Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!
La reine est violemment critiquée dans un article rédigé par un pair du royaume, Lord Altrincham. Tout d'abord décidée à traiter ses attaques par le mépris, Elizabeth va néanmoins devoir se résoudre à y accorder une importance.
Enfin! Les quatre premiers épisodes étaient bien jolis, mais cette saison, il manquait celui qui allait vraiment m'emporter comme avait su le faire Wolferton Splash en son temps. C'est pour ce genre d'épisodes que je me suis lancée dans cette entreprise de recaps et cela commençait à devenir fastidieux, de devoir commenter des intrigues non dénuées d'intérêt mais qui ne me passionnaient pas non plus. Là, entre le thème, la mise en image et des guests fort sympathiques, j'ai été vraiment servie.
Notre histoire commence sur un gros titre: Un Pair attaque la Reine! Shocking. Plusieurs journaux en font leurs choux gras, et un passant en achète une bonne brassée qu'il ramène chez lui.
Ce qu'il lit ne le met pas en appétit, à la grande contrariété de son épouse, et le bonhomme décide de se mettre en grande tenue pour sortir, visiblement très déterminé.
L'inconnu du jour se barde d'un sacré rang de médailles militaires, et également d'un pin's dont on ne nous livre pas la signification, mais elle viendra plus tard, qu'on ne s'inquiète pas.
Dans le bus, il a droit aux conversations des autres passagers et deux d'entre eux ont les mêmes lectures que lui. Mais à l'inverse, semblent se rallier à l'insolent critique de la reine, et si on ne connait pas encore les détails de l'attaque, le fait qu'il la qualifie de moralisatrice en fait partie.
La destination de notre chauve patibulaire est l'entrée d'un studio de télévision où se pressent déjà des journalistes, qui guettent la sortie d'un auguste personnage, qui se prend dès qu'il met le nez dehors une tarte de la part du vieux médaillé, qui pour faire bonne mesure crache à ses pieds et le traite de traitre.
Sa victime n'est autre que... Mais c'est Lascelles! Non, pas Tommy Lascelles, évidemment, cela manque terriblement de moustaches et de sourcils froncés, je parle de Henry Lascelles de Jonathan Strange and Mr Norrell, John Heffernan lui-même, ce qui est déjà le signe que cet épisode commence sous les meilleurs auspices. Ici, en l'occurrence, il joue Lord Altrincham, le fameux pair du royaume qui a osé qualifier la reine de moralisatrice, entre autres amabilités.
Plus de peur que de mal, heureusement pour lui, et son agresseur est immédiatement emmené par des bobbies mais de toute évidence, cette histoire échauffe grandement les esprits.
Suffisamment pour que Michael Adeane soit informé de cette dernière péripétie et qu'il en fasse immédiatement part à Elizabeth et sa mère, qui se réjouissent qu'un galant chevalier servant ait ainsi souffleté l'insolent et que ce sauveur encore inconnu ne risque pas grand chose pour son geste.
Il y a cependant un point du récit d'Adeane qui interpelle la reine: Altrincham s'est pris un bourre-pif à la sortie de studios de télévision. Qu'allait-il donc y faire? Elle a vite la réponse: donner une interview dans l'émission Impact présentée par Robin Day, qui sera diffusée le soir-même à 21h. Du coup, à 21h tapantes, et on a bien pris soin de nous montrer plus tôt une batterie d'horlogers remettre toutes les pendules du palais à l'heure (pour montrer une famille royale qui se croit totalement en phase avec le temps qui passe? Symbolisme!) tout le monde est devant son poste.
À commencer par Lascelles, celui de cette série évidemment, Tommy, dont on découvre qu'il a deux magnifiques toutous. Apparemment il y a débat pour savoir si ce sont des lévriers irlandais ou écossais, mais quelque soit leur race ils sont proches de voler la vedette de ces divas de corgis qui ne se montrent qu'une fois l'an. Et ces clébards sont très assortis à Lascelles.
À Balmoral, on n'en perd pas non plus une miette. L'émission commence et Robin Day est incarné par Bertie Carvel, le Jonathan Strange de Jonathan Strange and Mr Norrell (que je n'ai d'ailleurs pas reconnu de suite et je savais qu'il devait apparaître dans la saison, pourtant). Du coup c'était amusant de voir Heffernan ne pas en mener très large en face considérant les rapports entre leurs personnages dans l'adaptation du bouquin de Clarke.
