Gouverneur de l'Ohio depuis deux ans, Read Cole est candidat à sa réélection. À une semaine du vote, il est menacé d'être détrôné par son adversaire radical. Pour le contrer, Cole va faire un discours susceptible de mettre le feu aux poudres.

Auteur prolifique de romans noirs et de westerns, quand il ne donnait pas un coup de main à Hollywood pour adapter le travail de ses collègues, William R. Burnett signe avec ce King Cole une histoire dans le milieu de la politique où l'on ne croise pas de gangsters et de desperados ce qui n'empêche pas les mises à mort réelles ou symboliques. Cole, gouverneur de l'Ohio, État considéré comme une réserve à président, après avoir fait ses débuts sans succès côté démocrate, a été élu sous l'étiquette républicaine, mais un républicain libéral à une époque où ces créatures existaient encore. Pourtant, après deux ans en poste, il est un mystère pour tout le monde. Tellement dépourvu d'aspérités qu'il est un cauchemar pour les caricaturistes, il s'est à la fois rangé derrière des mesures progressistes et une répression d'émeutes qui risque de lui coûter le vote des fermiers. Les personnalités les plus puissantes et réactionnaires de l'Ohio le trouvent trop mou mais le considèrent comme un moindre mal face à un candidat ouvertement ancré à gauche, Asa Fielding.

Pour le lecteur qui a accès aux pensées de Cole, il est moins mystérieux mais il faut du temps pour le cerner. Tout au plus sait-on au départ qu'il n'aime pas les étrangers. Peu à peu émerge quelqu'un qui joue sur un peu tous les tableaux: calculateur dans sa manière de mener sa campagne, il s'entiche contre toute raison d'une fille de vestiaire qui pourrait causer un scandale tout en faisant la cour à la fille d'un allié politique qui ne sait pas trop où elle habite non plus. Veuf, il a deux enfants au seuil de l'âge adulte et s'amuse plus qu'il ne s'inquiète des atermoiements amoureux de son aînée tout en soutenant son fils face à la hiérarchie de l'école militaire où il se trouve. En pleine époque troublée (le roman a été écrit en 1936 et on croise plusieurs personnages qui font plus que flirter avec le nazisme tandis qu'on agite le spectre du communisme pour décrédibiliser un adversaire) Cole va jouer avec le feu au risque de s'attirer des accusations de fascisme et à l'issue de l'histoire, ce qui ressort c'est que finalement, peu importe ce qu'il pense vraiment au fond de lui-même: il est prêt à tout pour se faire réélire et peut-être à partir de là briguer la Maison Blanche et ce sont moins ses convictions que les compromissions qu'il est capable de faire pour atteindre son but qui le rendent dangereux. L'avertissement de Fielding, dans les dernières pages, est d'ailleurs toujours d'actualité.

De par son sujet, King Cole est moins rempli de chevauchées et de fusillades que les autres romans de Burnett mais il porte un regard féroce sur le monde de la politique américaine des années 30 qui résonne cependant bien au-delà.