Au début du XVIIIe siècle, Nell Jackson revient auprès de sa famille après avoir perdu son mari au front. Lorsque son père est tué par Thomas Blacheford, fils du seigneur local, et qu'elle se retrouve accusée de meurtre, Nell doit fuir et devient bandit de grand chemin. Elle peut cependant compter sur l'aide de l'esprit Billy Blind qui lui accorde force et rapidité surhumaines lorsqu'elle est en danger.

Après avoir développé les remarquables et remarquées séries Happy Valley et Gentleman Jack pour la BBC, Sally Wainwright revient avec sa nouvelle création, Renegade Nell ou Nell rebelle pour les francophones, cette fois-ci pour le compte de Disney+, décidément que va-t-il rester à la BBC. Comme dans Gentleman Jack, on suit les aventures d'une femme iconoclaste dans une Angleterre emperruquée mais ici il ne s'agit point d'un biopic, aussi rock n' roll soit-il: bien qu'inspirée de vraies brigandes de grands chemins, Nell Jackson est un produit de pure fiction, dotée de pouvoirs magiques qui plus est. Ou plutôt, dotée d'un lutin qui lui donne des capacités surhumaines pour la bonne cause. Elle en aura bien besoin pour lutter contre de fourbes aristocrates qui s'adonnent à la magie noire pour orienter la destinée du pays.

Il y a là les bases pour bien s'amuser et de fait, on s'amuse pas mal à voir Nell rosser ses adversaires, braquer des carrosses mais surtout clamer son innocence alors qu'elle est accusée du meurtre d'un hobereau local, en fait tué par son propre fils Thomas avide d'hériter et qui agit sur les conseils du mystérieux Comte de Poynton, proche conseiller de la reine Anne et mage maléfique à ses heures. Sous la gaité apparente, il y a le message social commun aux bandits sympathiques depuis Robin des Bois: les ressources ne devraient pas être concentrées aux mains d'une élite, redistribuons que diable. Cela ne va pas chercher bien loin mais ce n'est pas assené lourdement, tout comme les envies d'émancipation féminine, que ce soit celles de Nell qui s'attarde guère sur son mariage que l'on devine peu heureux, de Sofia Wilmot, sœur de Thomas également veuve et qui a besoin d'un pouvoir propre alors qu'elle ne peut hériter de terres qu'elle gérerait autrement mieux que son frère débauché ou même la romantique Polly Honeycombe. Les alliés de Nell sont savoureux, en particulier Charles Devereux/Isambard Tulley, officiellement aristocrate décavé, officieusement aussi bandit de grand chemin. Quant à ses adversaires, Nell doit surtout craindre Robert Hennessey, comte de Poynton mais a aussi fort à faire face à une magnat de la presse ou encore n'importe qui souhaitant toucher la prime sur sa tête.

Principalement destinée à un public adolescent, Nell rebelle en évite certains travers en n'insistant pas sur les romances, celle qui se dessine entre Roxy, la sœur de l'héroïne et Rasselas, ancien valet des Blancheford, est unique et discrète. La série ressemble à un chaînon entre la très familiale Merlin et l'adaptation plus adulte de Jonathan Strange & Mr Norrell (quand la BBC produisait encore de la fantasy...) mais il en résulte un aspect parfois bancal. Par exemple, comme dans Merlin et nombre de séries en costume depuis lors, on opte pour un casting color blind où ce que peut apporter un acteur au rôle importe davantage que sa couleur de peau, sans que cela importe dans le récit... mais parallèlement à cela Rasselas est une victime de la traite au sein d'une intrigue qui évoque le personnage de Stephen Black dans Jonathan Strange & Mr Norrell, privé de son vrai nom. Le manque de choix entre deux partis-pris contradictoires est un peu perturbant. Si la scénariste a recours à des éléments du folklore anglais comme Billy Blind ou Herne le Chasseur, l'utilisation de la magie reste souvent floue pour être employée selon les besoins, comme les pouvoirs de Roxy ou l'intervention en chanson de George lors de l'avant-dernier épisode pour contrer une menace, solution qui sort de nulle part. De plus, avec un nombre conséquent de personnages, certains restent de côté trop longtemps comme Thomas, déclencheur de tous les ennuis qui est vite très effacé tandis que Poynton et Sofia deviennent les principaux antagonistes. Devereux reste aussi en prison un peu trop longtemps à mon goût. L'ambition finale du méchant manque également d'ampleur par rapport à ce que ses pouvoirs laissaient espérer, l'intention de rester dans un cadre historique connu (ici, une tentative de restauration jacobite) limite les enjeux.

Heureusement, la bonne humeur ambiante permet de surmonter ses écueils et la distribution y est pour beaucoup. Louisa Harland, surtout connue comme la lunaire Orla de Derry Girls, porte une bonne partie de la série sur ses épaules dans le rôle principal, jamais agaçante comme un personnage sûr de lui, n'en faisant qu'à sa tête et plus fort que les autres peut vite le devenir. Frank Dillane, que je n'avais pas revu depuis qu'il avait incarné Tom Jedusor adolescent dans Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé, se révèle très drôle en allié/rival maniéré, tout comme Ashna Rabheru en rêveuse pas insensible aux charmes de Nell tandis qu'Adrian Lester est aussi distingué qu'inquiétant dans le rôle de Poynton. Jake Dunn et Alice Kremelberg sont crédibles en frère et soeur et la seconde n'a pas été sans m'évoquer Katie McGrath dans Merlin, que ce soit physiquement ou dans le parcours de son personnage mais heureusement pas dans son jeu d'actrice. On croise aussi Pip Torrens, Joely Richardson ou encore Jodhi May le temps de quelques épisodes.

Nell rebelle repose sur des bases encore branlantes et peu étoffées par rapport à un Carnival Row par exemple malgré les défauts de cette dernière série, ou pour rivaliser avec Jonathan Strange & Mr Norrell pour revenir sur une autre plongée dans la fantasy anglaise où Histoire et magie se mêlaient. La série s'avère néanmoins une excellente surprise notamment grâce à l'abattage de ses comédiens et un bon esprit communicatif. Bien qu'une deuxième saison soit déjà envisagée, elle a en plus l'avantage de boucler son intrigue à l'issue du dernier épisode.