Il y a de quoi ne pas en mener large, car Robin Day attaque d'entrée de jeu: "In the space of just a few days, his inflammatory and deeply personal attacks on the Queen in a periodical of which he is also publisher, have become the most pressing issue of the day and caused something of a constitutional crisis.
So, I'd like to begin by asking Lord Altrincham a simple question.
She's our head of state, loved, respected and admired throughout the world, so why do you hate her so very much?"
Avant d'avoir la réponse, générique! Et on se retrouve un mois plus tôt, quand tout a commencé de la manière la plus anodine qui soit.
Or donc un beau matin, Lord Altrincham se rendit dans les locaux du National and English Review, son papelard, pour discuter de quoi mettre dans le prochain numéro avec ses collègues: il aimerait bien un article sur l'ordination des femmes au sein de l'Église anglicane (il est pour), sur la réforme de la Chambre des Lords et il voudrait aussi que le journal ait une position claire concernant l'adhésion au marché Commun: on est dehors ou on est dedans?
La réunion se passe dans une atmosphère agréable, d'autant qu'Altrincham et une certaine Patricia ont l'air de très bien s'entendre, et Patricia est jouée par une Gemma Whelan tellement pimpante qu'on a du mal à reconnaître la Yara Greyjoy de Gameof Thrones.
Et là, c'est le drame! Patricia insiste pour que son patron goûte un des caramels qu'elle a amené, il hésite, elle insiste, et dès la première bouchée, Altrincham s'y casse les dents. Il est bon pour un rendez-vous chez le dentiste, aux conséquences inattendues pour la monarchie britannique. Le caramel qui causa une crise constitutionnelle. On est bien peu de chose.
À Buckingham aussi, on a des soucis. Après qu'Adeane ait fait la lecture à ses sous-fifres d'un discours que la reine doit prononcer la semaine suivante, l'un d'eux est perturbé par sa formulation, notamment la mention "d'hommes et femmes ordinaires" qui y est faite. Comme Adeane n'y voit pas malice, le sous-fifre fait part de ses réserves à Martin Charteris, qu'on est content de revoir après tout ce temps, et qui se range à son avis.
Charteris décide de raisonner Adeane, mais dans le bureau de ce dernier, il se retrouve nez à truffes avec les lévriers de Tommy, qui est également là pour on ne sait quelle raison, puisqu'il n'y a pas encore de crise et qu'il ne prend même pas de thé. Mais on ne va pas se plaindre d'avoir trop de scènes avec Tommy Lascelles.
Pour le coup, il faut reconnaître qu'il dérange plus qu'il n'arrange. Charteris essaie en vain de faire comprendre que le discours est trop démodé et paternaliste, et qu'avec la récente Crise de Suez, le public est beaucoup moins indulgents envers les gens en place, Adeane trouve cette inquiétude ridicule. La reine a approuvé le discours sans même avoir eu besoin de le lire, qui est Martin Charteris pour penser que ce qui convient à la reine ne lui convient pas à lui? Martin Charteris s'inquiète aussi des réactions de la presse, ce qui amuse beaucoup les deux autres.
En particulier Lascelles. Charteris est bien trop alarmiste. Si les journaux s'avisaient de critiquer la monarchie, ils seraient immédiatement boycottés et les Britanniques adorent leur reine, c'est même à cela qu'on les reconnait. Certes, il doit avouer qu'ils font preuve dernièrement d'une certaine apathie tant ils prennent leurs institutions pour garanties, mais on est loin d'une insurrection. Bref, Charteris peut retourner dans son bureau l'esprit tranquille au lieu de superviser le travail des autres.
S'ensuit une scène cocasse où on sort les grands moyens, Zadok the Priest en fond sonore notamment pour montrer Elizabeth changer de coiffure et adopter pour la première fois son célèbre "casque de glu" (et je me sens très sotte de ne pas avoir réalisé avant cela que bien sûr elle se faisait coiffer à domicile et n'allait pas dans le premier salon de coiffure venu, même chic, comme le commun des mortels).
Alors qu'ils se rendent à l'usine Jaguar où Elizabeth doit prononcer le discours de la discorde, Philip y va de ses commentaires sur le nouveau look de son épouse: ne souhaitait-elle pas qu'il lui fasse de nouveaux enfants? Remarquez, ce doit être pratique si elle tombe de moto ou en cas de chute de maçonnerie, elle a la tête bien protégée avec ça... Si les vannes peuvent être amusantes au premier abord, on a quand même un bel exemple de mari qui fait de son mieux pour saper la confiance de sa moitié et la remodeler à sa guise, elle qui a la drôle d'idée de ne pas chercher à ressembler à Jayne Mansfield ou Rita Hayworth. Grrr.
