La veuve de George VI décide de s'accorder une escapade en Écosse pour faire le point sur sa vie tandis que sa fille aînée se lance dans une grande tournée du Commonwealth et que la cadette est chargée de remplir les obligations officielles en leur absence. C'est là que les ennuis commencent.
Je l'avoue d'entrée de jeu, ce n'est pas l'épisode que j'avais le plus hâte de commenter, centré qu'il était sur Margaret. Il est finalement mieux passé que prévu, mais ce n'est définitivement pas mon préféré. Allons-y pour les détails!
L'épisode s'ouvre sur la Queen Mum, qui a le vague à l'âme. Elle a plutôt joué un rôle en arrière-plan pour l'instant, et rarement sympathique, il est donc intéressant de se pencher un peu sur son cas, puisque sa fille n'est pas la seule à avoir vu sa vie changer brusquement suite au décès de George VI. En tout cas, elle apparait ici comme particulièrement déprimée, et l'on découvre vite pourquoi.
Une statue en l'honneur de son époux est sur le point d'être inaugurée, mais elle ne se sent pas de taille à prendre la parole en public pour l'occasion. Et pour qu'elle, qui a toujours été à l'aise dans le créneau des relations publiques, se fasse ainsi porter pâle, c'est que vraiment elle ne va pas bien. Qui, du coup, va prononcer le discours? Margaret se propose, assez peu délicatement, en faisant remarquer qu'Elizabeth n'aime pas parler en public, et à ce moment-là son dévouement peut paraître bien aimable, mais elle ne peut s'empêcher de rajouter qu'en plus, elle était la préférée de papa.
Ce que sa mère nie immédiatement, voyons, Bertie n'avait pas de préférée, mais l'ambiance est encore plus plombée, et Elizabeth tranche donc sèchement: elle est la cheffe de famille, c'est sa place de prononcer le discours.
Elizabeth s'acquitte donc de sa tâche par un jour pluvieux.
Par soucis de cohérence esthétique on a donc une statue qui ressemble à un mélange du vrai bidule et de Jared Harris, mais autant le manque de ressemblance de l'acteur avec son modèle ne me dérangeait pas quand je le voyais en action, autant là, ça m'a parue incongru alors que c'est logique dans le contexte. Enfin bref, pour les curieux, on peut voir
la vraie sur la gauche en descendant le Mall depuis Buckingham vers Trafalgar Square, bien que depuis on lui ait donné de la compagnie sous la forme d'une statue de son épouse.
En attendant de le rejoindre sur un piédestal, la Queen Mum quitte précipitamment la cérémonie, ça ne va vraiment pas fort.
Dans ce qui reste de leur Empire, ça ne va pas très fort non plus comme le constate encore une fois Churchill en regardant des actualités: ça s'agite, de plus en plus de pays veulent leur indépendance, et à Gibraltar notamment, on commence à en avoir plus que marre de la présence britannique.
C'est dans ce contexte que la reine et Philip doivent entreprendre un tour du Commonwealth, le dernier en date ayant tourné court au bout d'une semaine suite à la mort de George VI, et aux yeux du Premier Ministre il revêt une importance capitale: Elizabeth représente l'union de nations qui ont de moins en moins à voir ensemble, et la réussite de ses voyages pourrait apaiser les tensions, au moins temporairement.
Michael Adeane est plus tiède: il craint que la reine n'ait pas les épaules pour entreprendre un tel périple, et certaines étapes risqueraient d'être dangereuses. Il serait peut-être raisonnable de zapper quelques destinations. Churchill n'est pas d'accord, il estime qu'Adeane se montre condescendant envers la reine et qu'il la sous-estime.
C'est vrai que Churchill, lui, n'a jamais fait preuve de condescendance... Mais avec le savon que la reine lui a passé dans l'épisode précédent, il a sans doute appris la leçon.
