Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


mon compte twitter mon tumblr mon compte bétaséries



Les aventuriers de l'article perdu

Archive : tous les articles

Principaux grimoires

Inventaire des ingrédients

Ce qui mijote encore

Potion précédente-Potion suivante
Pendez-les haut et court
Accusé à tort de meurtre et de vol de bétail, Jed Cooper est lynché par un petit groupe d'hommes. Sauvé par le marshal Bliss, Jed accepte la proposition du juge Felton de porter également l'étoile pour faire régner l'ordre sur le territoire de l'Oklahoma. Felton le charge d'arrêter ses agresseurs et de les amener à la justice tandis que Jed n'a qu'une envie, se venger.

Devenu star en Europe grâce à la "Trilogie du Dollar" de Sergio Leone, Clint Eastwood ne manquait ni d'ambition, ni de flair. Plutôt que de s'attarder en Italie jusqu'à ce que les films proposés baissent en qualité, il est retourné aux États-Unis pour y fonder sa propre société de production, Malpaso. Allait-il parvenir à être prophète en son pays? Il est facile de répondre quelques décennies plus tard mais rien n'était gagné et avant de passer lui-même derrière la caméra, Eastwood a tourné dans quelques westerns. Pendez-les haut et court est le premier d'entre eux et non sans intérêt dans son statut de film de transition, western américain tourné aux États-Unis mais qui lorgne sur certains points vers ses cousins transalpins, histoire de ne dépayser aucun spectateur et de les réunir pour un succès public commun. Si la réalisation de Ted Post est classique et n'abuse pas d'effets populaires dans les westerns italiens, la musique de Dominic Frontiere lorgne pour son thème principal du côté de Morricone et on ne rechigne pas sur le raisiné, Jed Cooper n'étant pas épargné dans les premières minutes du film.

Le montage est par moment étrangement elliptique: ainsi, on pose comme un enjeu la mission de Jed d'escorter seul le patibulaire Suédois d'une ville à l'autre pour que le trajet soit occulté. On préfère judicieusement se consacrer aux scènes impliquant ses lyncheurs mais le saut est un poil étranger. Les péripéties du voyage de Jed en compagnie de Miller et des deux frères voleurs de bétail prennent un détour vers un cadre désertique que l'on n'avait pas l'impression que Jed avait dû franchir à l'allé, donnant en curieux sentiment de désorientation et un aspect parfois décousu au déroulement de l'action. Le film est à son meilleur quand il prend son temps. La scène la plus mémorable est ainsi celle de la pendaison multiple, véritable spectacle populaire dans laquelle un prédicateur mène le show. Le thème de l'opposition entre justice et vengeance est aussi développé à travers les différents personnages, les oppositions entre la justice personnelle des lyncheurs, celle légitime du juge Felton et les envies de vengeance de Jed envers les premiers, contrecarrées par les avertissements du deuxième. Une opposition simple mais l'intrigue brouille les pistes.

Jed pourrait facilement se transformer en ange de la mort mais résiste vite à ses pulsions et prend même la défense de véritables voleurs de bétail, lui qui a failli y laisser la vie quand on l'a accusé du crime d'un autre. Le juge, figure tout d'abord raisonnable et compréhensive, devient inquiétant alors qu'on le découvre intransigeant et très enclin à envoyer à la potence des prisonniers à qui qu'une peine de prison suffirait. Pourtant, il n'est pas non plus dépeint comme un monstre sadique mais un homme isolé, seul représentant de l'autorité dans un territoire qui en manque cruellement et qui doit prendre des décisions fortes pour ne pas passer pour un laxiste. Lui-même reconnait qu'il possède trop de pouvoir pour un seul homme et ne serait pas contre le partager et se décharger de certaines décisions sur des collègues que le gouvernement de Washington rechigne à lui envoyer. Quand à Rachel Warren, dont Jed se rapproche, elle a aussi sa quête de justice ou de vengeance, guettant parmi les prisonniers ramenés par les marshals ses agresseurs et assassins de son mari mais le film s'achèvera avant qu'elle trouve l'une ou l'autre. La conclusion se refuse à boucler de manière satisfaisante et heureuse chacune de ses intrigues, ce qui aurait paru trop simpliste.

Dans le rôle principal, Clint Eastwood joue sa partition avec assurance, pas trop dépaysé en taiseux doué pour tuer mais plus tourmenté que sous le poncho de l'Homme sans Nom. On croise nombre de seconds rôles, habitués du genre comme Ben Johnson en marshal hélas trop peu présent (dans un film au déroulement plus traditionnel il aurait pu servir de mentor au héros mais il n'en est rien) ou encore un jeune Dennis Hopper dans un bref rôle, ô surprise, d'allumé. C'est cependant Pat Hingle, plus connu comme commissaire Gordon des Batman de Tim Burton et Joel Schumacher, qui hérite du personnage le plus complexe, le juge Felton, ambivalent, par moment bienveillant, par moment terrifiant, et qui illustre le mieux les atouts du film.

D'aspect modeste, à la croisée entre western américain et italien, Pendez-les haut et court ne semble qu'un simple véhicule pour lancer une carrière de tête d'affiche aux États-Unis pour Clint Easwood sans prendre trop de risques. Il se révèle une bonne surprise dans sa volonté d'aborder les thèmes de justice et de vengeance sur des territoires encore sauvages sans simplisme et facilités.
potion préparée par Zakath Nath, le Jeudi 9 Mai 2024, 19:20bouillonnant dans le chaudron "Films".