Henry Cargate est l'homme le moins populaire du village de Great Barwick, aussi sa mort n'attriste personne même quand l'on découvre qu'il s'agit d'un assassinat. Néanmoins, justice doit être faite et douze jurés vont décider du sort de la personne dans le box des accusées. Mais qui est-ce, parmi les quatre suspects qui se sont détachés durant l'enquête de l'inspecteur Fenby?

Il n'est pas rare, dans les whodunit de l'âge d'or du roman à mystère, que la victime soit parfaitement imbuvable. Le but n'est pas de donner au lecteur loisir de la plaindre mais de se demander qui a pu faire le coup et bien entendu, plus quelqu'un est odieux, plus cela donne des motivations pour s'en débarrasser. Plus rarement se pose-t-on des questions morales à ce sujet, il est généralement clair que peu importe ce qu'a pu être et a pu faire le défunt, tuer c'est mal et on ne règle pas ses problèmes par le meurtre. Le Crime de l'Orient-Express fait partie des romans du genre qui se confrontent à ce sujet, Excellent Intentions également bien que cela ne soit pas son seul point remarquable.

Une fois n'est pas coutume, on commence lors du procès alors que les romans de ce type se finissent généralement sur l'arrestation du ou de la coupable démasqué(e). Le suspense tient pendant un moment au sujet de l'identité du personnage jugé. Les interventions du procureur et des témoins permettent de revenir en arrière pour découvrir les circonstances de la mort de Cargate, et les suspects: sa secrétaire, son majordome, le pasteur du village et un expert en timbres qui a de bonnes raisons de penser que Cargate était un faussaire. L'enquête elle-même n'a rien de particulièrement notable, l'intérêt du roman tient donc en grande partie dans sa construction, alternant le déroulement de l'investigation et les interventions du procureur, du juge, de l'avocat... Et quand on connait l'identité de la personne accusée, reste encore aux jurés de décider si elle est coupable ou non... avec une petite pirouette finale permettant d'aborder la question morale évoquée plus haut.

Il ne faut donc pas aborder Excellent Intentions en espérant suivre une enquête particulièrement complexe et être épaté au moment où on dévoile qui a tué Cargate. Richard Hull parvient à tirer son épingle du jeu en l'abordant sous un angle plus original que d'habitude, évitant ce qui n'aurait pu être qu'un petit mystère routinier vite oublié.