Elizabeth de son côté assiste à un défilé lui permettant de découvrir les tenues qu'elle portera lors de son voyage, dans une superbe pièce art-déco (qui ressemble drôlement à un des lieux de tournage de
Jekyll and Hyde). Un nombre absolument délirant de robes, d'ailleurs, puisqu'elle ne portera pas deux fois la même durant un voyage de trois mois, et elle en vient à s'inquiéter du budget, mais apparemment, le savoir-faire des habitants de chacune de ses étapes doit être mis en valeur, donc va pour la garde-robe complètement dingue.
Philip doit aussi se farcir des essayages, à son grand déplaisir et quand son tailleur insiste sur le fait qu'il porte un uniforme et non un costume, le duc met un point d'honneur à le contredire: un uniforme, c'est pour se battre, ce qu'il porte est donc un costume, et dans sa bouche il faut le comprendre au sens déguisement. Philip n'est pas dupe, ce tour sert uniquement à donner l'impression que tout va bien et que tout le Commonwealth est réuni sous la même bannière représentée par la famille royale, mais c'est de la poudre aux yeux: l'Empire est une vieille voiture rouillée et ils ne sont que la jolie couche de peinture destinée à masquer le tacot.
Ce discours est fort bien prononcé et d'une grande lucidité mais son auditoire est constitué du tailleur et de Mike Parker qui trouve ça très spirituel et est-ce que ce secrétaire sert à autre chose qu'à rire des remarques de son employeur et boire un coup en sa compagnie?
Bref, Philip est bien malheureux encore une fois d'en être réduit à jouer les pantins qu'on exhibe, et le voyage n'a même pas encore commencé.
La Queen Mum, elle, a décidé de se payer un peu de bon temps en Écosse, son pays d'origine, et elle en informe Lascelles, qui bien qu'à la retraite hante toujours les murs. Soit qu'il est du genre à ne pas pouvoir décrocher du jour au lendemain, soit qu'il ne peut imaginer les Windsor se débrouiller sans lui.
Avec Elizabeth et Philip en vadrouille autour du monde et elle partant communier avec la terre de ses ancêtres, cela laisse Margaret pour s'occuper du tout venant des obligations royales. Ce qui lui fera du bien, estime sa mère.
Margaret, en attendant, contacte Peter, toujours à Bruxelles, et a toujours du mal face à la perspective de patienter deux ans avant de le retrouver. Quant à Peter, il n'est pas plus heureux non plus mais ne peut pas parler ouvertement car il y a un certain Hewitt dans son bureau, donc difficile de tenir la moindre conversation intime. À croire que c'est fait exprès.
Avant de partir pour les Highlands, la Queen Mum vient faire ses adieux à Elizabeth également sur le départ, qu'elle ne reverra pas avant le retour de celle-ci . Elle lui fait part de son intention d'être remplacée par Margaret. Elizabeth ne cache pas son manque d'enthousiasme, mais sa mère lui demande de faire un effort. Margaret a aussi besoin de briller un peu en public et puis on ne lui demande pas la lune: quelques discours qu'on lui écrira, faire chevalier Truc et Muche, rien qui demande des initiatives en somme.
Histoire de s'assurer qu'elle laisse la maison en de bonnes mains, Elizabeth va voir sa sœur qui justement s'entraîne à chevaliériser les gens, et la reine lui sert donc de cobaye, ce qui lui donne l'opportunité de ramener sur le tapis ce pauvre Townsend exilé à Bruxelles et les deux ans d'attente qu'elle-même subit. Enfin, Elizabeth peut être rassurée, lui dit-elle, elle fera son devoir, il faudra juste qu'elle fasse attention à ne pas l'éclipser, car elle a tellement plus de personnalité.
Elizabeth est trop sage pour mordre à l'hameçon mais lui rappelle quelques petites leçons, à commencer par poser le plat de l'épée sur l'épaule des gens et pas le tranchant, merci bien, mais surtout que sa personnalité, elle peut se la garder, elle est là pour représenter la reine et pas se comporter comme une actrice.
