Paul Atréides est désormais l'Empereur Muad'Dib et après douze ans de guerre à la tête des Fremens, a rassemblé l'univers connu sous sa bannière. Malgré ses dons de prescience, il ne peut voir tous les complots qui l'entourent, fomentés par ses nombreux ennemis, certains connus, d'autres plus proches qu'il ne le pense.

La lecture du premier tome de Dune il y a quelques années après en avoir lu la moitié adolescente (à l'époque où l'édition poche divisait le roman en deux parties) s'était soldée par un sentiment mitigé: j'avais bien conscience de voir se déployer un univers complexe et fascinant qui ne livrait pas encore tous ses secrets mais le style m'avait rebutée et je trouvais les personnages trop distants pour m'émouvoir de leur sort. La relecture récente suite au visionnage du dernier film de Denis Villeneuve a été bénéfique, si je ne suis toujours pas aussi investie que je pourrais l'être devant ce que propose l’œuvre, la prose de Frank Herbert est mieux passée et j'ai davantage apprécié certaines subtilités de l'histoire de l'ascension de Paul, loin d'un parcours d'Élu idéalisé. Enchaînement donc sur la suite, Le Messie de Dune, le volume précédent s'achevant pour le moins abruptement.

Herbert est friand d'ellipses et ne se fatigue pas à nous décrire les douze ans de jihad mené par Paul et les Frémens, le résultat important plus qu'une succession de massacres. Paul est désormais empereur et si l'on comprend ce qui l'a mené là, on peut se demander s'il marque un vrai progrès par rapport à Shadamm IV après avoir annihilé des planètes entières. Certes, la vie sur Arrakis est plus confortable avec davantage de moyens déployés pour la rendre moins sèche même si cela impacte l'écosystème en place avec des conséquences sur les vers. Cela ne lui vaut pas une gratitude universelle, certains Fremens regrettent les changements et l’amollissement de leur condition, revenant même à des traditions interdites comme des sacrifices dont on ne saura pas grand chose. Quant à Paul, considéré comme un Dieu, il découvre que ce statut n'est pas aisé à endosser, attend un héritier de sa concubine Chani et méprise Irulan, épousée pour des raisons politiques. C'est dans ce contexte que se noue un complot contre lui, impliquant notamment la Révérende Mère Gaius Helen Mohiam, un membre de la Guilde nommé Edric et un parti encore jamais évoqué, celui du Bene Tleilax représenté par le danseur-Visage Scytale, capable d'adopter l'apparence d'autres humains.

Cet ordre amène des développements nouveaux notamment au travers des Gholas, des sortes de clones ici représentés par Hayt, autrefois Duncan Idaho, cadeau empoisonné que l'on offre à un Paul pas vraiment dupe. Beaucoup plus ramassé que le tome précédent et plus chiche en rebondissements, Le Messie de Dune continue d'intriguer grâce à ses nouveaux concepts et à la position de Paul et Alia, enfermés dans un rôle pesant, prescients dans une certaine mesure ce qui ne les aide pas forcément face aux dangers qui s'annoncent ou qui au contraire ne s'annoncent pas. On philosophe sur l'existence, l'identité à travers Hayt/Idaho, on conserve un fond de tragédie grecque avec ces personnages qui se dépatouillent face à des attentes démesurées, un avenir qu'ils cherchent à éviter et peu à peu, Paul et Alia parviennent même à émouvoir. Reste que la narration reste déconcertante, n'appuyant pas toujours où on l'attendrait avec beaucoup d'évolutions hors-champs (le revirement final d'Irulan annoncé entre la poire et le fromage par exemple).

Le Messie de Dune continue de développer un monde vaste et fascinant à défaut d'être réconfortant, l'enrichissant de nouvelles idées tout en restant globalement froid malgré la température locale, explorant les conséquences de la victoire d'un Élu qui n'aura pas vraiment apporté des lendemains qui chantent mais dont le rôle semble revêtir une utilité cosmique à très long terme.