Bear, Elora Danan, Cheese et Willie Jack ont réussi à atteindre la Californie mais ne tardent pas à reprendre le chemin de la réserve. Avec un petit détour pour Bear qui fera deux étranges rencontres tandis que tous se demandent ce qui les attend à l'avenir.

Trois saisons et puis s'en va. La série créée par Taika Waititi et Sterlin Harjo sur une bande d'ados passant à l'âge adulte dans une réserve de l'Oklahoma ne se sera guère attardée sur les écrans et on se retrouve dans le cas typique où bien sûr, on le regrette compte-tenu de sa qualité et de son caractère atypique mais on se dit aussi que la décision est raisonnable, pas le temps de s'essouffler et de se perdre. Néanmoins, devant la première moitié de la saison, sachant que c'est la dernière fois que l'on voit ces personnages attachants, il y a quelques craintes que tous ne seront pas logé à la même enseigne. En effet, Bear, le leader qui n'en a jamais été un, fait cavalier seul pendant deux épisodes au cour desquels il croisera la route de Maximus, ami d'enfance de Bucky, Brownie et Irene qui vit en reclus, puis de la femme-biche que seul Big avait vu en chair et en sabots jusqu'ici. Y aurait-il encore de la place pour Elora Danan, Cheese et Willie Jack, sans parler de leur famille, de la NDN Mafia, de Big et de tout ce petit monde?

Qu'on se rassure, à l'exception de Willie Jack qui n'aura pas d'épisode spécialement centré sur elle mais dont on s'arrange pour lui trouver une voie et qui aura quelques scènes touchantes dans le dernier épisode, les Res Dogs seront tous mis en avant à un moment: Cheese, le plus jeune, qui se détache des autres quand il comprend que leur bande sera forcément séparée dans un avenir de plus en plus proche, Elora Danan qui rencontrera enfin son père, et les générations précédentes qui ont leurs propres traumatismes. On découvrira les origines de la femme-biche le temps d'un épisode qui remonte aux orphelinats du début du XXe siècle où les enfants autochtones étaient enfermés et maltraités et on reviendra sur la jeunesse de Maximus, Bucky, Brownie, Irene et Fixico dans les années 70, quand ils avaient l'âge qu'on les Res Dogs à présent (le casting est d'ailleurs particulièrement réussi entre les acteurs vétérans et leurs jeunes homologues).

Cette saison 3 aborde une période de la vie suffisamment universelle pour que l'on s'y retrouve, avec des personnages au seuil de l'âge adulte, inséparables mais conscients que cet état béni ne durera pas: certains feront leur vie sur place, d'autres tenteront leur chance ailleurs, iront à l'université ou se tourneront vers une occupation plus ancrée dans les traditions... On conserve cependant ce ton très particulier: bien qu'étiquetée comédie, et souvent drôle par ses répliques, ses personnages hauts-en-couleurs et ses plongées décalées dans le fantastique, Reservation Dogs continue d'aborder des questions douloureuses: la femme-biche a beau être un personnage issu du folklore, les origines que l'on prête ici au personnage se réfère à un épisode bien réel de l'Histoire des États-Unis, par exemple. De plus, les parents absents pèsent toujours sur les vies du reste de leur famille, qu'ils soient démissionnaires ou décédés.

Le casting est toujours aussi juste, des jeunes que l'on espère ne pas perdre de vue dans les années à venir aux plus âgés, moins présents mais que l'on prend toujours plaisir à revoir: parmi les invités de marque, on a droit cette saison à Graham Green et Ethan Hawke mais Wes Studi et Zach McClarnon sont toujours aussi délicieux respectivement en petite crapule au grand cœur et en shériff lunaire tandis que l'on revoir le temps d'une scène Lily Gladstone, bientôt en vedette du très attendu Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese.

Reservation Dogs se clôt sur une note douce mais forcément teintée d'amertume et n'aura fait que confirmer le bien que l'on pouvait en penser dès ses débuts. Il s'agit typiquement de la pépite jamais assez connue, que l'on ne peut que conseiller à tout le monde et les prochains projets de Sterlin Harjo et de son équipe ne peuvent que susciter la curiosité après ces trois brillantes saisons.