Bonne ambiance, mais il faut bien partir au bout d'un moment et croiser les doigts pour que la monarchie n'ait pas été trop endommagée à son retour. C'est sous les flash de la presse que le royal couple met les voiles, non sans quelques recommandations de dernières minutes de Churchill.
Parce qu'Elizabeth n'a pas suffisamment de pression sur les épaules et de sens des responsabilités, il juge bon de jouer la carte "votre pauvre père aurait souhaité...". Ce dernier était bien conscient que l'Empire britannique se désagrégeait, et les tours du Commonwealth lui tenaient d'autant plus à cœur qu'ils étaient pour lui une des rares façons d'agir en tant que tête de celui-ci et de rappeler qu'il était la figure de proue qui reliait le tout. Que son souvenir accompagne Elizabeth dans sa noble quête! souhaite Churchill, et bon voyage.
Pendant ce temps, la Queen Mum est arrivée aux confins des Highlands, et ça nous assure donc un quota de paysages et de demeures agréables à l’œil, c'est déjà ça de gagné.
Elle est hébergée par un couple d'amis à elle, des hobereaux quelconques dont j'ai oublié les noms et goute à la liberté en chevauchant sur la plage venteuse, bref, elle se paie un vrai break, elle.
Le soir venu, elle les remercie de lui accorder cette petite respiration, elle en avait besoin avec les bouleversements de ces dernières années. Elle n'a pas perdu que son cher époux, explique-t-elle, mais son statut de reine consort, sa maison (Buckingham, la baraque qu'apparemment elle est la seule à vouloir habiter), ses filles sont grandes et elles ne lui demandent plus conseil, quand bien même l'aînée n'est pas du tout prête à être cheffe d'État, c'est vraiment la misère.
Bon, alors comment dire. C'est très bien que la série n'oublie pas la Queen Mum, qui fut une figure phare de la famille royale de 1923 à 2002 et qui a eu une influence durable, pour le meilleur et pour le pire, sur celle-ci, et il est intéressant de voir les bouleversements qu'un décès peut provoquer. On peut évidemment s'identifier à la souffrance de perdre un proche aimé, et en sus on voit ce qu'une monarchie a de peu naturel: s'il est normal que les enfants finissent par voler de leurs propres ailes, ce l'est moins que l'un d'eux se retrouve soudain le supérieur hiérarchique des autres, y compris de ses aînés parfois plus expérimentés, et que ce changement peut arriver du jour au lendemain.
L'ennui, c'est que comme avec Margaret, je n'arrive pas à compatir bien que leurs sentiments soient compréhensibles. J'ai du mal avec la Queen Mum, tout en étant consciente du soutien considérable qu'elle a été pour son mari, en particulier dans une période où sans cela il est difficile d'estimer comment les événements auraient tourné mais probablement pas en bien, mais je n'arrive pas à la trouver vraiment sympathique et la série n'a pour l'instant pas vraiment montré ses bons côtés. Du coup sa détresse me laisse un peu de marbre tout en trouvant qu'on ne peut pas faire l'impasse dessus.
La reine et le duc sont arrivés aux Bermudes, et cette fois-ci le discours d'Elizabeth est accueilli avec enthousiasme par toute l'assistance. Ce premier succès la met en confiance mais elle n'a pas le temps de souffler: il y a pleine de visites à effectuer et ensuite, on part vite fait en Jamaïque.
Philip se montre de plus en plus excédé par ce régime, et ils n'ont passé que la première étape quand Adeane leur détaille la suite du voyage. Qui va être encore plus long s'il râle tout le temps
Cela n'empêche pas l'étape jamaïcaine d'être également un succès médiatique, ce que constate Margaret qui suit le voyage comme tout le monde via la télévision, alors qu'on lui apporte le discours qu'elle doit prononcer lors d'un raout dans une ambassade quelconque.
