Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Nancy Storace, muse de Mozart et de Haydn
Née en 1765 d'un père musicien d'origine italienne et d'une mère anglaise, Ann Selina "Nancy" Storace est formée très tôt au chant. Elle part pour l'Italie où elle rencontre le succès, avant de passer quelques années à Vienne où elle créera notamment le rôle de Susanna dans Les Noces de Figaro. De retour en Angleterre, elle s'illustrera de nouveau tandis que sa vie personnelle fera jaser.

J'avais déjà parlé d'Oublier Mozart, un roman d'Emmanuelle Pesqué où l'on découvrait en parallèle le journal apocryphe de Nancy Storace et les démêlés de son fils naturel Spencer Braham avec de sombres problèmes d'héritage. Un roman très fouillé, très érudit, et pour cause: Emmanuelle Pesqué n'a pas seulement fait des recherches pour documenter sa fiction. Passionnée par son sujet, elle avait déjà écrit une biographie conséquente sur Nancy Storace. Si l'on parle de la cantatrice surtout pour son association avec Mozart, comme finalement beaucoup de gens ayant côtoyé le génie de Salzbourg il n'a constitué qu'une petite partie de sa vie bien remplie.

On suit donc Nancy Storace (dont le diminutif n'a apparemment pas été vraiment employé par son entourage de son vivant... Un peu comme Amadeus qui n'a été popularisé qu'après la mort de Mozart) de ses débuts en Angleterre à son envol en Italie puis ses succès viennois, son retour au bercail. Autour d'elle gravitent une foule de personnalités encore célèbres ou oubliés, en particulier son frère compositeur, Stephen Storace. Sans doute le compositeur qui aura tenu la plus grande place dans sa vie. Comme elle n'est restée que quelques saisons à Vienne, on n'y consacre que quelques chapitres, le temps de tordre le coup à quelques théories ou rumeurs comme une romance avec Mozart: ils semblent partis du mauvais pied avant de se rapprocher suffisamment pour que Mozart envisage de tenter sa chance à Londres mais tout cela semble être resté amical et professionnel. On croise évidemment Joseph II, Salieri, et surtout Da Ponte que l'autrice n'épargne pas. Oserais-je dire que si Mozart avait vécu plus longtemps, il se serait probablement brouillé avec lui, comme tout le monde, et qu'on donnerait un peu moins le beau rôle à l'abbé Lorenzo dans les fictions? Bon, c'est de la pure spéculation romanesque.

Spéculation romanesque qu'évite scrupuleusement Emmanuelle Pesqué. Si le livre comporte son lot d'anecdotes, on fait la part des choses entre l'avéré et la rumeur, pas question ici d'imprimer une légende plus belle ou au moins plus sensationnelle que la réalité. De ce fait, l'ouvrage peut sembler un peu sec, car au-delà de la cantatrice, il nous est difficile de nous imaginer les personnalités d'une bonne partie de son entourage, son frère et sa mère, notamment. Leurs actions et leurs propos rapportés peuvent suffire à nous faire une idée, certes. La part la plus importante de cette biographie est consacrée aux années anglaises de la Storace. Vu l'époque, si l'on est fan de Jane Austen, on retrouve un peu cette ambiance, les commérages, les jugements envers les femmes qui sortent d'une manière ou d'une autre du droit chemin, les scandales... On croise Lady Hamilton, Sheridan... On nous restitue les critiques de l'époque, parfois lapidaires concernant le physique de Nancy, pointant sa vulgarité ou la cantonnant au registre comique, peu tendres lorsque son compagnon l'abandonne pour une autre. La xénophobie du temps qui peut influencer les jugements n'est pas occultée, tout comme l'antisémitisme à partir du moment où Storace noue une relation avec le ténor John Braham.

On a parfois l'impression de suivre la cantatrice au jour le jour mais la biographie parvient à ne jamais devenir trop austère, on perçoit la difficulté de la vie d'artiste, les représentations qui s'enchaînent, les récitals, les théâtres qui partent en fumée... Nancy Storace est critiquée pour son avarice lorsqu'elle ose demander des cachets élevés, et en même temps quand on est sûr de sa valeur et que l'on doit penser à assurer son avenir, peut-on être trop gourmand? On réalise en tout cas que pointer du doigt les exigences salariales des stars n'a pas commencé avec Hollywood.

Précise et rigoureuse, cette biographie est une mine de renseignements, non seulement sur Nancy Storace mais sur le fonctionnement des opéras et théâtres de l'époque. Elle fait réaliser que des pans entiers du répertoire, notamment anglais, nous échappent encore totalement. Si l'on se doute que toutes les productions ne sont pas dignes d'intérêt, il doit y avoir à découvrir, au delà de ce que la postérité a érigé en chefs-d’œuvre indiscutables.
potion préparée par Zakath Nath, le Mercredi 25 Juin 2025, 12:10bouillonnant dans le chaudron "Littérature".