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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon
Un commissaire à la tête de la brigade criminelle, sur le point de quitter son poste pour la section politique, assassine sa maîtresse. Il prend soin de laisser derrière lui des indices l'incriminant, convaincu que ses collègues refuseront d'envisager sa culpabilité, et s'amuse à les remettre régulièrement sur sa piste.

Réalisé en 1970 par Elio Petri, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon est le premier volet de ce qui a été considéré plus tard comme une trilogie, la "trilogie des névroses" dont chaque film dépeint une névrose différente (pouvoir ici, travail pour La classe ouvrière va au Paradis, argent pour La propriété c'est plus le vol). Le personnage principal est un commissaire de policerespecté de ses collègues et supérieurs, qui après avoir servi de manière redoutable la brigade criminelle, entend faire de même à la section politique en menant une répression implacable contre les agitateurs et les grévistes. Parallèlement à son goût pour l'ordre, affiché dans un violent discours lors de sa prise de fonction, il entretient une relation avec une maîtresse délurée au cours de laquelle il aime la prendre en photos comme la victime d'affaires de meurtres qui l'ont marqué. Jusqu'au jour où il décide d'en faire un véritable cadavre.

Un mobile simple serait qu'il a découvert qu'elle le trompait avec le voisin du dessus, un jeune anarchiste, et qu'il ne supportait plus ses moqueries mais il agit surtout par sentiment d'impunité, certain que ses collègues chargés de l'enquête balaieront tout élément pouvant le désigner comme le meurtrier. La suite lui donne d'ailleurs raison et on s'amuse presque lors d'une scène où alors qu'il s'est efforcé de laisser ses empreintes partout dans l'appartement, son brave collègue Panunzio va l'assurer que certes, ils s'en sont bien rendus compte mais qu'il n'a pas à s'inquiéter, tout le monde a tripoté des objets en inspectant la scène du crime, ça ne veut donc rien dire. Alors que le commissaire met hors de cause les différents suspects et continue d'aiguiller la police dans sa direction, ses motifs évoluent. Il ne s'agit plus d'un jeu pour prouver qu'il ne risque rien mais un vrai désir d'être démasqué, moins par remord pour son acte que par refus que la police de son pays soit incapable de punir un assassin. Son stratagème se retourne alors contre lui, alors qu'il découvre qu'au fond, son entourage ne souhaite pas forcément, pour des raisons diverses, que sa culpabilité éclate au grand jour.

Sorti dans un contexte politique difficile en Italie, au début des années de plomb, le film illustre bien les inquiétudes du moment et montre les tensions, entre contestations sociales représentées par le personnage du jeune anarchiste Pace, qui a vu par ailleurs le commissaire quitter l'immeuble peu de temps après le meurtre de sa maîtresse, et la répression organisée par ledit commissaire, lié à la presse (il donne régulièrement des tuyaux à un journaliste pour qu'il présente les événements selon sa volonté) et qui n'hésite pas à recourir à la torture lors des interrogatoires qu'il mène. Le thriller politique prend à l'occasion une allure plus étrange. Le film se clôt sur une citation de Kafka mais son nom vient à l'esprit un peu plus tôt quand le commissaire, décidé à se dénoncer, voit en rêve son supérieur et ses collègues refuser d'admettre sa culpabilité, écarter ses raisonnements et les preuves, retournant soigneusement chacune de ses actions pour l'innocenter malgré lui. Les changements de ton, les recours réguliers aux flash-back et une caméra parfois tremblotante parachèvent le sentiment de désorientation alors que les certitudes du personnage en lui-même et en son impunité vacillent.

Pour le rôle principal, Elio Petri a fait appel à son acteur fétiche, Gian Maria Volontè, qui parvient à être à la fois survolté en commissaire paternaliste et extraverti et parfaitement glacial dans sa manière de manipuler son monde, pour finalement devenir pathétique quand il découvre qu'il n'est plus maître de la situation, même quand il veut être puni. Le reste du casting est solide, avec notamment Florinda Bolkan dans le rôle de la sensuelle et libre Augusta qui apparait essentiellement dans des flash-back. Il faut juste s'habituer à une post-synchronisation pas toujours soignée, surtout au début, un écueil des films italiens de l'époque.

Justement récompensé d'un Grand Prix du Jury à Cannes et de l'Oscar du Meilleur film étranger, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon mêle avec une habileté redoutable thriller, satire et réflexion sur le pouvoir et ses abus, le tout soutenu par une rengaine entêtante composée par nul autre qu'Ennio Morricone.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 11 Septembre 2022, 18:26bouillonnant dans le chaudron "Films".