Or aussitôt a-t-elle pris connaissance dudit discours qu'elle lui apporte des corrections et demande à Charteris de venir. Le speech a été rédigé pour sa sœur, et Margaret le trouve bien trop fadasse et décide d'y apporter sa touche personnelle.
Charteris pense bien que c'est fadasse, c'est même fait exprès: il y aura différentes personnalités à la réception, et le discours est savamment calibré pour ne vexer personne. Difficile dans ses conditions qu'il soit autrement que complètement lisse, mais c'est ce que l'on attend d'un discours de la reine, et Margaret représente la reine.
Margaret est néanmoins têtue, et sa concession à la personnification de la Couronne consistera à porter les bijoux de sa sœur et non les siens. Son discours sera donc agrémenté de vannes spirituelles, qui rencontrent un franc succès auprès de tous sauf de Charteris terrifié du moindre dérapage.
Bien que ses plaisanteries aient davantage leur place dans un discours de témoin de mariage, l'auditoire est séduit, c'est encore suffisamment bon enfant pour ne prendre personne à rebrousse-poil, et il n'en faut pas plus pour que Margaret soit grisée par ce premier succès et encouragée à continuer dans cette veine.
Au téléphone avec Townsend, elle ne cache pas son ravissement et raconte qu'elle a prié la cour de remplir son agenda d'autres engagements du même type. Et ne serait-ce pas magnifique si Peter pouvait en profiter pour lui rendre une petite visite?
Ce n'est pas l'envie qui lui manque mais Townsend a davantage les pieds sur terre ou plus de maturité et sait qu'à la moindre sortie de route, les journaux en feront leurs choux gras. Margaret, elle, est convaincue que le public est de leur côté, les média aussi et qu'ils ne leur attireraient pas d'ennuis, ce qui est bien naïf mais ils en restent là.
Ce qui n'est pas totalement faux, c'est que sa prestation lui a valu les louanges de la presse, et Elizabeth, en voyant cela, ne ressent pas la satisfaction de savoir que Margaret n'a pas coulé la baraque en son absence, mais une pincée de jalousie. Elle doit bien avouer au fond d'elle-même et à son mari qu'elle espérait presque que Margaret gâche tout.
Philip est à la fois convaincu qu'Elizabeth n'a pas à s'en faire de ce côté, on peut faire confiance à Margaret pour tout gâcher tôt ou tard, satisfait de voir son épouse admettre qu'elle n'est pas parfaite et inaccessible à des défauts bien humains, mais tout de même troublé par sa réaction.
Il craint surtout qu'entraînée par les récents succès de sa cadette, Elizabeth fasse du zèle. Il n'a d'ailleurs pas tort de s'en inquiéter.
Ils sont en effet désormais en Australie, avec 57 villes à visiter en 58 jours, et Philip est d'avis d'alléger le programme. Pas question pour Elizabeth, on ne décommande rien, on ne peut pas décevoir les gens qui attendent pour privilégier son confort, et l'on ne sait ce qui prédomine: son sens du devoir, l'envie d'être fidèle à la mémoire de son père, ou une compétition avec Margaret.
Qu'importe le mobile, le résultat c'est que le tour d'Australie commence par une parade de deux heures sous le soleil par 38° et pas question de donner un coup d'accélérateur pour écourter la balade.
S'ensuit une scène très jolie et presque irréelle où Elizabeth fait son show, sous le cagnard, les flash des photographes, et l'air de plus en plus contrarié de son époux.
En Écosse, la Queen Mum suit le parcours de sa fille à la télé et est satisfaite de constater qu'elle se dépatouille fort bien de sa mission, ce qui lui fait d'autant plus apprécier ses vacances que rien ne vient troubler.