Après une visite des lieux où les questions banales amènent des réponses convenues, Elizabeth s'adresse aux employés de l'usine et ce n'est pas piqué des hannetons: "We understand that in the turbulence of this anxious and active world, many of you are leading uneventful, lonely lives where dreariness is the enemy.
Perhaps you don't understand that on your steadfastness and ability to withstand the fatigue of dull, repetitive work depend, in great measure, the happiness and prosperity of the community as a whole.
The upward course of a nation's history is due, in the long run, to the soundness of heart of its average men and women..." Blablabla, ne vous en faites pas les gens, vos vies mornes et barbantes de manants ont leur importance même si à votre niveau vous ne pouvez pas le percevoir.
Le public se tient mais n'est pas franchement enthousiasmé par le laïus et même Philip réalise que le propos manque de tact, ce qui est un bon baromètre de la qualité du machin.
Or voilà que pour une raison qui m'échappe mais que nous appellerons "les besoins de l'histoire", ce discours est diffusé en direct à la radio (je doute fortement que même à l'époque on diffusait sur les ondes les moindres discours de la reine à chaque fois qu'elle faisait une visite, ce qui constitue la majeure partie de son activité). Et qu'une radio allumée se trouve justement dans la salle d'attente d'un dentiste. L'auditoire n'est pas plus charmé que chez Jaguar (en même temps, rendez-vous chez le dentiste + discours condescendant de la cheffe de l'État, ça fait beaucoup d'un coup).
Et qui se trouve justement là grâce aux caramels meurtriers de Yara Greyjoy? Notre ami Lord Altrincham, qui n'en croit pas ses oreilles mais dont le cerveau se met immédiatement à turbiner. Il a un super sujet d'articles servi sur un plateau.
Tout frétillant, il rapplique dans sa rédaction qui est déjà vide de ses employés, hormis Patricia qui était sur le départ, mais devant son enthousiasme, elle se laisse convaincre d'aider Lord Altrincham a rédiger son papier. Puis accessoirement cela permet de passer un peu de temps avec lui, mais c'est pour la plus grande gloire du journalisme, bien sûr!
John Heffernan est donc un camarade gaucher
Altrincham potasse Bagehot, qu'on a évoqué la saison précédente et qui est l'auteur d'un bouquin sur le rôle du souverain, qui est entre autre d'inspirer les gens, et on a un rapide aperçu des critiques de notre brave rédacteur-en-chef à l'adresse de la reine: elle n'est pas seulement moralisatrice, elle fait la morale d'une voix insupportable. Aïe.
La mère-la-morale à la voix de crécelle n'a pas encore les oreilles qui sifflent et arrive paisiblement à Balmoral, avec un accueil des plus traditionnels et hors du temps.
Et comme elle est très chasse-pêche-nature-et-traditions, la voilà sur la piste d'un cervidé qu'elle abat du premier coup, et on aura l'occasion de reparler de Bambi un peu plus tard.
Dans le reste du pays, The National and English Review part comme des petits pains, sans doute bien davantage que les précédents numéros. Les gens ne sont peut-être pas d'accord avec l'article-choc, mais ils l'achètent et ils en parlent.
Au point où les journaux concurrents en reprennent tout ou partie, et Michael Adeane en avertit Elizabeth, histoire qu'elle n'avale pas son thé de travers en lisant la presse au petit-déjeuner.
La Queen Mum, une fois n'est pas coutume, s'emploie à remonter le moral de sa fille après ce démontage en règle: ce n'est que l’œuvre d'un obscur scribouillard en mal de publicité, les autres journaux n'ont repris ses propos que parce qu'on est en été et qu'il ne se passe pas grand chose, donc il faut bien meubler les colonnes, tout rentrera dans l'ordre en septembre. Quant à l'opinion publique, elle est dans son écrasante majorité du côté de la reine, alors ce Lord Machin peut bien se tenir, il est devenu l'homme le plus détesté du royaume.
La suite semble lui donner raison, car le pauvre Altrincham, cloitré dans son bureau, n'en mène pas large en voyant ses collègues se frayer à grand peine un chemin dans la foule brandissant des fourches sous ses fenêtres.
