Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Les Larmes du Tigre Noir
Dum, fils de paysans, est devenu le bras droit du bandit Faï sous le surnom de Tigre Noir mais ne rêve que de s'enfuir avec son grand amour, Rumpoye, la fille du gouverneur de la Province. Alors qu'il rate le rendez-vous qu'ils s'étaient fixés, elle se résigne à épouser le capitaine Kumjorn, qui a découvert le repère de Faï.

En 2002, peut-être en allant voir Les Deux Tours au cinéma, je ne sais plus trop de quel film il s'agissait mais je me souviens de la salle, j'avais vu la bande-annonce des Larmes du Tigre Noir, des images improbables d'un western thaïlandais aux couleurs pétantes, narrée par une voix nasillarde à l'ancienne qui promettait de l'action et de la passion. Hélas, une fois le film sorti, pas moyen de le voir et ce n'est qu'à la faveur d'une confortable cagnotte sur Rakuten que je me suis rappelée son existence en me disant que s'il était disponible en dvd d'occasion, ce serait enfin l'opportunité de voir la bête de plus près. Dont acte.

Premier film de Wisit Sasanatieng, Les Larmes du Tigre Noir est un mélange de western tendance spaghetti sauce bolognaise et de grand mélodrame en technicolor, avec du gore qui tache, des sentiments exacerbés, un ton parfois rigolard, parfois totalement premier degré, un jeu d'acteurs théâtral hormis celui de l'acteur principal qui sous-joue au maximum. Bref, un mix très improbable mais qui offre une expérience visuelle tellement remarquable que l'attention est tout de suite mobilisée. Il y a un évident hommage au cinéma que Sasanatieng aimait regarder plus jeune, avec des paysages évoquant des chromos un peu délavé et une histoire simple, pour ne pas dire naïve avec des personnages tout d'une pièce: le héros tourmenté as du révolver, le rival jaloux, la bien-aimée riche un peu peste au début et demoiselle en détresse tout du long qui bien sûr ne se confie qu'à sa nounou, le fiancé insistant, le gouverneur bonasse... Et une musique d'Amornbhong Methakunavudh qui lorgne aussi bien du côté d'Et pour quelques dollars de plus que de la Symphonie du Nouveau Monde, le tout réorchestré par ses bons soins.

On pensera donc forcément à un cinéma bis qui a fait le bonheur des salles de quartiers dans les années 60 mais certains décors pastels dans lesquels évoluent les personnages font aussi penser à ce qui va devenir au fil du temps la marque de fabrique de Wes Anderson. Le caractère improbable fait que l'on s'amuse et que l'on attend ce que la scène suivante peut bien réserver, chaque plan est un tableau qui suscite l'admiration mais on sent aussi la volonté de Sasanatieng d'offrir le plus possible, quitte à ce que cela se retourne contre lui tellement il essaie un peu tout avant de passer à autre chose: repasser une scène au ralenti pour qu'on en saisisse les subtilités, coller un effet de pellicule abimée, filmer l'arrivée d'un train comme au temps du muet... C'est amusant mais il manque finalement une unité, comme si chaque scène était pensée indépendamment, au gré des idées. De plus, les personnages réduits à un pur archétype finissent par être creux et l'histoire d'amour contrariée de Dum et Rumpoye peine à émouvoir alors qu'elle est au cœur du récit.

Les acteurs sont tous bien dans ce qu'on leur demande de faire: avec chacun un personnage très typé, leur jeu l'est aussi et le cabotinage de certains, notamment Supakorn Kitsuwon dans le rôle du rival Mahesuan au lever de sourcil systématique, est parfaitement justifié et passe à merveille. Cependant, on sent encore une fois les limites de l'exercice, Stella Malucchi, mannequin italo-colombienne installée en Thaïlande dont c'était le premier et avant-dernier rôle au cinéma, est par exemple sublime mais elle est cantonnée à l'être de manière hiératique ou à crier à l'aide.

Souvent jouissif par sa splendeur visuelle et son grand-n'importe quoi assumé, Les Larmes du Tigre Noir est un film totalement incongru, une rareté qui ne demande qu'à être plus connue. Il est dommage toutefois que malgré ses atouts on peine à s'impliquer dans une intrigue qui semble tenir du prétexte nécessaire pour passer d'un tableau magnifique à l'autre.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 1 Octobre 2023, 14:50bouillonnant dans le chaudron "Films".