C'est donc sereine qu'elle accepte la proposition de ses hôtes d'aller visiter un château voisin que le propriétaire a mis en vente, on ne sait jamais, cela lui fera un petit pied à terre dans la région, elle peut aller à Glamis Castle, demeure de sa famille, ou à Balmoral, demeure de celle de son mari, mais qui ne refuserait pas d'avoir son château en Écosse rien que pour ça? (et c'est aussi pour cela qu'il est un peu dur de vraiment adhérer à ses tourments. Elle est triste d'avoir perdu un être cher? Pour en être tous passé par là ou avoir peur que ça arrive, ça fonctionne. Elle ne sait plus trop où est sa place et son but? Pareil, qui n'a pas été ainsi désorienté à un moment de sa vie? Elle se paie un château pour se changer les idées? Qui n'a pas... ben pas grand monde, justement).
Cela dit, il faut avouer que l'emplacement en jette.
Le propriétaire de la baraque est un type sympa mais soit peu physionomiste, soit myope, soit affligé d'une mauvaise mémoire, car la tête de la Queen Mum lui dit bien quelque chose, mais quoi?
Quelle que soit la raison de cette infirmité, la Queen Mum en profite et décide de ne pas dissiper le mystère.
Le vieux joue pour sa part la carte de la franchise en leur faisant le tour du propriétaire: tout part en quenouille et si château en Écosse ça fait bien sur le papier, dans les faits le bâtiment ne vaut tellement rien qu'il pourrait carrément l'offrir à sa visiteuse sans être perdant. Celle-ci est tentée, mais se voit forcer de décliner "à cause de qui elle est" (cela ferait sans doute désordre en effet que quelqu'un de son rang reçoive de tels cadeaux).
Le pauvre gars, décidément lent à la détente, tente sa chance: elle est une actrice, c'est bien ça?
La Queen Mum dément mais ne l'éclaire pas pour autant, on s'amuse comme on peut.
En Australie, Elizabeth a un petit soucis: à force de sourire pendant des heures à son public, elle a la joue qui se tétanise, ce qui est fort gênant. Son docteur a bien une solution: une petite injection pour détendre le tout, mais avec un avertissement: ce n'est que temporaire et gare quand elle avalera sa soupe lors du prochain repas, il y a des risques que ça dégouline si elle ne fait pas gaffe.
Cela devient de plus en plus pesant pour Philip qui estime que ce serait tout de même plus simple si elle ne souriait pas, mais comme le lui explique sa femme, elle a le visage fichu de telle manière que si elle ne sourit pas comme une bienheureuse en permanence, on croit qu'elle tire la tronche. Elizabeth II, Kristen Stewart, même combat.
Allons donc pour l'injection de l'espèce d'anti-botox, et tant pis si elle bave, elle le fera avec un air jovial.
À Bruxelles, Peter et ses collègues suivent pour leur part les sorties de la princesse Margaret, qui a visité une mine et livre ses impressions aux journalistes, ce qu'elle fait tout d'abord avec des plaisanteries qui continuent d'être bien reçues.
Mais patatras, ce qui menaçait d'arriver arrive avec une sortie de route ou plutôt deux. Tout d'abord, Margaret s'émeut des conditions de travail des mineurs. C'est bien aimable et fort compréhensible car il y a effectivement beaucoup à redire sur la question, l'ennui c'est qu'un membre de la famille royale, a fortiori représentant la reine elle-même, ne peut pas prendre ce genre de position car cela peut être vu comme une critique du gouvernement, et la Couronne ne peut pas critiquer ouvertement le gouvernement.
Seconde sortie de route, moins grave mais qui fignole le tableau, Margaret lâche sur le ton de la plaisanterie que sa sœur lui manque mais pas autant que quelqu'un d'autre, si vous voyez ce que je veux dire.
Peter réalise que ça commence à sentir le roussi et que Margaret devrait vite redescendre sur Terre avant de compromettre leur situation.
Aussi l'enjoint-il à la prudence lors de leur conversation téléphonique suivante. Ce serait une très mauvaise idée de se mettre sa sœur à dos en lançant ce type de plaisanterie, aucun écart ne leur sera pardonné.
