Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Damaging Winds
En 1822, Anna Rochlitz accompagne son oncle, critique musical, à Vienne, pour y rejoindre son fiancé Otto, musicien et élève du compositeur Carl Maria Von Weber. Elle apprend à son grand déplaisir que son oncle l'a réquisitionnée pour prendre des notes alors qu'il va conduire une série d'entretiens avec le maître de chapelle Antonio Salieri. Admiratrice de Mozart et de la musique allemande en général, elle n'a guère envie de fréquenter celui dont on dit qu'il a empoisonné son idole. Elle finit cependant par y voir l'opportunité de découvrir ce que l'Italien a vraiment fait pour nuire au génie de Salzbourg.

En général, je ne lis ni ne commente les romans publiés hors du circuit traditionnel. Je fais une exception avec celui-ci, gracieusement téléchargeable, car le thème m'intéressait particulièrement et qu'un rapide survol me laissait penser que le texte n'avait pas été écrit par-dessus la jambe. Son auteur, Ian Kyer, a une formation d'historien mais est devenu avocat de profession. Il s'est penché depuis plusieurs années sur le cas d'Antonio Salieri, au point d'envisager une biographie classique avant de s'orienter vers un récit fictif mais qui permettrait d'évoquer les points importants de la vie du compositeur, et surtout de prendre sa défense, car c'est de cela que traite Damaging Winds: sur quelles bases ce musicien autrefois populaire et respecté est devenu en l'espace de quelques années et pour encore un bail semble-t-il l'incarnation de la jalousie maladive et peut-être même meurtrière, et qu'a-t-il bien pu se passer vraiment entre lui et Mozart pour que leurs relations aient pu être ainsi interprétées?

Le choix de placer l'essentiel de l'intrigue en 1822 est pertinent: le maestro est encore en pleine possession de ses moyens mais bien qu'encore pédagogue recherché et influent, ses compositions sont passées de mode alors que Mozart a atteint un statut d’icône et que l'on croise à Vienne Rossini en tournée mais surtout Beethoven, Schubert, et un tout jeune Liszt. L'héroïne, Anna, est fictive mais son oncle Rochlitz a existé. On lui doit le récit d'une rencontre avec Salieri à cette période dont a découlé un portrait sympathique, repris dans le roman. Hélas, il fut aussi responsable de quelques mythes mozartiens qui ont encore la vie dure comme la capacité surnaturelle de Wolfgang à composer sans effort, portant sur le papier le produit déjà fini dans sa tête. Il ne sera pas question de cela ici, le bonhomme est surtout une porte d'entrée pour que le personnage principal se trouve en contact régulier avec Salieri. Consciente de la réputation de ce dernier et de ce fait hostile au persécuteur de Mozart, Anna pense néanmoins qu'elle aura l'occasion de l'amener à se trahir et va mener sa petite enquête pour déterminer s'il s'agit d'un assassin ou tout du moins d'un triste sire qui a empoisonné la vie de son jeune collègue métaphoriquement. On sent la formation d'avocat de l'auteur: on commence avec les charges, puis Anna aura l'occasion d'entendre le suspect, différents témoins, chaque information sera examinée sous divers angles... Heureusement, l'intrigue avance de manière naturelle, on alterne entre les entretiens avec Salieri et des rencontres avec diverses connaissances, notamment d'anciens élèves tels que Beethoven, Schubert ou le propre fils de Mozart, Franz-Xaver. Pour peu que l'on ait fait soi-même ses recherches, on voit d'où Kyer tire ses informations et les personnages ressortent parfois tel quel des propos qu'ils auront laissé à la postérité. Le procédé est donc un peu artificiel, parfois répétitif et l'on se dit devant certaines coquilles ou de petits anachronismes qu'un travail éditorial plus solide aurait gommé certains défauts.

Anna, par exemple, semble un peu butée. Elle n'est pas idiote, a la naïveté et les présupposés de la jeunesse. Toute la difficulté réside à ne pas la montrer tomber trop vite sous le charme du gentil petit vieux ravi de raconter sa vie (mais qui esquive souvent le sujet de Mozart) sans qu'elle paraisse trop bornée à voir en lui un horrible bonhomme alors que les témoignages du contraire affluent. Dans l'ensemble, c'est bien géré même si certaines "rechutes" paraissent peu crédibles. Kyer parvient néanmoins à dresser des portraits vivants de certaines personnalités comme le pauvre FX Mozart écrasé par un père qu'il n'a pas connu, le susceptible Beethoven et surtout Salieri, aimable (un peu trop lors de sa première rencontre avec Anna, d'ailleurs), très loquace mais aussi susceptible et potentiellement dépressif.

Sur une intrigue-prétexte, Ian Kyer a bâti un petit roman qui n'est pas dépourvu de maladresses mais synthétise de manière ludique les arguments pour la défense de l'accusé Salieri tout en nous plongeant dans une Vienne où se croisent tous les grands noms de la musique de l'époque. Pas difficile de comprendre à cette lecture ce que le compositeur peut avoir de fascinant, sans même parler de son œuvre, par le fait même qu'il a pu être en contact avec tout un monde qui aura marqué l'Histoire et pas seulement celle de la musique (c'en est même délirant par moment), tout comme il est fascinant (et inquiétant) de constater le pouvoir de vilaines rumeurs et des légendes que l'on estime plus belles, ou en tout cas ici plus sensationnelles que la réalité.
potion préparée par Zakath Nath, le Mardi 20 Août 2024, 19:02bouillonnant dans le chaudron "Littérature".