À Venise, au début du XVIIe siècle, Thene, fille de marchand mal mariée à un aristocrate décavé, pénètre dans la Maison des Jeux: dans la Basse Loge, on joue de l'argent. La Haute Loge accueille des enjeux plus conséquents et moins matériels. Thene y voit l'occasion d'y gagner sa liberté mais pour être admise, elle va devoir remporter une partie des plus délicates.

La collection Une Heure Lumière aux éditions Le Belial propose de courts romans ou de longues nouvelles. Cela peut-être la réédition de classiques oubliés au profit d'adaptations plus célèbres comme La Chose de John W. Campbell ou les œuvres d'auteurs plus récents mais qui ont déjà eu l'occasion de se faire remarquer. C'est le cas ici avec Claire North, de son vrai nom Catherine Webb. Déjà primée pour son roman Les Quinze Premières Vies d'Harry August, sa trilogie de La Maison des Jeux arrivait entourée d'échos très élogieux. Eeeet encore une fois je me retrouve à ne pas m'enthousiasmer autant que je le voudrais pour un roman récent qui pourtant n'est pas sans qualités ni recherche, ce qui me pose plus question sur mes goûts et mes attentes ces dernières années que sur l'évolution de la littérature de l'imaginaire.

L'univers présenté ou en tout cas entraperçu pour l'instant est séduisant. Il faut dire que Venise se prête bien aux mystères et aux dissimulations bien que la Cité des Doges ne soient le cadre que de ce tome-ci. La Maison des Jeux, casino classique dans sa Basse Loge mais au fonctionnement qui laisse bien des possibilités dans la Haute donne envie d'être explorée mais encore faut-il y entrer et Thene est celle que l'on va suivre dans sa tentative. Pour y parvenir, elle va devoir se plonger dans la politique vénitienne en faisant remporter une élection à l'homme qu'on lui a assigné, en évitant les pièges de ses rivaux tout en tendant discrètement les siens. Plusieurs parties se jouent en réalité et la joueuse va devoir prendre en compte bien des facteurs pour parvenir à ses fins. Alors qu'elle doit utiliser plusieurs personnes comme des pièces, elle ne devra pas perdre de vue le facteur humain qui vient se nicher dans les endroits les plus improbables. En moins de 200 pages, Claire North tisse son intrigue et on est emporté dans la partie, vite conscients que la Maison des Jeux cache encore bien le sien, avec des personnages tous plus mystérieux les uns que les autres comme Argent ou la Maîtresse des Jeux. Thene est plus classique dans ses motivations, femme intelligente affligée d'un mari bon à rien et infect bizarrement éjecté au travers d'une ellipse mais peut-être n'en demandait-il pas plus. Alors d'où viennent mes réserves? Du style, principalement. Je suis généralement rétive au présent de narration et la manière d'user du "vous" et du "nous" me paraissait très artificielle, comme pour me forcer à regarder à un endroit plutôt qu'un autre alors que c'est de toute façon ce que fait tout écrivain sans avoir forcément besoin de l'annoncer.

Je me fais donc toujours l'effet d'être une Béotienne qui râle devant un style travaillé et d'un monde plus original que ce que propose la fantasy à papa mais c'est ainsi. Pour autant, Le Serpent est une ouverture accrocheuse dans son concept et qui donne envie dans savoir plus sur la Maison, son fonctionnement et ses ennemis.