Margaret a beau dire que Peter est pour elle une présence tranquillisante qui l'empêche de partir en vrille, son pouvoir apaisant n'a pas l'air d'agir par l'entremise des télécoms, car elle ne parvient pas vraiment à saisir que les applaudissements qu'elle reçoit ne sont pas suffisants pour la mettre en position de force.
En Australie, le torchon commence à brûler. La reine et le duc n'ont pas terminé leur tournée au pas de charge d'une cinquantaine de villes où il faut inaugurer ceci et dîner en l'honneur de cela, Elizabeth refuse toujours d'alléger le programme, et Philip, qui en a définitivement sa claque, commence à lui signaler qu'elle pourrait se détendre et arrête de vouloir être à ce point impeccable. Il a cerné son manège et qu'est-ce qu'elle s'imagine au juste, qu'en faisant tout parfaitement, en cochant toutes les cases, elle s'entendra dire par papa qu'elle est la meilleure et qu'il la préfère à Margaret?
Le tout dit en imitant le bégaiement de George VI, et puisqu'il est lancé sur son beau-père, Philip décide de l'imiter en s'en grillant une petite, il en vient à comprendre le pauvre bougre qui ne lâchait plus ses clopes, à ce stade il préfère encore choper un cancer que continuer cette vie de représentations creuses et stupides.
Ça tourne à la scène de ménage quand Elizabeth, passablement énervée qu'on mêle son père adoré à cette histoire (et que Philip ait cerné trop bien ce qui la tourmente) lui arrache la cigarette et le chasse de la terrasse en lui balançant divers projectiles, dont une raquette de tennis.
Jusqu'à ce que palsambleu! ils réalisent qu'il y avait la télé et qu'on a filmé ce moment d'anthologie, ce qui les calme encore mieux qu'un seau d'eau glacée.
De nos jours, une telle séquence serait sur youtube dans la minute et ferait les délices des réseaux sociaux, mais le couple royal a de la chance, ce sont les années 50, Elizabeth a donc le temps de se reprendre et d'aller faire du
damage control. C'est donc en gants blancs qu'elle vient à la rencontre des journalistes, en s'excusant pour cet intermède, qui n'a pas eu de disputes conjugales dans sa vie?
Puisqu'ils sont là, quel genre de reportage comptent-ils tourner? s'enquiert-elle. Son mari et elle pourront peut-être aider... Pas la peine de dire ce qui la travaille, en face on a très bien compris, et comme décidément c'est une autre époque, on lui fait immédiatement cadeau de la bande compromettante.
C'est là qu'on se dit probablement que les minutes qui viennent de précéder sont totalement invraisemblables, et comme cela arrive plus souvent qu'on ne le pense dans les fictions historiques, le plus invraisemblable est arrivé et ce sont les passages anodins qui sont des inventions. Une chaîne australienne a effectivement surpris la reine en train de hurler sur Philip en lui jetant chaussures et raquettes à la tête avant de servilement offrir la pellicule. Il y a quelques arrangements avec les faits, c'est un sbire d'Elizabeth qui est venu au-devant des journalistes et non elle, et le sujet de la dispute reste un mystère mais voilà, ce n'est pas pure invention.
À Buckingham, on n'en est pas encore à se lancer des raquettes à la figure, mais l'ambiance n'est pas au beau fixe. Elizabeth a appris à Churchill à ne pas la prendre pour une bille, mais il n'a pas perdu l'habitude de débouler pour expliquer comment on fait les choses et pour le coup, il a raison d'être contrarié après la dernière sortie de Margaret, à qui il remonte les bretelles.
Celle-ci ne comprend pas ce qu'elle a fait de mal: elle est populaire, le public apprécie ce qu'elle raconte et décoincer la monarchie ne peut pas faire de mal. Le Premier Ministre agite une nouvelle fois le spectre d'Edward VIII et de l'abdication sous son nez.