Une fois sa rédaction réunie, Altrincham leur fait par d'une invitation qu'il a reçu pour une interview dans Impact, mais il avoue ses réserves: Robin Day ne fait pas de quartier face aux personnes qu'il interroge, et il risque de ne faire qu'une bouchée de lui. Ses collègues pensent qu'il ne devrait pas laisser passer une telle occasion de s'expliquer devant une large audience: s'il garde son calme et s'exprime clairement, il pourrait renverser la vapeur.
Le raisonnement se tient et Altrincham se range à leur avis, mais tout de même, tout cela devient un peu stressant pour lui.
On se retrouve où la séquence pré-générique nous avait laissés, avec Robin Day posant la question fatale à son invité: pourquoi détestez-vous la reine? La réponse d'Altrincham est on ne peut plus simple: il ne la déteste pas. D'ailleurs, il n'y a pas plus monarchiste que lui. Avec de plus en plus d'assurance, il développe: un cheffe de l'État symbolique, au-dessus des intérêts et des opportunismes politiciens, qui unit la société, c'est fabuleux, quand ça marche, ce qui n'est plus le cas. Il a bien conscience qu'il est difficile d'être à la fois extraordinaire et ordinaire, ce que l'on demande à la reine, mais être ordinaire ne veut pas dire fade, inefficace et sans aucun naturel.
Ce n'est pas vraiment ce qu'Elizabeth avait envie d'entendre, mais Altrincham se défend bien et il n'a pas fini. C'est au tour des conseillers de la reine d'en prendre pour leur grade.
Ils sont mauvais. Disons le tout net, carrément épouvantables (à ce stade, on s'étonne que la télévision de Lascelles ne soit pas partie en combustion spontanée sous son regard). Mais encore une fois, c'est la faute de la reine, qui s'encombre de gens d'un autre siècle. Car c'est bien le fond du problème: avec la guerre et la récente crise de Suez, la Grande-Bretagne a profondément changé, mais la monarchie continue de vivre dans son petit monde comme avant, sans réaliser qu'elle est complètement en décalage avec l'évolution de la population.
Il serait donc bel et bon que la reine et ses courtisans prennent conscience d'un point important: jusqu'à récemment, les monarchies étaient la règle et les républiques les exceptions, c'est désormais l'inverse, et il serait largement temps que tout ce beau monde à Buckingham se demande pourquoi.
Sur ces bonnes paroles s'achève l'interview, qui n'a pas été une partie de plaisir pour Elizabeth d'autant plus qu'elle ne peut pas balayer les critiques comme le délire d'un vilain républicain isolé: Altrincham est parfaitement au courant de ce qu'une monarchie constitutionnelle demande et le fait qu'il ne veuille pas changer de système, juste le faire mieux fonctionner, touche un point sensible.
Pour Altrincham, en tout cas, son passage à la télé est un succès, et il se fait féliciter jusqu'au pub où il rejoint ses collègues: on ne réclame plus du tout sa tête, au contraire, tout le monde est partant pour lui offrir une pinte.
Le lendemain, Adeane fait son compte-rendu à la reine: l'opinion publique et la presse sont désormais dans leur écrasante majorité d'accord avec Altrincham, et même MacMillan désire avancer sa rencontre hebdomadaire avec Elizabeth pour faire part de son inquiétude. On frôle la crise constitutionnelle. Pour ne rien arranger, le vaillant défenseur de la monarchie qui a mis une tarte à Altrincham est membre d'une organisation d'extrême-droite, le genre de chevalier-servant dont on se passerait bien. Une fois n'est pas coutume, Elizabeth perd vraiment son calme avec un de ses secrétaires et lui fait remarquer que tout est parti d'un discours mal écrit qu'elle n'a lu que parce qu'elle avait confiance en Adeane. Peut-être qu'Altrincham a vraiment raison en suggérant qu'elle doit renouveler son personnel.
Elle rumine devant la carcasse du cerf qu'elle a abattu plus tôt dans l'épisode. Parlons-en, du cerf: dans The Queen, déjà scénarisé par Peter Morgan, on avait tout une histoire autour d'un cerf royal que Philip et ses petits-enfants avaient aperçu lors d'une partie de chasse et avaient manqué. La reine croisait le bestiau alors qu'après avoir adopté le masque pendant tout le film, elle se retrouvait enfin seule et se laissait aller à exprimer sa détresse. Elle faisait alors signe au cerf de fuir tandis que le tir des chasseurs se rapprochait. À la fin du film, alors qu'elle s'apprête enfin à aller à Londres pour rendre hommage à Lady Di et s'exprimer publiquement, elle apprend que le cerf a été abattu par des touristes et prend le temps d'aller voir la dépouille.
