Après la mort de sa femme, Abe s'adonne à la pêche pour lutter contre sa dépression. Il propose à Dan, un collègue qui a perdu récemment sa famille, de l'accompagner. Les deux hommes se livrent à leur paisible passe-temps jusqu'à ce que Dan propose d'essayer un coin nouveau inconnu d'Abe, Dutchman's Creek. Malgré l'histoire terrifiante que leur raconte sur le lieu le patron du restaurant où ils ont leurs habitudes, les deux hommes s'y rendent.

En librairie, difficile de ne pas repérer les exemplaires de The Fisherman avec leur couverture argentée et leurs tranches roses comme celles des vieux Livres de poches. De là à soupçonner J'ai Lu de lorgner vers le succès de la série Blackwater chez Monsieur Toussaint Louverture, il n'y a qu'un pas, d'autant plus qu'il est question ici aussi d'un cours d'eau, des mystérieuses créatures qu'il contient et au destin tourmenté de ceux qui les croisent. Si opportunisme éditorial il y a, il n'empêche pas le roman lui-même de posséder ses qualités propres.

John Langan prend son temps pour poser le décor en présentant le narrateur, Abe, et comment il en est venu à pêcher avec Dan. On ne s'ennuie pas malgré les descriptions de techniques de pêches. Le principal de l'intrigue ne repose pas sur les mésaventures des deux collègues mais sur un long récit enchâssé (Abe raconte comment Howard leur narre une histoire qu'il tient d'un pasteur qui la tient d'une vielle habitante des lieux qui n'a pas assisté à tout et en tient une partie de son futur mari). Dans ce genre de circonstances, on se dit qu'il y a vraiment des gens à la mémoire prodigieuse et qui parlent comme des livres, c'est formidable... Blague à part, Langan nous plonge dans une horreur à l'ancienne avec un mystérieux "Invité" vêtu de noir qui pratique on ne sait quoi dans une vaste demeure et les ouvriers du chantier voisin commencent à en constater et subir les effets. On frissonne à chaque apparition d'Helen tandis que le récit prend un tour plus fantasmagorique lorsque les protagonistes décident de couper le mal à la racine... Mais on comprend que tout ce récit ne va pas suffire à décourager Dan, dont les motivations sont transparentes, d'aller à Dutchman's Creek, pour un résultat aussi prévisible qu'inquiétant. Et alors qu'on aurait pu en rester là, l'auteur arrive encore à endormir la méfiance avant un denier frisson.

Langan tire le meilleur parti du lieu où il a situé l'action qu'il parvient à décrire comme paisible et volontiers enchanteur avant de lui faire prendre un tour plus inquiétant qui fait de The Fisherman un bien joli représentant de l'horreur folk.