Margaret défend le principe d'une monarchie incarnée par des individus de chair et de sang auxquels on peut s'identifier et donc s'attacher, mais comme Lascelles dans l'épisode précédent, Churchill n'a que faire des individualités, la Couronne doit être au-dessus. Or, il estime qu'avec ses facéties Margaret la met en danger et puisqu'elle ne sait pas se tenir, on arrête les frais, il a envoyé un message à la Queen Mum pour qu'elle finisse de remplir les obligations officielles en l'absence de la reine.
La Queen Mum, justement, est de retour dans la masure qu'elle a visité plus tôt afin de sceller le deal. Encore une fois le vendeur assure que ça ne vaut rien, mais puisqu'il faut bien fixer un prix, cela fera 100 livres. J'imagine que les livres de l'époque valaient bien davantage qu'aujourd'hui, mais ça ne devait pas être bien cher pour un château, même dans les années 50.
Il précise tout de même que niveau coût, si l'achat est une misère à payer, les rénovations vont vite faire grimper l'addition, et pour cause, entre la remise à neuf du Château de Mey et les pertes de paris en matière de course de chevaux, la Queen Mum a laissé au contribuable une ardoise pharaonique. C'est néanmoins le cadet de ses soucis à ce moment-là comme après.
Alors qu'il l'accompagne sur un bout de chemin, la reine est abordée par un sous-fifre qui lui transmet le message de Churchill en lui donnant du votre Majesté, et la comédie doit prendre fin.
Arg. Bon, ce n'est pas comme s'il avait passé son temps à soutenir des thèses républicaines et insisté qu'on devait pendre les Windsor à la lanterne donc l'un dans l'autre il a limité les dégâts, et la Queen Mum lui avoue qu'elle ne lui a rien dit car c'était reposant une fois de temps en temps de ne pas être vue comme la reine mais comme une personne (la Couronne, l'individualité, Thématique! tout ça tout ça). Et puis s'il avait su, il lui aurait fait payer son château plus cher.
Que c'est meugnon.
Elizabeth a quitté l'Australie pour la dernière ligne droite de son voyage. Enfin, dernière ligne droite, c'est vite dit, puisqu'il y a embrouille sur l'itinéraire. Philip et Adeane veulent éviter Gibraltar, où comme on l'a vu en début d'épisode ça s'agite et où elle risque de ne pas être reçue qu'avec des fleurs, mais Elizabeth tient bon, et leur dit sa façon de penser.
Elle est bien consciente d'être entourée d'hommes plus âgés et expérimentés, qui s'imaginent capables de faire le travail mieux qu'elle, mais devinez quoi les gars? C'est sur elle que c'est tombé alors elle va faire le job jusqu'au bout et cap sur Gibraltar, au trot!
Bonne pioche, encore une fois on lui fait un triomphe, et à Londres on ne peut que constater son succès, que ce soit Margaret privée de dessert et de sorties officielles...
... Churchill qui en tremblote d'émotion...
... et la Queen Mum qui doit bien constater que sa fille aînée est totalement à la hauteur de l'enjeu.
Pour l'heure c'est la cadette indigne qui a besoin d'aide.
Elizabeth et Philip sont enfin de retour, et encore une fois quand monsieur va jouer avec les enfants, madame doit se contenter d'un sourire mélancolique avant d'aller bosser.
Churchill la félicite tout d'abord pour son tour du Commonwealth impeccable. Il n'a pas de mots pour dire à quel point elle est géniale. Elle a sauvé l'Empire! Enfin ce qu'il en reste! Autant dire qu'elle a sauvé le monde! Fabuleux! Mais du coup, ça ne fait que mettre en relief l'échec de sa sœur à domicile, et Elizabeth doit se résoudre à convoquer Margaret pour une mise au point.
Ce n'est pas comme une sœur mais comme une subordonnée en faute que Margaret est introduite auprès d'Elizabeth, ce qu'elle ne manque pas de remarquer et cela s'annonce dont très mal.
