Charteris prévient Philip que sa mère est là, ce dernier refuse de la voir. Il doit gérer le tournage du film, et puis il est pris d'une crise de flash-backs dans lesquels il voit sa mère se faire interner quand il était môme, bref, il est un documentariste traumatisé, ce qu'il lui faut, c'est du calme.
Il faut reconnaître que sa famille n'est pas simple à filmer, même quand on leur demande juste de regarder la télé. Margaret, très en forme dans cet épisode je dois dire, fait remarquer qu'on les filme en train de regarder la télé, comme ça les téléspectateurs les regarderont à la télé en train de regarder la télé, est-ce qu'on n'aurait pas un peu atteint le fond de la vacuité, là? Les employés de la BBC au bout de leur vie leur suggèrent de commenter le programme, et la reine-mère dit qu'elle aimerait bien mais que ce serait plus facile avec un programme moins rasoir. Tout cela continue de s'annoncer sous les meilleurs auspices.
Totalement indifférente à cette opération de com', Alice aborde un technicien de la BBC dans la cour parce qu'elle a besoin de feu pour sa clope et intrigue forcément l'équipe qui engage la conversation. Voilà un membre de la famille qui change de l'ordinaire et qui enrichirait sans doute cette émission.
Apercevant cela depuis la fenêtre, Philip envoie immédiatement un valet interrompre l'échange et ramener sa mère à l'intérieur en faisant bien comprendre aux autres qu'il n'est pas question de la filmer.
Le soir, le duc fulmine et répète encore qu'il la veut hors du palais. Elizabeth tente d'intercéder en faveur de sa belle-mère mais Philip n'en a que faire et lui déconseille de s'en mêler. Alice l'a peut-être mis au monde mais elle ne s'est jamais occupée de lui et n'a rien d'une mère.
Elizabeth rend tout de même visite à Alice et découvre qu'Anne est ravie de lui tenir compagnie et d'entendre ses histoires. Elles ont décidé de démarcher des mécènes pour aider le couvent en Grèce, Alice est d'ailleurs sûre qu'utiliser le papier à en-tête du palais fera son petit effet. Elizabeth ajoute que Philip voudra sans doute participer financièrement et la princesse est en apparence ravie de la générosité de son fils même si on sent qu'elle préférerait voir Bubbikins en chair et en os.
Enfin, le grand jour est arrivé! Tout le monde se presse devant son écran pour découvrir le
Windsor Holiday Special. Margaret vanne le physique de sa sœur et de sa mère, celle-ci imite Gloria Swanson dans
Sunset Boulevard, bref, ça s'amuse bien, au moins durant les premières minutes.
Harold Wilson suit également le film et de toute évidence, il ne trouve ça pas bien extraordinaire. Il voit venir d'ici les articles à charge que ça va causer, et son gouvernement ne se montrera certainement pas tendre.
Quant à Adeane et Charteris qui avec Philip ont eu l'idée du projet, si devant les premières images ils échangeaient des sourires confiants, ils sont désormais bien crispés. Ils réalisent un peu tard que c'est un foirage total (dans la réalité je suppose qu'ils n'ont pas découvert le programme le jour-même, mais passons).
Évidemment, le lendemain, à la grande joie de ses collègues, Armstrong lit son article défonçant complètement la famille royale, se demandant ce qui les a pris de se montrer ainsi en train de faire des barbecues et serrer des mains. Est-il possible d'être à ce point en complet décalage avec son peuple et se penser à ce point intéressant?
Wilson, comme d'habitude, tente de ménager la reine. C'est un succès d'audience et il y a quand même eu des critiques positives. Elizabeth n'est pas dupe: "en vérité, je vous le dis, annonce-t-elle. Dans près de quarante ans viendra un film qui s'appellera
Vercingétorix et il sera mieux reçu que celui-ci". Bon, pas vraiment mais l'esprit y est. Wilson doit bien convenir que c'était en effet une cata, que la famille royale et la reine en particulier devraient incarner un idéal et pour se faire, garder une part de mystère est primordial. La familiarité engendre le mépris, comme on dit.