Le symbolisme de la scène a été diversement interprété, même si la majorité s'accorde sur le fait qu'Elizabeth II s'identifiait au cerf royal, traquée qu'elle se sentait par la population et forcée de sortir de sa tanière. Morgan a eu tendance à botter en touche plutôt que d'expliquer ce qu'il voulait dire par là, mais il récidive. Peut-être n'y a-t-il pas plus à y voir qu'un clin d’œil, ou un avant-goût (ici, c'est Elizabeth qui a tué le cerf et il a des bois moins impressionnant, donc il n'est pas censé être le roi de la forêt).
MacMillan rappelle lors de leur entrevue suivante les monarchies qui ont mis récemment la clé sous la porte et relaie les messages d'ambassadeurs du monde entier qui se demandent si les Windsors ne seront pas les prochains à devoir se reconvertir. On n'en est pas là, mais cela devient suffisamment inquiétant pour que le gouvernement s'en mêle. Altrincham est un début d'incendie qu'il serait bon d'éteindre.
Le boute-feu en question est à nouveau dans la salle d'attente du dentiste, cette fois-ci en compagnie de Patricia pour lui tenir la main. Il annonce qu'il a été invité à discuter avec Martin Charteris, un sous-fifre mais c'est déjà un geste de la part du palais. Il hésite néanmoins à le rencontrer, craignant que ce soit juste un moyen de le tenir en laisse. Patricia, comme plus tôt avec l'invitation de Robin Day, le presse au contraire d'y aller. C'est sa chance d'être écouté, alors autant qu'il se prépare avec une liste de revendication.
Immédiatement convaincu (et parce que tous les prétextes sont bons pour échapper au dentiste), Altrincham file rédiger ladite liste.
Altrincham est donc introduit dans le bureau de Charteris, un bureau totalement vide, jusqu'à ce qu'Elizabeth s'y matérialise, à la grande surprise de l'invité.
Elle fait de son mieux pour le mettre mal à l'aise, en adoptant sa plus belle attitude de reine des glaces. Peuvent-ils discuter ou trouve-t-il sa voix trop insupportable? Et qu'est-ce qu'un politicien raté comme lui, éditeur d'un obscur journal s'imagine-t-il pouvoir faire pour améliorer la monarchie?
Bien qu'intimidé et surpris, Altrincham se reprend vite et lui soumet une liste de choses auxquelles mettre fin et d'autres à mettre en place. Exit la présentation des débutantes à la reine, profondément inégalitaire puisque seules les jeunes filles d'un certain milieu lui sont présentées, par exemple, ou accepter les divorcés dans le cercle royal. Et au rayon des nouveautés, pourquoi ne pas présenter ses vœux à la télévision plutôt qu'à la radio, pour être plus accessible.
Last but not least, ouvrir les portes du palais à des gens "normaux" plutôt que la clique de dignitaires et de courtisans qu'elle voit à longueur de temps.
Toute la confrontation entre les deux, avec une Elizabeth glaciale mais consciente qu'elle ne peut ignorer ce qu'on lui dit et Altricham qui est là pour aider, quitte à dire des choses désagréables à entendre, est parfaitement écrite et jouée des deux côtés.
Sans donner signe d'accepter ou de rejeter les suggestions, la reine demande à Altrincham de patienter dans le couloir et de lui envoyer Charteris.
Quand Altrincham est à nouveau admis dans le bureau, la reine a disparu, et c'est avec le secrétaire qu'il va s'entretenir des détails, ce qu'il raconte plus tard à Patricia.
Officiellement, il n'a jamais rencontré la reine, seulement un de ses secrétaires, et s'il raconte le contraire le palais niera en bloc. Néanmoins, on a étudié ce qu'il avait à dire et quelques-unes de ses idées seront prises en compte, ce qui est déjà une petite victoire.
De fait, au Noël suivant, Elizabeth se prépare à sa première séance de vœux télévisée, en se plaignant d'être transformée en actrice à son mari. Une récrimination qui n'est pas sans rappeler celle de George V après ses vœux de Noël radiophoniques dans Le Discours d'un Roi. Le medium change mais le sentiment pour les monarques de s'abaisser en s'exposant à leurs citoyens demeure.
Qu'il lui plaise ou non, Elizabeth se plie à l'exercice, avec une nervosité palpable au départ.
Altrincham et Patricia sont sans faute devant leur poste pour assister à leur triomphe (et si vous vous posez la question, oui lecteur, elle l'épousa).