Elizabeth fait la liste des incartades de Margaret et des personnes qu'elle a pu blesser en conséquence, et exige qu'elle écrive des excuses. Pour sa part, Margaret apprécie encore une fois peu de se faire houspiller. On se retrouve dans une impasse et elles se rappellent alors ce que leur père avait l'habitude de dire de ses deux filles adorées si proches en grandissant. Mais elles ont chacune leur version. Pour Elizabeth, c'est "Elizabeth est ma fierté, et Margaret est ma joie", pour Margaret c'est "Elizabeth est ma fierté, mais Margaret est ma joie", ce qui change la donne. Et elle y tient, car son statut de favorite de papa est la seule chose qui lui reste.
Chacune est en fait jalouse de l'autre et incapable de comprendre leurs difficultés mutuelles. Elizabeth estime que Margaret a de la chance de ne pas avoir hérité de la Couronne, qu'elle a davantage de libertés, mais Margaret envie la place bien définie d'Elizabeth alors qu'elle-même n'a pas de vrai poste et pas autant de libertés que la reine l'imagine: elle ne peut épouser qui elle veut, elle ne peut dire ce qu'elle veut... et elle souffre d'être reléguée dans la case de la vilaine petite sœur à chaque écart de conduite, surtout comparée à la parfaite Elizabeth, qui la fait se sentir nulle.
Elizabeth n'avait pas conscience de cela, il faut dire que Margaret n'a pas perdu une occasion de la rabaisser pour son manque de caractère et elle n'a pas compris que c'était seulement un moyen de se défouler pour étouffer ses complexes.
Du coup Margaret aimerait bien que de temps en temps, à l'occasion, Elizabeth fasse aussi des gaffes mais la reine ne peut pas se le permettre. Elizabeth ne se donne même pas la peine d'expliquer cela à sa sœur, un seul regard suffit.
L'écart continue donc de se creuser entre les deux.
Concernant George VI, sa formulation exacte, ou celle que l'Histoire a retenu, était "Elizabeth est ma fierté, Margaret est ma joie". Ce n'était pas censé exprimer une préférence mais qu'il les aimait pour des raisons différentes (Est-il préférable de faire la joie ou la fierté de quelqu'un? Vous avez quatre heures). Le consensus semble être que Margaret était effectivement sa préférée, mais elle était plus expansive dans son affection, et il attendait moins d'elle, donc pour un œil extérieur, ça pouvait en donner l'impression, mais on ne le saura probablement jamais.
Elizabeth finit donc l'épisode encore une fois seule avec elle-même, ayant accompli son devoir mais voyant Margaret s'éloigner de plus en plus.
Il y en a au moins une qui a trouvé sa place, c'est la Queen Mum, à la fois physiquement avec un joli point de chute où s'enfuir quand la vie à la cour devient trop pesante, et spirituellement, ayant accepté son nouveau rôle de reine-mère après plus de quinze ans dans la peau d'une reine consort.
Voilà donc un épisode qui ne manque pas d'intérêt en montrant trois femmes à la fois très proches et aux caractères très différents, et les conséquences de la perte de l'élément du "Nous Quatre", l'unité familiale chère à George VI, élément qui finalement les reliait entre elles plus que tout le reste. Les dialogues sont bien écrits, particulièrement dans le dernier échange entre Elizabeth et Margaret, très bien interprétés, mais malgré tout mon manque d'implication dans les malheurs de certains des personnages m'ont empêchée d'adhérer pleinement et on commence à connaître la musique en ce qui concerne le thème du devoir face aux envies personnelles.
Le Point Corgi: pas mal, avec deux apparitions, d'abord quand la Queen Mum vient faire ses adieux à Elizabeth, ensuite lors du retour à Buckingham. Mais Elizabeth aurait dû en emporter en voyage.
Dans le prochain épisode, Churchill se fera refaire le portrait par un prétendant au Trône de Fer et on découvrira le lien inattendu qu'entretient la reine avec
Downton Abbey