Au début des années 20, le peuple osage bénéficie d'une prospérité inédite. Le terrain aride de l’Oklahoma qu'on leur a attribué comme réserve est riche en pétrole et l'autorisation aux compagnies d'exploiter son sous-sol lui rapporte une confortablement rente. Une série de meurtres plonge alors la communauté dans la terreur et devant l'impuissance et la corruption des autorités locales, J. Edgar Hoover, avide de démontrer l'efficacité de son Bureau d'Investigations, envoie sur place un agent, Tom White, pour démasquer les coupables.

Il faudra attendre l'automne pour espérer voir sur grand écran Killers of the Flower Moon, le prochain film de Martin Scorsese au casting prestigieux. Cela laisse largement le temps pour se plonger dans le livre-enquête de David Grann qui a servi de base au scénario. Dans celui-ci, l'auteur se penche sur le Règne de la terreur, plusieurs années marquées par une vague de meurtres visant les Osages, propriétaires de terrains pétrolifères. Il nous relate les premiers meurtres et les investigations n'aboutissant à rien de probant par un mélange de manque de moyens d'enquêteurs dotés de bonne volonté et de sabotage. Il s'attache surtout aux pas de Molly Burkhart, mariée au neveu de William Hale, un ancien cow-boy devenu l'un des hommes les plus importants du comté, qui voit sa famille disparaître peu à peu de manière violente. Puis vient la prise en main de l'enquête par Tom White et une poignée d'hommes venus incognito se mêler à la population, les premières révélations, le sort des personnes impliquées dans l'affaire et enfin, dans les derniers chapitres, les propres recherches de Grann pour compléter les zones d'ombres d'un des succès fondateurs de ce qui donnera le FBI.

On découvre les conditions de vie du peuple Osage, au premier abord chanceux par rapport aux autres tribus cantonnées dans les réserves: le pétrole leur apporte des milliers de dollars annuels, leur permettant de rouler dans de belles voitures, de construire de belles maisons et même d'étudier dans des universités prestigieuses. Cette opulence excite forcément l'avidité et la jalousie, aussi est-on horrifié devant les meurtres en série qui les visent mais pas étonné. Assassinats par balles, empoisonnements, et à une reprise attentat à l'explosif, tous les moyens sont bons pour terroriser et éliminer les Osages. Le commanditaire démasqué et condamné par un témoignage accablant obtenu de haute lutte réconforte à peine. La réussite de l'enquête dont est chargé l'intègre Tom White satisfait les ambitions de Hoover, qui ne se montrera guère reconnaissant envers son subalterne mais ne montre que la partie émergée de l'iceberg et si l'on compte officiellement 24 victimes durant ce Règne de la terreur, Grann montre ensuite que celui-ci a duré bien plus longtemps, fait bien plus de victimes et impliqués bien plus de monde qu'un simple notable diabolique.

En effet, si les Métisses avaient le droit de dépenser leur fortune à leur guise, les autres Osages étaient automatiquement dotés d'un curateur souvent malhonnête, qui dans le meilleur des cas détournait une partie de leur argent, dans le pire se débarrassait de ses charges plus ou moins directement, en leur refusant un accès à des soins nécessaires ou en les faisant carrément tuer. Les mariages d'intérêt débouchaient parfois sur le meurtre d'une compagne ou d'un compagnon voire d'enfants ou de neveux et chaque page est plus glaçante que la suivante à mesure qu'on réalise que nombreux sont les Osages qui descendent de victimes des meurtres mais parfois aussi de coupables ou de commanditaires.

David Grann dépeint avec brio un Far-West que l'on pensait alors disparu mais où bandits et riches propriétaires terriens prêts à tout sévissent encore pour s'approprier les ressources des Osages dans un parfait mélange de rapacité, de racisme et de cynisme.