Au sud, Arbonne, où l'on révère les musiciens, l'amour courtois et la déesse Rian. Au nord, le Gorhaut, pays où l'on adore le dieu belliqueux Corannos, où règne Adémar, un roi brutal contrôlé par un chef du clergé fanatique et où les femmes n'ont aucun droit. Les deux nations, irréconciliables, sont proches de la guerre mais un mercenaire du Gorhaut qui a trouvé emploi en Arbonne va peut-être changer la donne.

Guy Gavriel Kay n'est pas un auteur dont je dévore les romans à la chaîne et pourtant, hors La Tapisserie de Fionavar, il ne m'a jamais déçue. Quand à cette trilogie, c'était sa première œuvre et il n'avait pas encore trouvé le créneau qui allait être le sien: passé le plongeon dans la high-fantasy, il a préféré se consacrer à une fantasy pseudo-historique. L'univers est imaginaire mais les cultures dépeintes sont fortement inspirées, pour ne pas dire décalquées, de civilisations ayant existé; la magie est rare, diffuse, ambiguë; les créatures magiques généralement absentes.

Après l'Espagne de la Reconquista dans Les Lions d'Al-Rassan ou l'Empire byzantin de La Mosaïque de Sarance, Kay nous emmène en Arbonne basée sur le sud de la France, le Pays d'Oc où les troubadours et les ménestrels sont particulièrement prisés et où une noble dame dirige une Cour d'Amour en parallèle au pouvoir en place. Un petit Paradis par rapport au Gorhaut, pays froid et dur dirigé par des fanatiques et un roi bestial? Il y fait mieux vivre, surtout si l'on est une femme, mais on perçoit vite qu'il y a de quoi temporiser: les haines et les complots ne sont pas choses inconnues des Arbonnais, pas plus que les mariages politiques qui laissent peu de place à la romance. Blaise, guerrier du Gorhaut déconcerté et énervé par ces mœurs, va pourtant se faire sa place en Arbonne en se liant à Bertran, un guerrier autant qu'un troubadour. On plonge avec plaisir dans cette France méridionale fantasmée tandis que le Gorhaut est dépeint comme un endroit affreux. L'introduction d'Adémar est à ce titre caricaturale même si les autres ressortissants de ce pays sont plus nuancés. Nombre de personnages réservent de jolies surprises jusqu'à une bataille finale où tout le monde à l'occasion de démontrer de quel bois il est fait.

Les premiers chapitres demandent un peu de patience: les protagonistes sont nombreux et ne se dessinent que progressivement. La Chanson d'Arbonne finit néanmoins par emporter dans un tourbillon épique et poétique.