Cette trilogie de Philip Pullman, composée des Royaumes du Nord, La Tour des Anges et Le Miroir d'Ambre est associée et comparée souvent à tort à Harry Potter: en effet, si les deux cycles semblent s'adresser au départ à un public de pré-ado, tout en séduisant les générations précédentes, parlent de magie, sont sortis à peu près en même temps (légère antériorité du premier tome de Pullman) et sont publiés par le même éditeur en France, il y a peu de rapport entre les deux. De quoi s'agit-il donc?

Lyra est une orpheline vivant à Oxford, à la fin des années 90. Mais pas le Oxford que nous connaissons, celui d'un monde parallèle, à la fois semblable et très différent du nôtre. Élevée au collège par des Érudits dépassés par son énergie, Lyra passe plus de temps à s'amuser dans les rues avec Roger, le garçon de cuisine, qu'à étudier. Seules les visites de son oncle, Lord Asriel, rompent la monotonie du quotidien. Jusqu'à ce que des enfants commencent à disparaitre, enlevés par les mystérieux "enfourneurs". C'est bientôt au tour de Roger d'y passer, mais les projets de sauvetage de Lyra sont interrompus par son adoption par la séduisante et mystérieuse Mme Coulter. Mais quand Lyra comprend que celle-ci est de mèche avec les Enfourneurs, elle s'enfuit et entreprend un périlleux voyage qui la conduira dans d'autres mondes...

Contrairement à Harry Potter dont les tomes deviennent plus matures au fur et à mesure que le héros grandit, À la Croisée des Mondes montre d'emblée une complexité et un ton assez sombre, voire beaucoup. On ne peut être qu'émerveiller devant l'imagination et l'érudition de l'auteur, son style vraiment riche, (seuls quelques passages vers la fin entre Will et Lyra sont, à mon humble avis, un peu cul-cul la praline) et son audace.

Car même s'il s'agit d'une oeuvre d'imagination, d'une fiction, on ne peut pas dire que Pullman soit tendre avec la Religion  et L'Église (même si c'est surtout au fanatisme qu'il s'en prend, la religion est quand même présentée comme la plus grosse escroquerie de tous les temps). Ceux qui s'en prennent à Harry Potter sous prétexte que le binoclard au chapeau pointu fait l'apologie de la sorcellerie et détourne de Dieu devraient peut-être voir au-delà de l'arbre qui cache la forêt. Mais si le projet d'adaptation cinématographique arrive à bien (bon courage au scénariste et réalisateur) nul doute qu'on aura enfin droit aux hurlement indignés.

Mais tout cela ne doit pas occulter le fait qu'il s'agit d'une des oeuvres les plus intéressantes en fantasy de ces dernières années.