Écrivain à succès, Mike Noonan devient incapable d'écrire une ligne après le décès brutal de sa femme. Il décide de passer quelques temps à Sara Laughs, leur maison de campagne située près d'un lac mais l'ambiance n'y est plus la même, comme si une présence hantait les lieux. Mike fait également la connaissance de Mattie, une jeune veuve dont le richissime beau-père veut obtenir la garde de sa fille Kyra par tous les moyens. Mike décide d'aider la jeune femme sans se douter qu'il va mettre à jour une vérité terrifiante.

Entre 12 et 16 ans, Stephen King était mon écrivain préféré, dont je lisais tous les livres disponibles au CDI et à la bibliothèque, les romans parus dans les années 70 et 80, principalement. Alors que le XXIe siècle approchait néanmoins, je goûtais beaucoup moins ses dernières œuvres: Désolation m'avait déconcertée, Insomnie et Rose Madder copieusement ennuyée au point d'en lire la fin en diagonale et plus tard, La Petite fille qui aimait Tom Gordon et Territoire, triste suite de Talisman, m'ont convaincue de lâcher l'affaire et de m'en tenir aux vieilleries (seule exception depuis: les derniers volumes de La Tour sombre). De cette époque ne surnageait que La Ligne verte et Sac d'Os qui dans mon esprit était "le dernier King que j'ai apprécié (une époque où le traducteur jugeait nécessaire d'ajouter une note de bas de page pour expliquer aux Français qui est Donald Trump).

J'étais donc curieuse de le relire et autant le dire, ça a été une petite déconvenue. Pas totale toutefois. Les premiers phénomènes inquiétants dans la maison, l'ambiance autour de ce lac, ces passages font frissonner comme il se doit. L'idée d'une mauvaise conscience collective suite au crime originel qui vire presque à la télépathie est un ajout intéressant à la traditionnelle histoire de secret honteux et ancien qu'abrite une communauté campagnarde et Max Devory et Rogette sont terrifiants (à ce sujet j'ai grillé quelque chose très vite mais peut-être est-ce un souvenir enfoui de ma lecture il y a plus de vingt ans qui a ressurgi). Le drame à une centaine de pages de la fin, alors que tout semblait s'arranger mais que l'on se doutait que c'était trop beau pour durer, est percutant à souhait.

Puis il y a le reste. Noonan, énième auteur à succès de romans commerciaux mais cultivé ayant essuyé le mépris de son prof de littérature, bref, énième avatar de King, n'arrive pas à être sympathique sans que cela semble volontaire, et connaissant ce qui allait se passer, une réflexion de Johanna lors de la première incursion de son mari dans le passé m'est franchement restée en travers de la gorge. De plus, un des éléments que j'apprécie dans les histoires de fantômes est la découverte par le protagoniste de ce qui hante les lieux et pourquoi. Les recherches, les témoignages. Or ici, le travail a été fait par quelqu'un d'autre et Mike n'en grappille que quelques éléments, l'essentiel nous est transmis par l'esprit du flashback (et je me souvenais d'une scène éprouvante mais pas aussi longue et détaillée) puis dans l'épilogue par une longue explication trouvée par Mike dans des notes après-coup. Ce n'est pas la manière la plus excitante de découvrir des secrets et d'avoir des révélations. Enfin, alors que la résolution d'un dilemme me paraissait extrêmement facile, Noonan y fait lui-même référence à la fin. On peut dire que King faisait du méta avant que ce ne soit la mode mais comme souvent quand on y a recours, j'ai tendance à y voir du cynisme, ce qui n'arrange pas le tableau.

Il y a des passages réussis et le souvenir positif que j'avais du roman provient peut-être du fait que contrairement à d'autres de la même période, je trouve qu'il se lit d'une traite mais le bon est trop dilué pour totalement ressortir. Il ne fallait peut-être pas retourner à Sara Laughs.