La performance se fait également sous les yeux de la Queen Mum et de Philip en coulisse, la première ne laissant rien paraître mais on la sent quand même peu enthousiaste, son gendre bien davantage, mais puisque c'était sa volonté de diffuser en direct à la télévision le couronnement de sa femme, il est logique qu'il estime ce nouveau programme comme une évolution nécessaire, contrairement aux autres.
Elizabeth achève son discours sur un chaleureux sourire qui s'efface dès que les caméras arrêtent de tourner. Le spectacle est terminé.
Comme promis, quelques mois plus tard, on ouvre les grilles de Buckingham Palace à des manants pour une garden-party.
Philip et Margaret contemplent l'invasion. Quand ils parlent de l'autre séparément, c'est rarement flatteur: Margaret lance toujours des piques sur la famille de Philip, Philip considère sa belle-sœur comme une source de problèmes aux choix de jules désastreux mais les rares fois où ils sont ensembles, ils se montrent finalement plutôt complices. On apprend que Margaret fréquente toujours Tony qui entreprend de la relooker et de l'améliorer. Son Altrincham à elle, en somme.
Elizabeth II et sa mère observent également les nouveaux venus, une faune qui comporte des gens comme des vendeurs de voitures ou des boxeurs. Incroyable. La Queen Mum se lance alors dans une grande tirade à base de "tout fout le camp": pas étonnant qu'ils s'accrochent au protocole et aux apparences puisque c'est tout ce qui leur reste: la royauté s'est vue petit à petit retirer ses pouvoirs et ses prérogatives et au bout du compte, ils ne sont plus que des marionnettes que l'on fait parader, et à terme, à force d'enlever ceci puis cela, ils ne seront plus rien.
C'est une description assez lucide de la monarchie britannique mais contrairement à la Queen Mum, on n'est pas tenu de trouver cette évolution regrettable. Les deux Elizabeth revêtent leurs gants comme une armure et se collent un sourire factice sur le visage avant d'affronter la populace.
Et c'est donc avec une jovialité de façade qu'elles se font présenter à leurs visiteurs du commun, la première d'une réception désormais entrée dans les habitudes.
L'épisode s'achève sur un petit texte informatif concernant Altrincham et son véritable rôle dans l'évolution de la monarchie, ainsi qu'une photo du vrai monsieur, qui a abandonné son titre de Lord en 1963.
Après un début de saison en demi-teinte, Marionettes s'avère un des meilleurs épisodes de la série. On se concentre sur ce qui fait vraiment son sel: expliquer le fonctionnement de la Couronne et pourquoi elle revêt autant d'importance aux yeux des premiers concernés.
L'épisode aussi illustre un point important: on parle parfois de tel ou tel monarque ou membre de la famille royale qui aurait modernisé la monarchie et l'aurait fait entrer dans le XXe ou le XXIe siècle, mais ce qui ressort, c'est moins une modernisation (peut-on réellement moderniser une institution dont la fondation repose sur un principe obsolète, et dont un des rôles est de constituer un repère fixe dans une société en mouvement?) qu'une adaptation pour survivre: faire des concessions ici et là pour calmer les gens tout en se demandant jusqu'à quel point on peut aller avant de n'avoir plus rien de particulier et d'être considéré comme superflu par suffisamment de monde pour arrêter tout le cirque et adopter un autre système.
Le point Corgis: moins hautains que leurs maîtresses, ils ne se font pas prier pour apparaître à la fin.Mais ils sont éclipsés par les clebs de Tommy Lascelles.
En bonus, histoire de comparer, les vrais premiers vœux télévisés d'Elizabeth II:
potion préparée par Zakath Nath, le Samedi 29 Septembre 2018, 15:30bouillonnant dans le chaudron "Séries tv".
Zakath-Nath : Comme les habitués l'ont peut-être remarqué, depuis quelques semaines je fais quelques modifications: fond éclairci et couleur de liens visités modifiée pour plus de confort de lecture, liste de mots-clés à gauche pour palier à l'impossibilité de ranger un article dans plusieurs rubriques à la fois, nouveaux noms pour certains blocs, titres transformés en liens, archives par mois moins encombrantes... J'espère que cela vous sied et vous rend la navigation plus agréable. CALVET : Bonjour,je cherche à me procurer le coffret de la première époque en français les 68 épisodes.salutat ions Zakath-Nath : Pour Upstairs Downstairs? Malheureusement, je crois qu'il n'y a pas de coffret vf ou avec sous-titre. sous-titre