Philip a une nouvelle idée brillante pour rattraper le coup et convoque à nouveau Anne, d'autant moins enthousiaste qu'elle l'avait prévenu que son projet de film était naze. Son père a du mal à le reconnaitre mais il y est bien obligé. Plan B, donc: Anne est le membre le plus modeste et terre-à-terre de la bande, et encore nouvelle dans le
game donc on va faire en sorte que les gens la connaissent mieux et apprécient au moins quelqu'un dans la famille, ce qui redorera un peu leur blason. Elle va donc donner une interview et pas à un journal complaisant envers eux, ce serait trop facile et personne n'y croirait. Non, non, le journaliste qu'il leur faut, c'est...
... Merlin, qui n'en revient pas d'être convié à Buckingham Palace et imagine déjà les perches que les Windsor vont lui tendre pour se faire battre.
Ce que lui et Philip ignorent, c'est qu'Anne a plus d'un tour dans son sac et plutôt que de se plier à l'exercice, elle envoie sa grand-mère dans la pièce voisine de celle où poireaute Armstrong, puis charge Charteris de le prévenir qu'elle est incommodée et que l'interview est annulé.
Intrigué par la nonne qui admire les fresques au plafond et peu désireux d'avoir fait le déplacement pour rien, Armstrong échappe aux griffes de Charteris et obtient d'Alice la permission de l'interviewer.
Celle-ci n'y voit aucun inconvénient, au contraire, et raconte enfin toute son histoire. Comment parce qu'elle était sourde de naissance son entourage pensait qu'elle était avait la cervelle lente. Comment on l'a diagnostiquée schizophrène et internée, comment elle a été (mal)traitée par Freud... Armstrong tient là un sujet bien plus intéressant qu'une petite princesse qui aime l'équitation et n'en perd pas une miette.
Le lendemain, Philip lit son article, totalement à la gloire de sa mère. Et comprend peut-être pour la première fois tout ce qu'elle a subi (évidemment il savait qu'elle avait été internée mais le détail des traitements ne devait pas être évoqué en sa présence ou simplement dans la bonne société).
Réalisant qu'il n'aurait pas dû la mettre à l'écart et en avoir honte, il va enfin retrouver sa mère qui ne garde aucune rigueur à Bubbikins de ne pas lui avoir rendu une seule fois visite depuis son arrivée.
Pendant que Philip renoue tendrement avec sa mère, Elizabeth s'entretient avec Adeane. Celui-ci l'informe que le film ayant été un succès d'audience, plusieurs pays se sont montrés intéressés et voudraient en acheter les droits, et la BBC prévoit une rediffusion. Pas question, enterrez les bobines sous un tas de fumier, à leur place légitime, ordonne la reine. Et de fait, on a plus de chance de retrouver tous les épisodes perdus de
Doctor Who que de revoir ce documentaire même si des fragments ont émergé. Elizabeth a de la chance que les foyers n'étaient pas encore équipés de magnétoscopes.
Et l'épisode s'achève sur Elizabeth regardant son époux en promenade avec sa mère dans les jardins. Alice est morte deux ans plus tard à Buckingham Palace.
L'épisode revient sur un des thèmes principaux de la série, la difficulté pour la reine de trouver un équilibre entre l'ordinaire et l'extraordinaire. Paraître proche du peuple et compréhensive de ses besoins tout en restant sur un piédestal, au-dessus de la mêlée. On pense à l'épisode
Marionettes de la saison précédente, à la différence qu'Altrincham critiquait la famille royale tout en étant attaché à la monarchie, et essayait de l'aider en la poussant à se moderniser. Ce n'est pas le cas d'Armstrong ici qui ne voit pas l'intérêt d'une telle institution et c'est justement en cherchant à être moderne en utilisant la télévision pour montrer aux gens à quel point les Windsor sont semblables à eux que Philip va commettre une erreur de communication. C'est également l'occasion de mettre en avant Alice de Battenberg, qui est dépeinte de façon très touchante.
Le Point corgis: ces cabotins cabots veulent aussi avoir leur place dans le documentaire et ce sont probablement les seuls à en être sortis en gardant intacte leur image de marque.