Alexandre d'Artagnan et son fils quittent leur Gascogne natale pour Paris où ils espèrent plaider pour une baisse d'impôt auprès de Louis XIII et de son puissant ministre, Richelieu. Lors d'une étape dans une auberge, Alexandre est tué par un certain Athos, et le jeune d'Artagnan décide de continuer sa route vers Paris, pour se venger.
Les Trois Mousquetaires, pour moi, c'est un peu comme
L'île au Trésor: un bouquin de mon adolescence que j'adore, qui a été adapté maintes fois, mais dont aucune adaptation ne m'a réellement séduite: je trouve le film de George Sidney très bon sur bien des points, par exemple, mais il y a quelques détails qui m'empêchent de vraiment m'enthousiasmer. À côté de cela, je peux pourtant trouver des qualités ou des points intéressants dans des adaptations aussi discutables (pour être polie) que le
D'Artagnan de Peter Hyams ou
Les Trois Mousquetaires 3D de Paul W.S. Anderson. Autant dire que j'avais un certaine crainte avec cette nouvelle série de la BBC, mais je ne m'inquiétais pas pour autant des changements annoncés dans l'intrigue. La première bonne surprise vient surtout d'un malentendu, il faut l'avouer: je pensais au départ qu'il s'agissait d'une série en 13 épisodes de 40 minutes destinée à être diffusée en début de soirée le samedi. Comme
Doctor Who, certes, mais surtout comme
Robin Hood,
Merlin et
Atlantis, trois séries bien sympathiques mais cheap et souvent bourré d'énormes facilités et d'une difficulté à développer tous ses personnages. Or
The Musketeers est une série d'épisodes de 60 minutes pour la case horaire du dimanche, 21h, comme
Ripper Street.
The Musketeers n'est pas aussi sombre et violente, on est avant tout dans le fun et l'aventure, mais on peut se permettre davantage de choses que le samedi en début de soirée: par exemple, Constance est bien la femme de M. Bonnacieux et pas sa fille, sa nièce ou sa locataire, d'Artagnan a une vie sexuelle avant de la rencontrer, Richelieu a aussi l'occasion d'entretenir une maîtresse et on aborde un aspect de la personnalité de Porthos et Aramis du roman sur lequel on fait souvent l'impasse à l'écran: utiliser une riche maîtresse pour se payer leur équipement ou ici, une inscription à un tournois d'escrime.
Autre point fort, le casting, globalement très réussi, à commencer par d'Artagnan et les trois mousquetaires. Je ne connaissais Luke Pasqualino que pour son rôle de benêt amoureux de Lucrèce Borgia et en jeune Adama, rôles où il n'était pas mauvais mais n'impressionnait guère. Il se révèle un très bon d'Artagnan, encore inexpérimenté mais pas niais, assez malin sans être une tête-à-claques trop sûre d'elle. Autre bonne surprise, Santiago Cabrera en Aramis, sur lequel je ne misais pas un kopeck après sa composition en Lancelot fadasse dans
Merlin. Si le personnage manque encore d’ambiguïté (ce sera peut-être pour plus tard, suivant l'orientation de la série, je suppose) il se révèle charmant et charismatique. Howard Charles en Porthos (dont on a modifié le background en s'inspirant du père d'Alexandre Dumas) est une bonne découverte et Athos joué par Tom Burke est également à la hauteur, même si moins pétant de noblesse que dans le livre. Le tout n'est cependant pas d'être bons séparément, et la dynamique du groupe est une véritable réussite.
Les rôles secondaires ne sont pas en reste. Hugo Speer en Treville donne une interprétation solide de leader des mousquetaires, Tamla Kari est une Constance volontaire et Alexandra Downing, si elle campe une Anne d'Autriche peut-être un peu trop idéal, arrive dans le dernier épisode à démontrer une autorité agréable. La bonne surprise vient de Ryan Gage dans le rôle de Louis XIII: ce roi est assez difficile à servir dans les adaptations et on est au départ bien parti pour se farcir encore une fois un monarque faible et sans volonté à la botte du Cardinal. Le personnage présente ces aspects, mais pas seulement. S'il est puéril, arrogant et dépendant de Richelieu, Louis XIII est loin d'être idiot ou dénué d'esprit (certaines de ses répliques en sont la preuve) et démontre qu'il est capable d'apprendre quelques trucs de son ministre comme à la fin du huitième épisode. Gage, qui était surtout connu du grand public pour son rôle de fourbe à mono-sourcil de
La Désolation de Smaug a l'occasion de camper un personnage aussi attachant qu'agaçant. Seule Mamie McCoy en Milady déçoit un peu, elle est correcte mais voilà, quand on joue Milady, il faut être mieux que correcte. Le gros morceau reste néanmoins Peter Capaldi en Richelieu: c'est simple, on tient peut-être le meilleur Richelieu (dans une adaptation des mousquetaires en tout cas) depuis Vincent Price. Une réussite due à l'acteur qui s'en donne à cœur joie en ministre machiavélique, mais également aux scénaristes qui ne commettent pas l'erreur fréquente d'en faire un vilain vizir voulant être calife à la place du calife: toutes les actions de Richelieu, à ses yeux en tout cas, sont justifiées par son envie de servir la France et d'assurer sa puissance et non un profit personnel. S'il est l'antagoniste majeur de la saison, certains épisodes lui donnent aussi des objectifs communs avec les mousquetaires,ce qui est agréable.
Si j'ai parlé d'antagoniste majeur de la saison et non de la série c'est parce que hélas, celle-ci devra se passer de ses services l'année prochaine, Capaldi étant parti vers d'autres cieux à bord du TARDIS. Le dernier épisode ne prend pas de mesure radicale et lui laisse la latitude de revenir (sauf recasting, ce qui serait risqué) mais c'est tout de même une perte pour la série.
Visuellement, la République tchèque fait office de Paris au XVIIe de façon assez crédible (peut-être pas pour les Tchèques qui doivent reconnaître certaines bâtisses) et à part certaines pièces un peu vides, on ne sent pas un manque de moyen. Les costumes sont assez inégaux: le costumier aime le cuir pour les hommes d'action, mais ce n'est pas moche pour autant, les personnages féminins, hors les robes de cour d'Anne, sont moins bien servies. Le look de Marie de Medicis aura de quoi donner quelques cauchemars. Quant à la jolie musique, elle est signée Murray Gold, ce qui tombe bien: après
The Curse of the Black Spot je voulais le voir sur du capes et épées.
Les scenarii ne sont pas dépourvus de défauts. Il vaut mieux ne pas être à cheval sur la réalité historique (en même temps, dans ce genre de séries, on ne s'y attend pas) ni même sur la fidélité au livre (la série ne prétend même pas être basée sur l’œuvre de Dumas mais uniquement sur ses personnages: ça laisse de la latitude). Pas de roman-feuilleton ici, les épisodes proposent des histoires indépendantes malgré une progression cohérente de la saison. Cela donne malheureusement parfois des dénouements un peu faciles et optimistes, un peu "série de 40 minutes du samedi soir de début de soirée", malgré tout. Néanmoins, le charme opère, les dialogues sont bien écrits, les passes d'armes réussies (même si on tire finalement bien plus au mousquet), avec des guests sympathiques (James Callis, Jason Flemyng, Annabelle Wallis, Sean Pertwee, J.J. Fields...).
Espérons que la deuxième saison reste dans la même lignée et se remette de l'absence d'un personnage de poids (pourquoi ne pas introduire Rochefort qui agirait pour le compte de Richelieu sans que celui-ci n'apparaisse directement?)
à 18:29