Erin est une adolescente ordinaire, qui rêve d'être écrivain et a un talent certain pour s'attirer des ennuis en compagnie de sa cousine Orla et de ses amis Clare, Michelle et James. Mais si elle est ordinaire, le contexte dans lequel elle grandit l'est moins puisqu'elle vit dans le Derry des années 90, secoué par les Troubles.

Créée par Lisa McGee, cette série humoristique diffusée sur Channel 4 qui comporte pour l'instant six épisodes (mais elle est d'ores et déjà renouvelée pour une seconde saison), pourrait être une comédie adolescente tout ce qu'il y a de plus classique. Un groupe de jeunes filles de seize ans (et un garçon) aux caractères différents et complémentaires: celle qui se voit une vocation artistique mais dont les capacités ne sont pour l'instant pas à la hauteur de ses ambitions, sa cousine lunaire, la copine timorée, celle qui n'a pas froid aux yeux, et le cousin de celle-ci, loser qui se fait marcher dessus par tout le monde...

La petite bande essaie de gagner de l'argent, de séduire, d'échapper à des examens, de tenir tête aux parents ou de paraître cool, rien de très neuf, donc. Et en dépit de manquer parfois d'originalité (le journal de l'école censuré pour un texte mais qu'on distribue avec succès aux portes de l'école n'est pas sans rappeler un épisode de Malcolm, d'autant que dans les deux cas le texte en question est écrit pas une lesbienne), on s'amuse des situations et de l'abattage des actrices. Mais ce qui ajoute une véritable plus-value à la série tient au lieu et à l'époque de l'action.

Pour ce qui est de l'époque, on est dans les années 90, avec ce que cela comporte de boom sur du Ace of Base, de bande-son utilisant East 17, et de survêtements colorés synthétiques moches. Bref, on peut commencer à craindre qu'après quelques années de nostalgie des années 80, celle pour la décennie suivante se profile (et j'avoue, j'en deviens facilement victime). Néanmoins, on est à Derry, en Irlande du Nord, et cela suffit pour que la fibre nostalgique de soit pas titillée plus que de raison, car la réalité politique se rappelle régulièrement: militaires qui patrouillent, itinéraire de bus scolaire détourné par une alerte à la bombe, défilés orangistes, poids de la religion...

La force des scénarii de McGee est d'utiliser ce contexte parfois en simple toile de fond parce que la vie des personnages ne tournent pas totalement autour de ça, parfois comme éléments de l'intrigue (le protestant perdu dans une zone catholique, le membre de l'IRA provisoire qui s'incruste...), souvent de manière humoristique, mais pas que... À ce titre, les dernières minutes sont poignantes avec une fin entrecoupant une conclusion très feel-good concernant les rapports du groupe principal, et la famille d'Erin découvrant à la télévision l'attentat d'Omagh.

Peuplée de personnages mémorables (mention spéciale pour la cynique et désabusée sœur Michael et le grand-père d'Erin), Derry Girls offre une première saison dynamique, qui gère parfaitement ses ruptures de ton.